Écouter le culte :
Frédéric Steinhauer (FS) :
« Lorsque viendra le Paraclet que je vous enverrai d’auprès du Père, l’Esprit de vérité qui procède du Père, celui-là me rendra témoignage. »
Dimanche passé, tu ouvrais notre dialogue en déplorant que la Bible paraisse parfois bien compliquée. Mais pour ce matin de Pentecôte 2021, tu t’es même amusé si je vois bien, à retraduire le texte de l’Evangile de Jean et là, franchement : Esprit saint, Paraclet, Esprit de vérité, d’auprès du Père, qui procède du Père…
Alors que le texte des Actes livre le récit de disciples qui parlent clair, après avoir reçu l’Esprit, je pense qu’un petit éclairage s’impose.
Jean-Christophe Jaermann (JCJ) :
Je te l’accorde volontiers. Avec humour, je dirais tout d’abord que quand on touche à la pneumatologie…
FS : Stop ! À quoi ?
JCJ : La pneumatologie, la théologie de l’Esprit, pneuma en grec ; quand on touche à la pneumatologie, on ne doit pas « se dégonfler » !
Plus sérieusement, les mots, même compliqués, ont toute leur importance. Et quand on parle du Saint-Esprit, les termes justes, il faut les respecter. Et c’est vrai que ce n’est pas toujours simple à comprendre.
Pour ma consécration, j’avais dû écrire une confession de foi, bien personnelle, et au moment de parler du Saint-Esprit, j’avais seulement eu ce cri de foi : « Je crois en l'Esprit Saint, expression de l’amour inconditionnel de Dieu et présence active au cœur de mon quotidien. C’est Lui qui me fait reconnaitre le Christ en Jésus. »
On m’avait demandé de le développer, j’avais décliné en opposant : « Qu’en fait, ce n’est pas quelque chose qui se dit, c’est quelque chose qui se vit ! »
FS : « Qui se vit ! » Attends, qu’est-ce que je dois entendre ? Tu as le Saint-Esprit ?
JCJ : Holà, non ! Je te rassure tout de suite, je ne possède pas le Saint-Esprit. Le Saint-Esprit ne se laisse pas attraper. Même s’il est souvent représenté par une colombe, il n’est pas un oiseau qu’on peut piéger et mettre en cage. Et il en va de même avec le vocabulaire, il ne se laisse pas enfermer dans des mots. C’est pour ça qu’il faut plusieurs mots. Le Saint-Esprit n’est pas une réalité humaine que l’on peut projeter en Dieu.
En fait, insaisissable, le St-Esprit nous reste inconnu. Un inconnu qui se révèle subtilement par des intuitions diverses, des révélations et des approches plus ou moins lointaines… et bien souvent contradictoires !
FS : Hmm… pour simplifier un peu, toi qui aimes bien les petites histoires de sagesse, tu en aurais peut-être une pour éclairer tout ça ?
JCJ : Oui, peut-être… Il était une fois un maître qui voulait comprendre le vent.
Il appela son serviteur et l’interrogea :
- Dis-moi ce qu’est le vent !
Le serviteur répondit :
- Le vent, c’est ce qui fait chanter les arbres lorsque la brise du soir rafraîchit la terre.
- Je ne t’ai pas demandé de me parler des arbres mais du vent.
- Le vent c’est ce qui fait danser les blés lorsque la moisson est mûre.
- Ne me parle pas de la moisson, mais du vent.
- Le vent, c’est ce qui fait avancer le navire lorsque les voiles sont gonflées.
- Dis-moi ce qu’est le vent !
- Maître, je ne peux pas répondre à ta question, car le vent ne peut s’attraper.
Comme le vent, l’Esprit ne se laisse pas enfermer dans nos définitions, on ne peut que l’attendre et l’accueillir. Il est comme un souffle qu’on peut écouter dans la fraîcheur du soir, il est comme une musique qui fait danser la vie, il est comme un alizé qui gonfle les voiles pour nous conduire au large.
FS : C’est alors pour ça que tu conserves tous ces termes : Saint-Esprit, Esprit de vérité, Paraclet ?
JCJ : Oh, ce n’est pas moi qui le fais. C’est la Bible ! Ce sont les mots exacts de l’Evangile de Jean. Ainsi le paraclet. C’est important d’en comprendre la signification.
FS : Le Paraclet, si je traduis bien, c’est l’avocat, le défenseur.
JCJ : Parfaitement. Dans le monde grec du premier siècle il revêt une signification essentiellement juridique. Dans la salle d’audience d’un tribunal, lors d’un procès, on fait appel à un paraclet pour assister le prévenu et plaider en sa faveur.
J’aime alors ce terme d’avocat, cette idée du défenseur qui, devant Dieu, est commis d’office, accordé par grâce, car il nous ouvre directement à cette dimension essentielle et existentielle de la grâce qui est au cœur de ma foi de chrétien !
FS : La grâce, peux-tu m’en dire plus ?
JCJ : La grâce, c’est cet amour inconditionnel de Dieu envers nous. Si je peux croire que cet amour sans condition est possible, c’est grâce au Paraclet, qui me l’assure !
FS : Ok pour le Paraclet. Et maintenant l’Esprit de vérité, comment est-ce qu’il vient éclairer notre compréhension du Saint-Esprit ?
JCJ : Souviens-toi de « qui est la Vérité » : on en a bien parlé dimanche passé.
L’Esprit de vérité, c’est celui qui remplace le Christ après son départ. C’est celui qui pousse les disciples à rendre témoignage de la Vérité.
FS : Alors, si je comprends bien, lorsque Jean retranscrit dans son Evangile que l’Esprit de vérité rend témoignage des paroles et des actes de Jésus, Jean nous fait comprendre que c’est le Saint-Esprit qui nous fait dire que Jésus est le Christ. Mais pourquoi est-ce si important de préciser le Christ. Jésus, tout court, ça ne suffirait pas ?
JCJ : Non, Jésus tout seul ne va pas sans le Christ. Jésus, quelle qu’ait été son œuvre, ses discours, ses miracles, sa grandeur, nous serait en fait resté un étranger, un inconnu, sans la présence du Saint-Esprit. Et même si quelque chose avait subsisté de l’histoire et du parcours de Jésus pour en faire un héros ou un prophète, jamais, sans l’action du Saint-Esprit, les disciples, ou nous, n’aurions eu cette révélation que Jésus est Christ, Parole vivante de Dieu, notre Seigneur et notre Sauveur.
FS : Ce que tu proclames, c’est que la foi en Jésus-Christ révèle la présence du Saint-Esprit.
JCJ : C’est exactement ça ! Dire je crois en Jésus le Christ – que j’y croie peu ou beaucoup, est d’ailleurs sans importance – c’est toujours confesser que j’ai été saisi par le Saint-Esprit.
C’est d’ailleurs bien ce que nous relate le texte des Actes. Les disciples, enfermés dans la maison, reçoivent une puissance, comme un souffle violent, qui les fait sortir, hors de toute peur et de toute pudeur, pour se mettre à parler publiquement… dans la langue maternelle des auditeurs.
La langue maternelle, la langue intime, celle du cœur, celle qui fait que quand nous entendons une parole dans cette langue-là, nous l’entendons avec toute notre personne.
FS : Et c’est la langue de l’enthousiasme, celle qui a fait croire aux gens que les disciples avaient bu !
JCJ : Oui, le Saint-Esprit vient toucher le cœur des gens pour témoigner, parfois même sans qu’ils le sachent ou le veuillent, de la liberté qui est en Jésus-Christ. Pour le dire autrement, je crois que le Saint-Esprit nous inspire et qu’alors nous sommes ses vecteurs.
FS : Tiens, là tu utilises ton vocabulaire d’ingénieur… tu veux dire quoi exactement ?
JCJ : Je veux dire que lorsque j’entends chez autrui une parole de vie, de libération, une parole d’amour et d’accueil, j’y vois l’œuvre de l’Esprit. Mais, entendons bien, si le message ne conduit pas à la liberté parce qu’il insiste sur le moralisme ou le jugement, ce n’est plus une parole de vie et ce ne peut donc être l’œuvre du Saint-Esprit.
Et là, crois-moi, je parle d’expérience ! Jusqu’à ma vie professionnelle précédente, celle du rationnel, bien scientifique, dont tu te moquais gentiment… oui je crois que Dieu nous rencontre très concrètement. Il a besoin de nous pour agir, et alors toi, moi, n’importe qui, peut être vecteur de l’Esprit saint.
Et c’est extraordinairement libérateur d’être vecteur de l’Esprit saint. C’est ce que dit Paul dans l’extrait de la lettre aux Galates, quand il dit que les fruits de l’Esprit, c’est l’amour, la joie, la paix, la patience, la bienveillance, la bonté, la fidélité, la douceur et la maîtrise de soi.
FS : Cependant, attends ! Je vois un petit paradoxe. Si c’est l’Esprit qui nous pousse, où est notre liberté ? Si c’est par l’Esprit que nous accédons à la foi, où se situe alors notre liberté de croire ?
JCJ : On n’a plus beaucoup de temps. Mais tu viens là avec une question fondamentale. Je vais donc conclure par là.
En fait, le Saint-Esprit, c’est l’amour de Dieu qui nous atteint et nous fait nous tourner vers Jésus-Christ, avant de nous tourner vers les autres. Et c’est vrai que rien n’est plus contraignant, mais aussi plus libérant qu’un amour, lorsqu’on y répond. Par conséquent, rien ne nous libère et ne nous contraint plus qu’un amour. Et encore plus s’il s’agit de l’amour de Dieu donné en Jésus-Christ… et aussi rien ne nous respecte plus. L’Amour, le vrai, celui de Dieu, est toujours créateur de liberté.
« Là où est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté ! »
Amen