Écouter le culte :
Sans doute que plusieurs d'entre vous faites ponctuellement ou régulièrement des recherches sur internet. Vous utilisez alors un moteur de recherche en tapant les mots qui pourront peut-être vous aider à trouver une réponse à la question que vous vous posez. Mais méfiez-vous, les ordinateurs ne sont pas parfaits et il est facile de leur faire dire n'importe quoi !
En effet, la plupart du temps ils ne font pas attention aux accents ! Il ne s'agit pas des accents vaudois, genevois ou d'autre part. Non, le problème des ordinateurs, ce sont les accents sur les lettres, les accents aigus, graves ou circonflexes – ils ne les reconnaissent pas. Ainsi, si vous cherchez des recettes pour faire des pâtés, très vite vous trouverez des recettes pour faire vos pâtes – ce qui est aussi bon, mais ce n'est pas la même chose !
Eh bien la question du jour sur laquelle je vous invite à nous pencher un moment a aussi un problème d'accent !
Est-ce que Jésus est juge ou est-ce qu'il est jugé ? Comme pour les pâtes et le pâté, ce n'est pas la même chose que Jésus soit juge ou jugé. Et j'ai fait le test : sur un moteur de recherche, on trouve rapidement les deux sens. Mais avec un penchant plutôt pour le Jésus jugé.
Alors oui, cette image de Jésus qui condamne ou celle d'un Dieu qui juge est très présente. Que ce soit dans les gravures ou les peintures, la thématique du jugement dernier a inspiré bien des artistes. Et leurs images parfois terrifiantes ont marqué des générations de personnes, enfants ou adultes. D'ailleurs, malgré le souci pédagogique des peintres, sans doute qu'il y a davantage de croyants qui ont pris leurs distances avec la foi chrétienne après avoir observé ces œuvres, plutôt que l'inverse.
Jésus serait ce juge impitoyable qui sépare l'humanité en deux après notre mort. Il est vrai que certains textes bibliques vont dans ce sens et ne sont pas faciles à comprendre et à interpréter. Mais comme souvent, on peut aussi découvrir d'autres propositions.
C'est par exemple le cas dans l'Évangile de Jean que l'on a entendu, avec cette affirmation centrale de Jésus :
« Dieu n'a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui. » (Jean 3 : 17)
Pour situer cette phrase dans son contexte, on est alors dans une rencontre entre Jésus et Nicodème, une rencontre pleine de contrastes :
- entre la vie terrestre et la vie spirituelle,
- entre juger et sauver,
- entre faire le mal et agir selon la vérité.
Alors effectivement, l'évangéliste Jean revisite fondamentalement la fonction de juge du Fils de Dieu. Au lieu du jugement qui était mis en avant, c'est le salut offert qui prend la première place. Il y là a un renversement que j'ai envie de qualifier de salutaire ! Le don de la vie de Jésus pour le monde entier est plus fort que la menace de la condamnation. Jésus n'est pas celui qui vient juger, mais au contraire, c'est lui qui est jugé ! C'est lui qui est condamné et c'est en lui que se trouvent notre salut et notre libération.
Et examinons le verset suivant :
« Celui qui croit au Fils n'est pas jugé ; mais celui qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu'il n'a pas cru au Fils unique de Dieu. » (Jean 3 : 18)
On y entend que le jugement n'est pas situé dans l'au-delà et ce n'est pas Jésus ou Dieu qui juge. C'est l'être humain qui se condamne lui-même, pour ici et pour maintenant.
Deux groupes de personnes sont donc caractérisés : les croyants et les non-croyants.
Pour les non-croyants, le jugement n'est donc pas à venir, il est déjà là, voire derrière. Mais devant, dans son avenir, il n'y a pas de condamnation. Il y a la possibilité de repartir avec une page blanche. Quelle bonne nouvelle ! J'ai le choix de me condamner moi-même ou non ! C'est merveilleux !
Pour le second groupe, celui des croyants il n'y a plus de jugement dans son avenir. Quelle deuxième bonne nouvelle ! Quand je disais que c'était un renversement salutaire, ça l'est vraiment, au premier sens du terme. Ce n'est plus Dieu qui me juge, ce n'est plus Jésus qui me condamne, c'est moi qui choisis ou non de me condamner. On y reviendra…
Alors, nous savons bien que nous sommes souvent un peu croyants ou un peu non-croyants. Ce qui est rassurant avec ces deux bonnes nouvelles, c'est de savoir qu'il n'y a plus de jugement devant nous, dans notre avenir. À moi de choisir ce que je fais de mon avenir.
Pour l'étape suivante de notre réflexion, j'ai envie de nous pencher un moment sur le texte de Michée. Nous y découvrons notamment un texte prophétique qui proclame une espérance en un Dieu qui réglera les problèmes de relations entre les peuples.
Une promesse qui s'inscrit évidemment dans l'attente de l'intervention divine par un Messie sauveur. Or, en Jésus, la promesse d'un Dieu qui nous rejoint dans nos guerres intérieures pour y apporter la paix peut déjà se réaliser partiellement.
Dans ce texte, on trouve également un écho à un Dieu juge. Mais écoutons bien cette parole, c'est un jugement qui ne condamne pas, mais qui ouvre sur la paix :
« [Le Seigneur] rendra son jugement entre une multitude de pays, il sera un arbitre pour des peuples puissants, même lointains. Avec leurs épées ils forgeront des socs de charrue, et avec leurs lances ils feront des faucilles. On ne lèvera plus l'épée un pays contre l'autre, on ne s'exercera plus à la guerre. » (Michée 4 : 3)
Nous trouvons ici la promesse d'un Dieu qui juge mais dont le jugement ouvre sur la paix : magnifique espérance qui nous est donnée et où les armes se transforment en outils agricoles. Au lieu de tuer, le métal sert à produire de la nourriture. Au lieu de se battre, les peuples peuvent se concentrer sur la production de leur subsistance.
Je suis bien conscient d'être anachronique, mais cette épée me fait penser à l'épée de la justice : un des attributs classiques de la justice, avec la balance et les yeux bandés. L'épée, symbole du jugement qui tranche les litiges ou symbole de ce qui exécute les peines. Mais là, l'épée devient un soc de charrue : un outil pour travailler la terre.
Au moment de voir ce que ces récits peuvent nous dire pour aujourd'hui, cette épée de la justice, j'ai envie de m'en saisir pour la mettre en dialogue avec le texte de Jean.
Je disais tout à l'heure que ce n'est plus Dieu qui me juge, ce n'est plus Jésus qui me condamne, c'est moi qui choisis ou non de me condamner. Le choix m'est donné, que vais-je faire de cette épée ?
Dans mon vis-à-vis avec Dieu et Jésus-Christ, est-ce que je garde mon autonomie et je l'utilise pour mon propre jugement ?
Ou est-ce que je me confie à la grâce et à la tendresse de Dieu pour la transformer et en faire un outil de paix ?
Cela me rappelle cette invitation de Dieu, placée dans la bouche de Moïse et qui s'adresse au peuple hébreu au moment de rentrer dans la Terre promise, la Terre de la liberté.
« J'ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie, afin que tu vives, toi et ta descendance. » (Deutéronome 30 : 19)
Liberté de choisir la vie plutôt que la mort ! Magnifique ! Quelle belle promesse : la liberté de voir les belles choses de la vie plutôt que de se focaliser sur les points noirs de notre existence.
Une invitation à choisir la grâce plutôt que la condamnation.
Une invitation à choisir l'Évangile plutôt que la Loi.
Une invitation à choisir la lumière plutôt que les ténèbres pour reprendre les mots de Jésus.
Et ce n'est pas évident !
À l'amour de Dieu pour l'humanité s'oppose symétriquement l'attirance des êtres humains pour les ténèbres (v.19, l'homme = l’humanité, pas seulement les incroyants). Et en opposition aux mauvaises actions, il y a alors une invitation à agir selon la vérité.
Dans l'Évangile de Jean, « la vérité », désigne la réalité de Dieu, manifestée en Jésus. Pratiquer la vérité s'enracine donc dans la foi et s'inscrit dans la lumière.
C'est le chemin que veut faire parcourir Nicodème lorsqu'il vient le rencontrer, de nuit. Une nouvelle naissance lui est offerte, le passage de la nuit à la lumière. Alors que Nicodème cherchait le chemin pour rejoindre Dieu et être sauvé, Jésus lui a montré le chemin que Dieu a pris pour rejoindre l'humanité et la sauver.
Nos choix dans notre existence sont des choix de vie ou de mort, de salut ou de jugement, de lumière ou de ténèbres.
Alors pour revenir à la question du début, où est-ce que je mets l'accent ?
Un ordinateur ne fait pas la différence dans mes choix orthographiques, mais mes choix dans la vie font toute la différence !
Amen.