Écouter le culte :
Il est toujours difficile de savoir à quoi nous servons.
Il est toujours difficile de savoir quelle aura été notre contribution sur terre.
Avouons-le, les réponses à ces interrogations peuvent donner du souffle à notre quotidien. De même qu'elles peuvent nous plonger dans une légère déprime, voire perte de sens quant à notre vie.
Ces préoccupations sont légitimes :
Que vais-je laisser ?
Mon existence aura-t-elle eu un sens ? Pour le monde ou plus simplement pour mes proches, mes amis, ma famille ?
Laisserai-je une signature, une forme de témoignage. Une espèce de saveur. Un goût.
Mon passage sur terre aura-t-il été utile ? Ou alors disparaîtrai-je tout modestement sans laisser ni de trace ni d'empreinte ?
Comme le sel semble disparaître lorsqu'il fond et se dissout.
Je crois que cette image du sel de la terre nous offre l’occasion de comprendre et de répondre à ce questionnement.
En effet, vous le savez, le sel se dissout dans l’eau, se mélange aux plats, disparaît dans les liquides. Il passe chimiquement d'un état solide à un état liquide. Et sous nos yeux, semble-t-il, devient invisible, imperceptible à l'œil nu. Il ne semble subsister aucune trace du sel et de son existence.
Cependant vous le savez aussi bien que moi, certes, le sel a disparu, on ne le voit pas mais on le sent. Une boisson dans laquelle du sel a fondu a réellement un autre goût. Un plat assaisonné de sel exhale une autre saveur. Invisible une fois incorporé mais tellement présent au goût.
C’est un peu comme la Réforme dans nos sociétés occidentales qui est arrivée avec des aspirations, une certaine vision de l’être humain, une certaine idée de l'existence face à Dieu dans le monde.
Toute créature sur terre est égale devant Dieu, riche pauvre, homme femme, lettrés illettrés, croyants ou non, pape ou laïc, pasteur ou laïc.
Et cette vision a réussi et s’est imprégnée dans la société. La Réforme s’est dissoute dans le monde. En effet, nous n’avons pas vu triompher les Églises protestantes et leur message évangélique à chaque coin de rue. Le sel s’est dissout.
Mais il a changé irrémédiablement le goût de nos sociétés occidentales. La franc-maçonnerie, les Lumières, la Déclaration des droits de l’homme, la démocratie, les divers libéralismes, le socialisme, le pacifisme, le féminisme, le suffrage universel, l’instruction obligatoire, et nombre d'autres innovations ont la saveur du sel de la Réforme.
Dissout, invisible à l'œil nu, semble-t-il, en l’absence d’Églises protestantes à chaque coin de rue mais tellement présent dans nos sociétés occidentales.
De même je crois que chacune et chacun de nous peut faire la même chose là où il est, là où elle vit, avec ce qu’elle croit, avec sa foi. Nous ne voulons pas radicalement changer, modifier les gens et les choses qui nous entourent, ni le monde dans lequel nous vivons.
Nous ne voulons pas forcer les gens à croire en ce que nous croyons, à confesser ce que nous confessons. Mais nous pouvons apporter quelque chose d'unique et de particulier quand même.
Notre sel personnel, le cœur de notre individualité, de ce que nous sommes. Nos caractéristiques, notre personnalité, notre intelligence, notre humour, nos espoirs, nos joies, notre histoire et notre foi. Cette foi, cette saveur qui est notre conviction que Dieu existe et accompagne chaque existence.
Une saveur portée par notre confiance que malgré les incompréhensions et les incohérences que la vie nous a parfois imposées et nous imposera encore, toute existence a de la valeur aux yeux de Dieu.
Aucune chose n’est vaine.
Aucune existence n’est vaine.
Aucun être humain ne quitte ce monde sans l’avoir altéré par son passage.
Comme un petit grain de sel altère le plat ou la boisson dans lesquels il a fondu, nous altérons et influençons le goût des existences. Nous sommes comme des co-créatrices et créateurs avec Dieu.
En son temps, la Réforme n’avait pas un programme politique mais un programme existentiel, un programme devant Dieu. C’était théologique, au-delà du politique, en relation avec Dieu, la mort et la vie qu’elle voulait changer.
Et nous, fortes et forts de notre foi en Dieu, source de notre saveur, chaque matin, chaque jour nous pouvons encore agir et nous dissoudre sans nous perdre dans nos sociétés.
La manière dont on se lève, dont on parle aux autres.
Le ménagement, l’attention que nous portons au bien-être – au nôtre et à celui de notre prochain.
Le recueillement, la prière, le temps de méditation que nous prenons pour nous ressourcer et intercéder pour le monde.
Le soin et la réflexion, le temps que nous accordons à nos choix avant de décider.
Une nouvelle année civile a commencé : 2022. Le coronavirus règne encore, et nous ?
Nous allons donner de la saveur à notre quotidien et au monde. Par nos actes, par notre manière d’être, notre présence, nous pouvons assaisonner le monde. La Réforme y est parvenue, pourquoi pas nous ? Y apporter un peu de notre grain de sel, de notre grain de foi.
Ayez confiance, Dieu nous assure de ne jamais perdre notre saveur. En Christ ressuscité il nous a été promis que quelque chose toujours demeure. Ce qui demeure est cette saveur unique qui nous permet d’espérer et de croire là où plus personne n’espère ni ne croit. Saveur donnée une fois pour toutes pour celles et ceux qui confient leur vie et leur quotidien à Dieu.
Amen.