Écouter le culte :
« Comme le Père m'a aimé, moi aussi, je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour. » (Jean 15, 9)
Quel est mon essentiel ? C’est la question que nous nous posons ce matin, comme la semaine dernière et durant tout ce mois.
Quel est mon essentiel ? Avec toutes les difficultés que cela comporte, car finalement ce n’est pas si facile que ça de se concentrer sur l’essentiel ; naturellement on se concentre sur le superficiel. Naturellement, on a tendance à être distrait, à se laisser distraire. L’essentiel devient alors lointain, un concept, une idée plus qu’un vécu ou une relation.
Jésus en est bien conscient lorsqu’il s’adresse à ses disciples, à ses proches. Ces paroles fortes font partie d’un ensemble plus grand que l’on appelle le discours d’adieu dans l’Évangile de Jean. Sachant qu’il va bientôt être mis à mort et qu’ensuite il sera amené à rejoindre son Père après sa résurrection, Jésus s’applique à transmettre ce qu’il a de plus important, l’essentiel à ses disciples.
Ces chapitres 13 à 17 de Jean peuvent être considérés comme une sorte de testament de Jésus, un condensé de son enseignement et des priorités qu’il contient. Quel est donc l’essentiel de la foi ? Demeurer dans l’amour de Dieu, Jésus.
Il y a tout d’abord un aspect reposant, qui fait du bien. Demeurer évoque le repos, dans le vrai sens du terme. Pas le farniente de la plage estivale qui évoque plutôt l’ennui, mais le repos, là où tout se calme, et là surtout où notre identité, notre personne est ressourcée et en sécurité.
Dans notre vie active et qui s’accélère chaque jour un peu plus, nous avons besoin de lieux, de moments où nous pouvons demeurer dans l’amour de Jésus.
Quels sont ces lieux ?
Existent-ils dans ma vie ?
Est-ce que ces moments existent dans mon quotidien certainement rapide et chargé ?
« Demeurez dans mon amour » suppose un état de fait, qui nous est offert par Jésus. Ce n’est pas quelque chose à devoir reconquérir à la force de nos efforts chaque matin.
Certainement une des meilleures définitions de la grâce : « demeurez dans mon amour ». Cet amour est là, il se rend présent à nous, il nous a été acquis à la croix une fois pour toutes. Dans ce cadre, il est plutôt évident à notre tour d’aimer Dieu, de demeurer dans son amour. D’aimer l’essentiel, finalement. Et nous avons besoin de ces moments-là, notre foi, notre vie doit pouvoir vivre ces moments de grâce.
Dans le même temps, il y a une forme de reconquête pour revenir à l’essentiel. Cet essentiel est identifié, il nous faut, car c’est aussi un devoir, et pas uniquement un élan. Il y a une notion de devoir car cela reste aussi un commandement : tu dois aimer le Seigneur ton Dieu…
Demeurer dans l’amour a été modélisé d’une certaine façon par Jésus qui, durant tout son séjour sur Terre, a aussi dû se battre pour demeurer dans l’amour du Père. Je trouve que ça fait du bien de se rendre compte que même Jésus a dû prendre ces temps à part, en retrait, en sécurité, pour demeurer dans l’amour du Père.
Demeurer à un endroit où l’on se sent en sécurité ou chez quelqu’un où l’on se sent bien, c’est demeurer chez quelqu’un que l’on aime, chez quelqu’un qui a de la valeur. Ce verbe demeurer est très parlant je trouve.
Cela signifie donc aimer Dieu, aimer rester et être en sa présence. Ce ne peut être quelque chose de forcé, voire même quelque chose que l’on doit faire. L’obligation, il me semble, est là pour nous signifier notre propension naturelle à nous détourner de l’essentiel, et non pour qualifier la relation une fois qu’elle est établie et vécue. Il y a une grande différence !
Il est en effet difficile d’imaginer, si on pousse cette image de demeurer chez quelqu’un où l’on se sent bien, en sécurité, en croissance, que ce soit une charge, un devoir moral. Il y a une autre dimension, clairement : la dimension de l’amour, de l’attachement au Père, cette relation unique et mystérieuse qui nous unit à notre Créateur et au Créateur de l’Univers.
L’image du cep et des sarments que Jésus choisit dans les versets qui précèdent illustre bien cette relation intime au Père. Il poursuit avec un autre versant de la relation :
« Voici mon commandement : que vous vous aimiez les uns les autres comme je vous ai aimés. […] Ce que je vous commande, c'est que vous vous aimiez les uns les autres. » (Jean 15 : 12 & 17)
On se rend compte alors qu’il y a une jonction, voire même plus : une communion des deux commandements.
L’un ne peut pas aller sans l’autre. L’un se nourrit de l’autre. L’un est dépendant de l’autre. C’est parfois un peu difficile à saisir, car ce n’est objectivement pas la même chose que d’aimer Dieu et d’aimer son prochain.
Son prochain, par définition, est là, palpable, présent, vivant, parfois désagréable. Tandis que Dieu n’est pas là physiquement, palpable. Donc l’effort qui nous est demandé par Jésus est conséquent.
La communion, à l’exemple de la communion dans la Trinité se retrouve constamment dans Jean. On trouve ces rapports, mystérieux et pourtant dynamiques, porteurs de vie, fluides. Les frontières sont repoussées, les limites ont plutôt tendance à s’effacer pour laisser place au souffle de l’Esprit Saint.
Imaginons deux secondes quel visage prendrait l’histoire de l’Église si cet essentiel avait été pris en compte ! Il y a quelque chose de tragique… Prenons les guerres de religion, notamment aux 16ème et 17ème siècles. Que n’a-t-on pas fait au nom de l’amour de Dieu ?
Aujourd’hui nous avons peine à comprendre et saisir ce qui a pu se passer à ce moment-là. Nous avons vécu la Semaine de l’unité des chrétiens il y a 15 jours, donc imaginer des personnes aimant Dieu et son Fils se faire la guerre, s’entretuer, pour nous c’est compliqué, voire impossible à concevoir. Et pourtant...
Au nom de l’amour de Dieu, ou en tous les cas, de la vérité, ce n’est peut-être pas toujours la même chose ! Des milliers de croyantes et de croyants ont été tués, ont dû prendre le chemin de l’exil, ont été pourchassés jusque dans leurs propres maisons. C’est un fait, auquel on pourra peut-être trouver d’autres raisons que celles que je viens d’évoquer.
Imaginons ce qui aurait pu se passer si ces deux commandements avait vraiment été pris ensemble, l’un avec l’autre. Que ce serait-il passé ? Assurément le scénario aurait été différent.
À nos niveaux personnels, et certainement moins tragiques, il en va de même. L’un ne peut aller sans l’autre. Plus encore, l’amour du prochain permet de manifester l’amour de Dieu. Eh oui ! Dans la parabole du Samaritain, l’amour du prochain manifeste ou illustre l’amour de Dieu, et l’amour pour Dieu.
On retrouve cette manifestation dans l’Évangile de Matthieu avec la parabole des boucs et des chèvres : ce que vous avez fait au plus petit d’entre vous, c’est à moi que vous l’avez fait.
« Alors il leur répondra : Amen, je vous le dis, dans la mesure où vous n'avez pas fait cela pour l'un de ces plus petits, c'est à moi que vous ne l'avez pas fait. » (Matt 25, 45).
En préparant ce mois de mobilisation j’ai déjà reçu quelques témoignages, réels, et actuels qui pointent aussi dans cette direction : des personnes qui ont découvert Dieu en regardant évoluer des chrétiennes et des chrétiens.
Sans se vanter, mais sans fausse modestie aussi, il est possible de dire aussi que les croyants sont capables de manifester l’amour de Dieu à travers leurs actes, et notamment à travers l’amour du prochain.
Cette manière de vivre concrètement ces deux commandements pris ensemble établit, au minimum, deux choses dans la vie de celles et ceux qui les pratiquent.
Deux conséquences :
1. Que notre joie soit parfaite.
« Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, comme moi j'ai gardé les commandements de mon Père et je demeure dans son amour. Je vous ai parlé ainsi pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit complète. » (Jean 15, 11-12)
Une joie qui ne dépend pas ces circonstances, mais d’un état relationnel, d’une manière d’être en Dieu et en lien avec son prochain.
2. Amitié avec Jésus.
« Vous, vous êtes mes amis si vous faites ce que, moi, je vous commande. Je ne vous appelle plus esclaves, parce que l'esclave ne sait pas ce que fait son maître. Je vous ai appelés amis, parce que je vous ai fait connaître tout ce que j'ai entendu de mon Père. Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, c'est moi qui vous ai choisis et institués pour que, vous, vous alliez, que vous portiez du fruit et que votre fruit demeure ; afin que le Père vous donne tout ce que vous lui demanderez en mon nom. » (Jean 15, 14-16)
Une fois que le disciple a pu saisir cette réalité, il peut pleinement saisir la réalité de l’amitié du Christ, qui lui, voit et vit de cette manière imbriquée. Ces relations d’amour avec son Père et avec celles et ceux qui l’entourent deviennent sa marque de fabrique.
En conclusion, l’essentiel de notre foi chrétienne tient dans ce double commandement. Cet essentiel est donc identifié, clair. Son intégration dans nos vies est un véritable parcours de vie. Avec des hauts, avec des bas. Avec des moments de lucidité, des moments d’échecs, des moments de plénitude.
En aucun cas, l’ennui ne peut s’inviter car nous n’en aurons jamais fini avec l’amour de Dieu et l’amour du prochain.
Cette nouveauté continuelle est simplement belle à vivre et expérimenter. Tout simplement aussi, je nous souhaite de la vivre et de l’expérimenter chaque jour. Amen.
A apprendre par cœur : 1 Corinthiens 13, 4-7 & 13
« L'amour est patient, l'amour est bon, il n'a pas de passion jalouse ; l'amour ne se vante pas, il ne se gonfle pas d'orgueil, il ne fait rien d'inconvenant, il ne cherche pas son propre intérêt, il ne s'irrite pas, il ne tient pas compte du mal ; il ne se réjouit pas de l'injustice, mais il se réjouit avec la vérité ; il pardonne tout, il croit tout, il espère tout, il endure tout. […] Or maintenant trois choses demeurent : la foi, l'espérance, l'amour ; mais c'est l'amour qui est le plus grand. »