Écouter le culte :
Chers paroissiens, chères paroissiennes, chers auditeurs et auditrices, nous voilà donc avec ces quatre versets de l'évangile de Matthieu qui clôt cet évangile et qui nous rappelle encore une fois tout ce qui est réellement important. Il nous redit qui est Dieu, qu'est-ce que c'est que d'être chrétien et pourquoi nous formons un peuple, pourquoi l'Église est là.
Et ce texte se trouve à un moment très important, évidemment, de la vie de Jésus. Il se trouve, après Pâques, les disciples ont eu droit à quelques apparitions, quelques moments-clés où Jésus est venu leur montrer qu’il était là, qu’il était vivant, que la mort n'avait pas eu raison de lui. Et là, on est à l'ultime moment, la dernière fois qu'il leur parle avant de monter au ciel.
Dès lors il ne sera plus présent aussi physiquement, mais il termine sur une promesse : « Je suis avec vous, tous les jours, jusqu'à la fin des temps ». Il y a évidemment quelque chose de légèrement paradoxal de dire ça au moment où on s'en va. Alors comment est-ce que c'est possible, comment est-ce qu'il peut être présent alors qu'il part ? Comment est-ce qu'il peut être présent alors qu'il va rejoindre Dieu, qu'il va rejoindre son Père ? Il l'est dans le texte par plusieurs éléments.
Le premier, nous l'avons fêté la semaine passée, c'est par son Esprit. Désormais, il est présent par son Esprit, et son Esprit remplit le monde, et son Esprit remplit tout particulièrement ses disciples. Chacune et chacun de nous, qui désormais porterons cette promesse, parlerons de cette vie et parlerons de ce que cette vie a fait en nous, a fait à travers nous. Et s'il est présent, c'est tout simplement parce qu'il l'a promis.
Jésus tient toujours ce qu'il dit, c'est d'ailleurs probablement sa grande différence avec tous les autres humains : quand il dit quelque chose, il le fait toujours. Et là, il nous a dit, « je serai avec vous », donc il est avec nous. À nous de découvrir où et comment.
Et il nous laisse avec cette scène finale, quatre versets dans lesquels l'évangile de Matthieu traite les trois questions fondamentales de la vie chrétienne.
- Qui est Dieu ?
- Qu'est-ce que c'est que d'être chrétienne ou chrétien ?
- Pourquoi l'Église ?
Je commence par cette première question : « Qui est Dieu ? ». Vous me direz, vous aurez raison, on ne peut pas le dire. On ne pourra jamais mettre Dieu dans une boîte et dire voilà qui il est, j'ai mis une étiquette dessus, désormais je le sais. Évidemment que la première chose à dire de Dieu, c'est qu'il est toujours mystère, c'est qu'il dépassera toujours toutes nos paroles, tout ce que nous pouvons imaginer et dire de lui.
Et en même temps, le Christ est venu pour nous montrer son visage, pour nous dire quelque chose de qui il était, pour nous parler de qui il est, pour nous révéler quelque chose de lui. Et ce qu'il nous a dit, c'est que ce n'était pas totalement impossible de savoir qui était Dieu et qu'il fallait simplement se taire. Ce qu'il nous a dit, c'est que Dieu était relationnel, que Dieu était quelque chose qui était en lien avec nous, parce qu'au cœur, il est l'Amour.
Cette révélation, elle se fait à chacun et chacune de nous personnellement, par l'Esprit Saint, et en même temps, c'est une révélation qui s’est faite de façon collective à l'Église à travers les siècles. On le comprend peu à peu, et c'est ça, la Trinité. En Dieu lui-même, il y a relation. Entre le Père et le Fils, entre le Père, le Fils et l'Esprit, il y a une vie intérieure en Dieu et nous avons le droit d'en savoir quelque chose. C'est qu'en Dieu, aussi, il y a amour, il y a lien.
Le mot « père » et le mot « fils » ne font sens que quand ils coexistent. On ne peut être père sans avoir un fils, et on ne peut être fils sans avoir un père. Les deux mots naissent, pour ainsi dire, en même temps, puisqu'ils sont relation. Et ce que Jésus est venu nous dire, c'est que c'était ça, l'être de Dieu. L'être de Dieu, c'est être en relation, c'est être amour et ouvrir cet amour à nous.
Un amour de père d'abord, un amour qui crée un espace dans lequel ses enfants ont la possibilité de vivre, de se développer, de créer quelque chose à leur tour. Cet espace dans lequel nous vivons qu'est la création, et qui nous rappelle à tout moment de la beauté de la vie et de l’amour d’un père qui veut que nous ayons un espace pour créer, un espace pour être.
Un amour de fils ensuite, c'est la vie de Jésus qui nous montre que Dieu est comme un frère pour nous, qu'il a envie de vivre au milieu de nous et que son amour est infini. Et ça évidemment, il le montre sur la croix. Il le dit lui-même, il n'y a pas de plus grand amour que de mourir pour ses amis. Et là encore, il le dit et il le fait. Il n’y a pas de promesse qui ne soit pas tenue.
Et l’évangile d’aujourd’hui nous dit quelque chose d’intéressant. Il nous dit que cet amour-là, il est tout-puissant. Parce que Jésus qui a toujours vécu de cet amour, et qui a parlé de ça tout au long de sa vie, nous dit en même temps : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. » Par là, il nous dit que celui qui aime à ce point est indestructible, et que cet amour a le pouvoir de tout changer. Parce qu’il a le pouvoir de tout espérer, il a le pouvoir de tout repêcher et de tout recréer. C’est cela, la force fondamentale de Dieu. C’est que, malgré toute la violence du mal, malgré des siècles de guerres et de destruction, il y a toujours des hommes et des femmes qui osent espérer, qui osent aimer, qui osent reconstruire.
Et la promesse de Jésus, c’est que cette force-là est plus forte que tout le bruit que peut faire le mal. Un amour d’Esprit, finalement. Amour du Père, amour du Fils, amour de l’Esprit. Un amour d’Esprit, c’est cet amour qui, tout à coup, devient réel pour chacune et chacun de nous.
Nous avons parlé de ce grand feu d’amour, de cette grande chaleur d’amour qu’il y avait en Dieu, et là tout à coup, il y a des moments dans nos vies, comme un rayon qui nous toucherait, où cet amour arrive sur nous. Tout à coup, nous le sentons. Un matin, en se levant, où le monde est calme et beau. Un moment d’une prière à l’église, en entendant une parole de Dieu, en rencontrant un frère ou une sœur qui a besoin de nous. Tout à coup, nous sentons cette lumière. C’est l’Esprit qui nous transmet l’amour de Dieu. L’Esprit qui nous parle de cette espérance que nous avons, d’avoir un Dieu qui est pour nous et qui nous aime.
Oui, le Dieu trinitaire nous est révélé par l’Esprit, et c’est cette rencontre fondamentale qui est à la fois une rencontre personnelle et une rencontre collective qui crée le peuple de Dieu. Et c’est cet amour-là qui nous est transmis dans le baptême. Dans le baptême, Dieu a dit au Christ : « Tu es mon enfant bien-aimé, j’ai mis en toi toute ma joie. » Et c’est dans notre baptême que cette parole devient réelle pour chacune et chacun de nous.
Et quelle est la réponse des disciples ? Quelle est la place du chrétien, de la chrétienne, justement ? La première réponse qu’ils ont, c’est qu’ils se couchent à plat ventre. Ils font une « proskynèse », comme on dit en grec ; ils se couchent à plat ventre et ils reconnaissent dans cet homme qu’ils ont côtoyé, avec lequel ils ont mangé, la présence de Dieu absolue.
En cela, ils rejoignent un texte extrêmement important tout au début de l’évangile de Matthieu : les mages. Les mages venus d’Orient, c’étaient eux aussi qui, couchés à plat ventre, avaient fait une « proskynèse » (en grec) devant l’enfant qui venait de naître.
Ces deux moments, Noël et Pâques, sont accompagnés de deux moments où des hommes et des femmes découvrent qui est cet homme, et se mettent à plat ventre. Et ce n’est pas surprenant, parce que ce sont les deux moments où Jésus sort un tout petit peu d’une vie humaine ordinaire. Quand même, naître d’une vierge et ressusciter, ça n’entrera jamais complètement dans nos cadres !
Et c’est pourquoi cette « proskynèse » est immédiatement accompagnée de cette parole magnifique dans l’évangile de Matthieu : « Mais quelques-uns doutèrent. » Il y a de la place pour le doute. Avoir la foi ne signifie pas ne pas se poser de questions. Avoir la foi ne signifie pas avoir de temps en temps des moments où on se dit : « Est-ce que c’est vraiment possible ? ». Le doute a sa place, même parmi ses plus proches amis, même parmi ses apôtres qu’il va envoyer à travers le monde pour répandre cette Bonne Nouvelle.
Un chrétien, une chrétienne, c’est donc à la fois quelqu’un qui adore Dieu, qui veut vivre vers le Christ, vivre avec ça comme sens fondamental de sa vie, quelqu’un qui garde ses deux commandements d’amour : tu aimeras le Seigneur ton Dieu de toute ta force, de tout ton esprit et de tout ton être, et ton prochain comme toi-même. Et en même temps, c’est quelqu’un qui, tant qu’il vivra sur cette terre, ne cessera de douter. Je vois beaucoup de bienveillance dans l’évangile de Matthieu, que de nous laisser cette place, que de nous permettre cet espace même pour le doute.
Mais remplir tout cela est trop lourd pour chacun et chacune de nous tout seul. Et c’est pourquoi l’Esprit nous donne un peuple : c’est l’Église qui remplira tous les commandements, c’est l’Église qui adorera Dieu, c’est elle qui garde les commandements, qui baptise et qui fait de nouvelles et de nouveaux disciples. Et c’est bien ça l’unique but, l’unique sens de l’Église : remplir humblement cette tâche de parler aux humains qui ont besoin d’un Dieu qui les aime, rappeler que Dieu est relation, qu’il veut être en relation avec chacune et chacun de nous, qu’il est amour et veut vivre au milieu de nous.
Parce que, partout où il y a quelqu’un qui a confiance en lui, et qui, à cause de cette confiance se dépasse, prend soin de ceux qui vivent autour de lui, pardonne, reconstruit, espère en la justice ; partout où quelqu’un fait cela, Jésus est là. Et comme il l’avait promis, il est avec nous, tous les jours, jusqu’à la fin des temps.
Amen.