Dieu vient habiter nos corps meurtris

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On est un peu gêné, on est mal à l'aise. Je ne sais pas si ça vous est déjà arrivé lors d'un repas ? Tout le monde a fini de manger, et vous, distraitement, vous vous êtes resservis. Et voilà que tout le monde vous regarde tandis que vous vous mâchez la nourriture qui est encore dans votre assiette. Ce sont les moments où l'on se sent le plus matériel, le plus solitaire, le plus isolé, à mâcher cette nourriture qui rappelle notre animalité, notre besoin de manger, de nous refaire. Ici, dans la chambre haute, le Christ se place dans cette situation-là : "N'avez-vous pas un peu de pain ou du poisson" et là devant eux, il mange.

Nous aurions aimé une résurrection plus glorieuse, un peu plus céleste. Nous aurions aimé être emmenés à la suite du ressuscité vers un ciel où ces soucis matériels disparaissent... Et voici que le Christ nous ramène sur terre. Il ne nous emmène pas après la mort, au-delà de la mort, mais en deçà; il nous amène dans la vie. Pour un peu, à le voir manger ainsi et boire, on en oublierait qu'il est mort ! Il est si peu différent de nous les vivants.
Si encore il avait eu un geste magnifique, comme celui qu'il a eu dans l'auberge à Emmaüs lorsque, les disciples lui avaient dit : "Reste avec nous". Il avait pris le pain et il l'avait partagé. Si encore il avait eu cette invitation, au bord du lac de Tibériade : "Qu'avez-vous pris à manger ? - Du poisson, - Voilà je vous le donne", mais non c'est lui qui demande à manger et qui mange devant nous.

Il prend ce geste pour nous emmener de l'incrédulité à la foi, pour nous faire passer de l'illusion de la résurrection au sens de la résurrection. Je crois que, dans un premier temps, il veut nous montrer que la résurrection n'est pas un saut de l'autre côté, qui oublie notre condition humaine. Elle est une habitation de notre condition humaine. Un Esprit qui s'y révèle, une spiritualité qui l'envahit.

En même temps qu'îl mange, il montre ses mains percées, ses pieds meurtris, il redit la souffrance, la dureté de l'existence, les nécessités de tous les jours. Christ essaye de nous faire saisir le sens de la résurrection, et il rejoint ainsi les paroles d'Ezéchiel qui n'enlèvent pas notre coeur de chair pour le remplacer par un coeur spirituel, mais qui insufflent de l'Esprit à nos entrailles. Il redit toute la manière dont Dieu vient nous habiter. Un monde de mort est un monde où la chair n'est pas habitée par l'esprit. Un monde ressuscité n'a pas tourné le dos à la chair. Un monde ressuscité est un monde qui est habité de l'Esprit de Dieu. Jésus ressuscité ici tente alors de nous faire passer de l'incrédulité à la foi.

Je reprends ce qui est dit là dans le texte : comme sous l'effet de la joie ils étaient incrédules et ils s'étonnaient Jésus leur dit : "avez-vous ici de quoi manger ?" Sous l'effet de la joie, rester incrédules ? Sous l'effet de la joie ne pas construire une vie de confiance ? La joie pourrait-elle être un empêchement à la confiance ? (parce que foi signifie confiance ) ?

La joie dans ce qu'elle a d'immédiat, de direct, dans le fait qu'elle nous nourrit tout entier, qu'elle nous irradie tout entier, nous entraîne immédiatement à la perte de confiance : Et si cela s'arrête, que me restera-t-il ! Je crois que l'incrédulité des disciples est là. Ils arrivent à vivre la joie des retrouvailles, mais cela aura-t-il une signification quand, il ne sera plus là ? En couple on arrive à vivre la joie de l'amour partagé, mais cela n'empêche pas le doute : quand celle ou celui qu'on aime n'est plus là, m'aime-t-il encore ? Est-eil encore attentif ?" La joie comme obstacle à la confiance !

Jésus répond à cela en ouvrant l'intelligence. Non pas en répétant comme un leitmotiv "il faut croire" !, mais en ouvrant l'intelligence. Il revient aux paroles de l'Ancien Testament, il revient à l'Ecriture. Il leur rappelle les Prophètes et les Psaumes. "Souvenez-vous, leur dit-il, " c'est comme il a été écrit." Il leur dit aller regarder dans leur passé pour assumer leur présent.

Allez regarder dans le passé de votre peuple pour pouvoir vivre votre présent et envisagez l'avenir. Que verrez-vous dans le passé ? Vous verrez que Dieu n'est ni surpris, ni mis en échec par la mort, par le mal, par ce qui arrive et qui nous paraît échec. Vous verrez que Dieu ne se retire pas sur la pointe des pieds au moment où le monde va mal. Vous verrez que Dieu ne détruit pas le mal. Que Dieu ne détruit pas le coeur qui est en nous pour nous en donner un neuf. Dieu réagit en prenant ce que nous sommes, avec nos poids de souffrances et de dureté (l'un n'engendre-t-il pas l'autre ?) et le fait revivre par son Esprit. "Je mettrai mon Esprit, mon souffle dans vos coeurs de chair, mon souffle à vos entrailles".

Dieu ne va pas détruire la mort pour venir nous emmener dans une résurrection où nos souffrances ne nous suivraient pas, où nos difficultés seraient abolies, où le Christ n'aurait plus les pieds et les mains percés, où le besoin de nourriture, au jour le jour, de pain quotidien aurait disparu.
Dieu vient et prend notre chair dans tout ce qu'elle a de charnel, nos besoins dans tout ce qu'ils ont de réel (du poisson, du pain), nos corps dans tout ce qu'ils ont de meurtris. Et il vient y habiter, il vient y mettre son Esprit.

Dieu vient nourrir nos attentes, nos besoins et réconforter nos meurtrissures. Le Christ ressuscité n'est pas glorieux, lumineux, spirituel. Il est charnel, meurtri, présent à notre monde. Et ainsi nous pouvons devenir témoins, assumer ce présent qui nous fait mal, conscient que Dieu vient y ressusciter chaque jour. Que la joie nous habite et nous permette d'aller plus loin dans le témoignage, dans la résurrection.

Amen.



Prière
Oh notre Dieu,
Toi dont les entrailles sont émues de miséricorde
nous te prions pour celles
dont les entrailles ont porté des enfants,
pour les mères.

Pour celles qui sont fatiguées de ce rôle,
de toujours donner et donner encore;
Seigneur,
que nous les hommes nous sachions
les comprendre et les soutenir.

Nous te prions
pour celles qui voudraient porter un enfant
et qui ne le peuvent;
que leur amour sache se donner autrement
et que nous les hommes,
nous sachions comprendre leur frustration.

Nous te prions
pour celles qui ont perdu un enfant
et qui en ressentent la douloureuse plaie.
Que nous les hommes
nous sachions cheminer à leur côté
et que ton Esprit vienne habiter cette douleur.

Nous te prions pour les mères épanouies,
qui vivent dans la joie et la reconnaissance.
Que nous les hommes sachions partager cette joie
et qu'elles sachent la faire rayonner.

Seigneur,
nous te présentons celle et ceux que nous aimons,
dont nous connaissons les noms
et que nous te nommons dans le secret de nos coeurs.
Nous te présentons
celles et ceux que nous ne connaissons pas
ou que nous n'aimons pas,
garde-les dans ton amour et convertis nos coeurs.

Nous te présentons les Eglises de par le monde,
catholiques, réformées, orthodoxes.
Nous te présentons les gouvernements des pays
où ces Eglises sont présentes.

Que ton Esprit vienne habiter parmi nous.
Rassemble-nous en un seul peuple
pour te dire NOTRE PERE...
Amen.