Écouter le culte :
Jéricho, ville livrée, rasée jusqu'aux fondations, mais Jéricho, c'est Jérusalem 1000 ans plus tard, livrée et rasée par les Romains, c'est Stalingrad, c'est Dresde, c'est Hiroshima, c'est Misrata aujourd'hui, villes martyres. Nous les connaissons, les Jérichos et que les archéologues n'aient pas trouvé trace d'une destruction de Jéricho, le récit est là, et il nous interpelle.
Est-ce qu'à un moment donné, quand la ville est close et barricadée, toute portes fermées, quand plus personne n'entre ni ne sort, quand ceux qui sont à la porte se voient interdit le passage (Comment les petits enfants des NEM – Non-Entrée en Matière – d'aujourd'hui, raconteront la ville de Lausanne, la citadelle helvétique ?) A ce moment-là, la ville fermée nécessite-t-elle la violence ? C'est ce que disent les stratèges, c'est ce à quoi se résolvent, certainement la mort dans l'âme, les politiques. Hiroshima, Dresde, et bien d'autres !
Est-ce que notre Dieu, à un moment donné, aurait pour seule et unique solution de recourir à la violence, de dire qu'il est un moment où tendre la joue droite après la joue gauche ne suffit pas, qu'il y a un moment où il faut prendre les armes et demander aux Églises de bénir ceux qui vont durement aller au combat ? Est-ce que notre Dieu des Armées est là, comme tout chef, tout responsable, à se dire « maintenant, il n'y a plus que cette solution-là »
C'est en tout cas ce que Josué a entendu, même si Dieu ne l'a pas dit ! Et pourtant, Josué avait été prévenu, quelques jours avant de mettre en place cette grande liturgie qui tourne six fois autour de la ville, une fois par jour, puis le 7e jour, 7 fois.
Josué avait vécu une rencontre dont vous ne vous souvenez peut-être pas, devant les murs de Jéricho. Écoutons-la maintenant :
Comme Josué était près de Jéricho, il leva les yeux, et regarda.
Voici, un homme se tenait debout devant lui,
son épée nue dans la main.
Il alla vers lui, et lui dit:
Es-tu des nôtres ou de nos ennemis?
Il répondit :
Non, mais je suis le chef de l'armée du Seigneur. J'arrive maintenant.
Josué tomba le visage contre terre, se prosterna, et lui dit:
Qu'est-ce que mon seigneur dit à son serviteur?
Et le chef de l'armée du Seigneur dit à Josué :
Ote tes souliers de tes pieds, car le lieu sur lequel tu te tiens est saint.
Et Josué fit ainsi.
Josué 5, 13 à 15
Quelle rencontre ! Quelle rencontre, avec cette question, toujours la même, « Es-tu pour nous ou contre nous ? » Question que je pose à celui que je croise et en particulier que je pose à Dieu, que Josué pose à Dieu. Vous avez entendu la réponse, elle est drôlement formulée grammaticalement. On pourrait s'attendre à « ni pour l'un ni pour l'autre... » C'est beaucoup plus sec : Non ! Il n'est pas question de poser cette question-là. Cette question n'existe pas. Devant Dieu il n'y a pas à demander « Pour nous ? ou pour adversaires ? ou pour nos ennemis ? »
Non, je suis le chef des Armées du Seigneur. Michel Kocher nous rappelait que les armées en question sont les armées célestes, la lune et les étoiles, les planètes, mais même, ce serait une armée terrestre, elle n'est pas là pour prendre parti. Le chef de l'armée vient, il est d'ailleurs seul, il arrive juste maintenant, mais pourquoi ? Parce qu'il va y avoir rencontre. Et pourquoi dit-il à Josué d'ôter ses souliers ? Car la terre sur laquelle il se tient est sacrée ? Elle est sacrée non pas parce que Dieu la donne au peuple élu, mais parce que c'est une terre sur laquelle précisément vont devoir se rencontrer un ramassis d'hébreux qui ont traversé le désert et des citadins sédentaires derrière leur rempart.
Et chaque fois qu'il y a rencontre entre deux personnes, que ce soit entre mon épouse et moi, que ce soit entre mes élèves et moi, que ce soit entre les dirigeants de Novartis, et les employés à Nyon, chaque fois qu'il va y avoir rencontre, c'est un moment sacré, c'est un moment fondamental où il importe d'enlever ses chaussures, d'avancer à pieds nus, tout doucement. Je vais rencontrer l'autre et Dieu est présent dans toute rencontre.
C'est peut-être pour cela qu'Il a donné l'ordre de tourner autour de la ville, sans menaces, sans attaquer, juste avec la présentation de ce qu'on est, un peuple en marche. Et c'est cela les ordres que Dieu a donnés à Josué. Et Josué les a suivis pour voir le moment où les murailles s'écrouleront et voir le moment où chacun pourra monter droit devant soi dans la ville. Nous sommes à l'aube du 7e jour, écoutez bien comment cela se passe.
Le septième jour, ils se levèrent de bon matin, dès l'aurore, et ils firent de la même manière sept fois le tour de la ville; ce fut le seul jour où ils firent sept fois le tour de la ville. A la septième fois, comme les sacrificateurs sonnaient des trompettes,)
Josué dit au peuple : Poussez la grande clameur, car l'Éternel vous a livré la ville ! La ville sera dévouée au Seigneur par interdit, elle et tout ce qui s'y trouve;
Tout l'argent, tout l'or et tous les objets d'airain et de fer,
seront consacrés à l'Éternel, et entreront dans le trésor de l'Éternel.
Gardez-vous de vous en approprier la moindre part.
Mais on laissera la vie à Rahab la prostituée
et à tous ceux qui seront avec elle dans la maison,
parce qu'elle a caché les messagers que nous avions envoyés.
Le peuple poussa la grande clameur,
et les sacrificateurs sonnèrent des trompettes.
Lorsque le peuple entendit le son de la trompette,
il poussa de grands cris,
et la muraille s'écroula;
Le peuple monta dans la ville, chacun devant soi.
Ils s'emparèrent de la ville,
et ils dévouèrent par interdit, au fil de l'épée,
tout ce qui était dans la ville,
hommes et femmes, enfants et vieillards,
jusqu'aux bœufs, aux brebis et aux ânes.
Josué 6, 15 à 21
Je sais qu'à la radio on ne laisse pas de silence, mais j'aimerais vous en laisser un petit, sur les ruines. Oui, la ville a été dévouée par interdit, mais avez-vous saisi la distance entre ce que Dieu a dit à Josué, « Je vous livre la ville, le 7e jour les murailles s'écrouleront et chacun pourra monter droit devant soi. » et ce que Josué dit au peuple : « Vouez la ville à l'interdit, n'accaparez aucun butin pour vous et passez au fil de l'épée tous les habitants » Il y a une distance énorme : « Je vous livre la ville et vous pourrez monter, chacun droit devant soi » ...
Il y a deux manières d'aller droit devant soi dans une ville inconnue, la première manière, c'est celle que Josué a choisie : je n'aurai à me méfier ni à ma gauche ni à ma droite, car il n'y aura plus personne pour me menacer, pour me faire peur, pour m’agresser. J'aurai éliminé tous ceux qui sont là et qui pourraient m'empêcher d'aller droit devant moi mon chemin.
Et il y a une autre manière, qui est de créer la relation de confiance, d'entrer dans la découverte de l'autre, de le saluer (c'est-à-dire de lui dire « que tu sois sauvé »), de prendre conscience de son existence, de créer un lien, de sortir de la méfiance. Et alors, dans la confiance, je peux aussi aller droit devant moi.
Dieu n'a pas dit à Josué quelle solution choisir, mais il ne lui a en tout cas pas dit de la vouer à l'interdit, de massacrer tous les habitants, toute vie... Je dirais même : Dieu a fait promesse (promettre ?) à Josué « Vous pourrez monter chacun droit devant vous, je vous ai livré la ville, je vous l'ai confiée, je vous l'ai donnée, non pour que vous vous en empariez, non pour la posséder, pour que vous en fassiez votre chose, mais pour que vous en preniez soin, pour que vous soyez attentifs à ce, à ceux que vous y trouverez.»
Et la grande procession qui tourne et tourne 7 jours de file, est-elle là pour faire étalage de puissance, défilé du 14 juillet sur les Champs Elysées à Paris, ou est-elle là pour dire « Voilà ce que nous sommes, montrez-nous ce que vous êtes. » Et si, au moment où les murailles de l'un tombent, la peur de l'autre reprend le dessus, quelle catastrophe !
Je vous ai livré la ville, je vous l'ai confiée. Mille ans plus tard, Jésus, dans l'Evangile de Jean dit : Dieu a tant aimé le monde qu'il a livré son Fils, son unique, afin que quiconque croit en lui, lui fait confiance, entre en confiance, ne meure point, mais qu'il aie la vie éternelle. Est-ce que ce Dieu-là serait celui de la destruction de Jéricho racontée, de la destruction de Jérusalem, de la destruction d’Hiroshima, de Misrata ? Est-ce que ce Dieu dont Paul peut dire « Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? » (Ce qui reprend la question de Josué au chef de l'armée, Es-tu pour nous ou pour nos ennemis ?)
Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? Lui qui n'a pas épargné son Fils, mais l'a livré. Et nous n'avons rien trouvé d'autre que de le clouer en croix ? Que de nous méfier de cet Autre qui vient à notre rencontre ?
Jéricho, est-ce que ce n'est pas l'histoire d'un malentendu, Dieu des Armées, armées puissantes que nous sommes, le Dieu qui nous désarme : «Ôte tes chaussures et entre en confiance. » Un apprentissage à refaire aujourd'hui et chaque jour : Ecoutez ce que Dieu nous dit et n'y ajoutez ni un iota, ni une crainte, ni un triomphalisme. Ecoutez ce qu'il nous dit : « Je vous livre la ville, je vous livre mon Fils, je vous confie les uns aux autres »
Amen !