Se laisser traverser par la lumière de Dieu

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Chers amis de la paroisse de la Maladière et chers amis qui nous avez rejoints par le moyen de votre poste de radio, ces jours-ci, dans nos différentes régions, le temps des vendanges est arrivé ou va arriver. Ici, en ville de Neuchâtel, depuis vendredi soir, la traditionnelle fête des vendanges bat son plein.

Voilà pourquoi, les lectures bibliques et la prédication d'aujourd'hui attirent notre attention sur la réalité de la vigne. Dans la Bible, la vigne n'est pas seulement une culture essentielle, mais elle est aussi l'image et le symbole du peuple de Dieu, du peuple d'Israël tout d'abord et ensuite de l'Eglise chrétienne. Le peuple de Dieu est la vigne à laquelle Dieu a voué tout son amour, toute sa tendresse et tous ses soins pour qu'elle porte de bons fruits.

Quels sont les fruits que Dieu attend de son peuple ? Pour répondre à cette question, permettez-moi de recourir à une très belle expression utilisée par les vignerons du pays de Neuchâtel. Quand le raisin devient mûr, peu de temps avant les vendanges et quand le grain du raisin commence de devenir transparent en se laissant traverser par la lumière du soleil, les vignerons de notre région disent que le raisin "traluit". Et un peu plus tard, lorsque le vin a fini sa fermentation dans les cuves et lorsque, au moment où on le verse dans des verres, il devient clair, là encore, les vignerons de notre région disent que le vin "traluit". J'ignore si cette expression est utilisée dans d'autres régions viticoles et francophones. Vous ne la trouverez pas dans le dictionnaire. J'en ai fait la vérification. Mais ne trouvez-vous pas qu'il y a, dans cette expression une magnifique image et un symbole de ce que le peuple de Dieu et chaque vie humaine sont appelés à devenir ? Nous sommes tous invités à "traluire", à nous laisser traverser par la lumière de la présence, de l'amour, de la miséricorde, de la paix et de la justice de Dieu. Voilà les fruits que Dieu attend de son peuple et de chacun d'entre nous.

Mais le drame du peuple de Dieu et de nos destinées humaines, c'est qu'au lieu de nous considérer simplement comme les locataires et les ouvriers de Dieu dans sa vigne, nous nous prenons pour les propriétaires. Voilà ce qui est mis en valeur par l'Evangile d'aujourd'hui. Nous nous imaginons volontiers que nous sommes les détenteurs de la vérité. Nous confondons la vérité de Dieu avec nos petites vérités à nous. Nous finissons par penser que nous sommes les seuls propriétaires de nos existences, de tout ce que nous sommes et de tout ce que nous avons. Nous tombons ainsi dans l'autojustification et la propre justice. Et alors, au lieu de produire les bons fruits que Dieu attend de nous, nous ne produisons que de mauvais fruits, du verjus et de la "piquette".

C'est ce qu'évoque le beau poème d'Esaïe 5, le cantique du bien-aimé sur sa vigne. Voilà un vigneron qui plante une vigne. Il lui consacre tout son amour et tous ses soins. Mais au lieu de donner les bons fruits qu'il en attend, elle ne donne que de mauvais fruits. Il est à noter ici que ce poème a sans doute été écrit dans l'ambiance d'une fête des vendanges en Israël. Les sonorités hébraïques des premiers vers évoquent le glouglou du vin qui est en train de couler à flots. Tout commence dans l'euphorie d'une fête des vendanges et tout se termine dans l'amertume d'une déception. Tout commence dans l'euphorie d'une fête des vendanges et tout s'achève comme cela peut arriver dans nos fêtes humaines, avec une "gueule de bois".

Mais nous les êtres humains, nous supportons mal qu'on vienne nous dire que nous ne sommes pas les propriétaires de nos existences et nous supportons mal qu'on vienne nous dire que nos vies produisent de mauvais fruits. Voilà pourquoi, nous recevons mal les envoyés de Dieu, les prophètes. Et voilà pourquoi, nous avons si mal reçu le Fils de Dieu lui-même. Sa vie a été par excellence celle qui "traluisait", qui était traversée par la lumière de la présence, de l'amour, de la miséricorde, de la paix et de la justice de Dieu. Et nous l'avons récompensé en le clouant sur une croix.

Et alors, quand nous refusons d'accomplir les œuvres de Dieu, qu'arrive-t-il ? Il peut arriver que Dieu se détourne de nous et qu'il se serve de personnes étrangères à son peuple. Toute l'histoire d'Israël et toute l'histoire de l'Eglise nous montrent que Dieu peut se servir de gens étrangers à son peuple. Il peut même se servir de personnes qui se disent agnostiques et athées. Et j'espère qu'une fois ou l'autre, nous avons tous rencontré de ces personnes qui se déclarent agnostiques ou athées, mais qui ont une vie rayonnante de présence, d'amour, de paix, de justice.
Et quand cela arrive, au lieu de nous en attrister, nous devrions en tirer au moins trois conséquences pour nous-mêmes.

Première conséquence : c’est l'humilité. Dieu veut se servir de nous, mais il peut aussi faire sans nous. Nous ne lui sommes pas indispensables. Il peut agir avec d'autres que nous et il nous remet ainsi à notre juste place. Il nous appelle ainsi à l'humilité, à la repentance et à la conversion, au retour à Dieu et au renouvellement de notre vie.

Deuxième conséquence : quand nous découvrons que des hommes et des femmes étrangers au peuple de Dieu accomplissent ses œuvres, c'est aussi une stratégie de Dieu pour nous émouvoir à jalousie et pour nous stimuler. C'est une manière de nous dire : si des gens étrangers à mes promesses sont capables de réaliser cela, à combien plus forte raison, vous qui connaissez les promesses de Dieu, vous qui connaissez de quelle manière elles se sont réalisées dans la vie, la mort et la résurrection du Christ, devriez-vous être capables de les accomplir.

Troisième conséquence : c'est aussi pour nous une occasion de nous réjouir et de rendre grâce au Dieu de l'univers pour la grandeur de son action. Il ne règne pas seulement sur son peuple, mais aussi sur l'univers entier. Les Eglises et les chrétiens ne détiennent pas le monopole de ses interventions. Mais un jour ou l'autre, toute créature peut être amenée à "traluire", à se laisser traverser par la lumière de la présence, de l'amour, de la miséricorde, de la paix et de la justice de Dieu.

Amen.

Détails

Avec la participation de
Orgue
Robert Märki
Musique
Choeur mixte de la Maladière