Verset 7 : Ayez donc beaucoup de patience, frères et sœurs, jusqu'à la venue du Seigneur. Voici le cultivateur attend le fruit précieux de la terre, prenant patience à son sujet jusqu'à ce qu'il ait reçu la première et la dernière pluie.
Verset 8 : Ayez de la patience vous aussi, et affermissez vos coeurs, car la venue du Seigneur s'approche déjà.
Verset 9 : Ne rouspétez pas, frères et sœurs, les uns contre les autres afin de ne pas être jugés. Voici, le juge se tient aux portes.
Verset 10 : Prenez exemple, frères, des souffrances endurées et de la patience qu'ont eue les prophètes, ceux qui ont parlé au nom du Seigneur.
Verset 11 : Voyez, nous disons "heureux les endurants" vous avez entendu parler de l'endurance de Job et vous avez vu l'objectif final du Seigneur : le Seigneur a un coeur large et plein de tendresse et il montre de la pitié.
Traduction Florence Foehr
La patience, la patience n'est peut-être pas la vertu principale de notre époque. L'efficacité par contre nous préoccupe bien plus : trains express, intercity, pressing rapide, développement de films en une heure, fast-food, tout cela nous évite les désagréments d'une attente superflue, des déplacements inutiles et permettent une rationalisation dans nos gestes quotidiens et c'est tant mieux. Malheureusement, efficacité et rationalité immédiates ont des implications négatives sur le respect d'individus au fonctionnement différent des autres. Regardez les demandes d'emploi, elles s'adressent généralement à des personnes déjà expérimentées, ayant en dessous de 40 ans. Tant pis pour les autres. Certains employeurs, pas tous heureusement, ne désirent pas perdre du temps avec des néophytes ou des employés ralentis par l'âge. Le personnel devrait tout de suite avoir le rendement optimal. Quotidiennement et dans tous les domaines de notre vie, professionnelle, affective et aussi d'hommes et de femmes de la rue, nous faisons face à des situations d'énervements et d'impatience devant l'inadaptation et la lenteur de certains. Et souvent, nous déplorons l'intolérance grandissante à l'égard des enfants, des personnes âgées, des étrangers. Les parents aimeraient avoir plus de patience à l'égard de leurs enfants et les enfants ont le même désir à l'égard de leurs parents âgés.
Il y a aussi la patience-endurance qui ressemble à une lutte pour vivre dans une situation de crise ou de maladie. Une patience qui aide à supporter les problèmes et les difficultés. Et il semble bien que l'épître de Jacques dont nous parlons ce matin ait été
écrite pour des chrétiens assez pauvres, vivant dans une situation précaire...
Face à ces gens de condition modeste sont placés des riches, des gens estimés et qui semblent aimer se montrer en public. Patience. le Seigneur est proche, il vient, dit l'auteur de cette lettre à tous ceux qui regardent probablement avec envie d'autres gens avec train de vie aisé qu'eux-mêmes ne connaissent pas. Jacques ne dit pas : résignez-vous un jour ça ira mieux. >Il relie l'appel à la patience avec la présence du Seigneur. L'affirmation, la confession du Seigneur supplante d'autres seigneuries, d'autres pouvoirs éphémères comme celui de l'argent.
Dans cette mystérieuse affaire de l'ordre du Nouveau Temple, qui a défrayé la chronique ces jours derniers, la fascination de l'argent a joué un rôle odieux et diabolique puisqu'elle a conduit à de nombreux meurtres d'innocents. Les membres du mouvement néotemplier étaient probablement tous nourris des meilleures intentions. Ils désiraient cultiver une vie intérieure, une spiritualité rayonnante comme la plupart d'entre nous ce matin. Mais, en voyant des gens extérieurs au mouvement s'engraisser et s'enrichir, certains d'entre eux se sont laissé séduire par l'appât du gain et ont commencé à faire des affaires au détriment de leur quête de la vérité, avec les conséquences dramatiques que nous connaissons . L'injonction à la patience de Jacques me semble terriblement actuelle. Il s'agit de redécouvrir la véritable valeur de la vie, la véritable richesse, de ne pas se laisser envahir par l'envie et par de multiples sentiments d'insatisfactions matérielles qui détournent de l'essentiel. Affermissez vos coeurs, gardez vos résolutions à l'égard de Dieu. En lui se trouve la vraie richesse : le Seigneur a le coeur large et plein de tendresse, il montre de la pitié. En lui, nous trouvons une compréhension de nous-mêmes et un accompagnement dans nos situations de vie. Telle est la substance du passage biblique de Jacques qui nous intéresse aujourd'hui. Ayez beaucoup de patience jusqu'à la venue du Seigneur est une mauvaise traduction, car nous risquons de comprendre qu'il faut river ses yeux vers l'avenir, que le meilleur se passera dans le futur. Bien, nous pouvons croire à un retour futur du Seigneur, mais il vient déjà maintenant traverser et transfigurer notre présence. Bon nombre de mouvements religieux perdent tout contact avec la réalité parce qu'ils vivent une espérance projetée dans le future. Ils ne croient pas à un travail de longue haleine. C'est pourquoi ils ne s'engagent pas politiquement et s'éloignent de la longue patience à vivre dès aujourd'hui dont nous parle Jacques. Regardons maintenant de quoi elle est constituée. Jacques nous donne trois exemples de personnes patientes en Dieu, celui du cultivateur, celui des prophètes et celui de Job.
Le cultivateur ne peut rien faire d'autre que d'attendre patiemment ce qui lui est donné à savoir les pluies d'automne et du printemps nécessaires pour que le fruit de la terre s'épanouisse. Les années précédentes, il a reçu ces pluies tant espérées et sait qu’il doit attendre ce nouveau don. Les prophètes eux ont osé une Parole de dieu. Non seulement elle a mis du temps à se réaliser. Les prophéties parlant du Messie par exemple, mais elle a rencontré l'opposition. Lorsque les prophètes appelaient les dirigeants politiques et les hommes d'affaires à pus de justice à l'égard des défavorisés, ils ne furent pas toujours bien accueillis et beaucoup d'entre eux connurent la prison. Audace et courage les habitaient. Une témérité. Quant à Job, notre troisième exemple, il nous frappe par sa ténacité, sa persévérance dans sa quête de la vérité. Cet homme sur qui s'abat le malheur sous toutes les formes possibles, deuil, maladie et incompréhension continue de poser des questions troublanes et de chercher Dieu. Il résiste à la consolation passagère, car "il suffit de patienter, de prendre son mal en patience". Il refuse un dieu consolation du moment et il s'oppose aux discours moralisateurs et religieux de ses amis qui croient avoir la réponse à tout. Il persévère dans une recherche authentique de lui-même et de Dieu quitte à traverser un doute désolant et isolant. L'image du cultivateur qui patiente en connaissant d'avance qu'il lui sera donné de la pluie et du fruit, une patience-foi. Celle du prophète qui brave l'hostilité générale, une patience-audace et celle de Job dans son face à face avec lui-même et avec Dieu, une patience-authenticité, montre les différents aspects que revêt une patience habitée de la présence de Dieu. Nous sommes bien loin de la résignation ou de la passivité, d'une vertu lénifiante. Nous ne devons pas ronger notre frein en attendant des jours meilleurs. Mais nous sommes accompagnés par Dieu. Il nous dit par sa parole qu'Il nous comprend, qu'il entend nos désirs et nos frustrations. Et sa présence nous permet de découvrir le noyau essentiel de notre être en Dieu. Alors beaucoup de nos aspirations paraîtront secondaires par rapport à la richesse que Dieu a mise en nous et dans les autres. Si nous cessons d'être impatientés par tout ce que nous ne possédons pas, par tout ce que nous ne sommes pas, et que nous découvrons ce que nous sommes, ce sentiment d'estime de soi et de Dieu va se répercuter sur d'autres relations. L'intérêt que porte un Dieu proche plein de tendresse, de pitié et qui a le coeur large à notre égard élargira à son tour notre propre coeur. Et notre patience, engendrée en Dieu, s'exercera alors en retour autour de nous. Se savoir apprécié de quelqu'un, en l'occurrence Dieu, permet de relativiser bien d'autres dépréciations de soi-même et bien d'autres limitations et jugements posés par les autres.
La largesse patiente de Dieu éloigne la critique destructrice et la condamnation. En grandissant en nous, elle fait le même travail et brise le juge en nous pour mettre à la place celui ou celle qui donne naissance à l'autre.
Patience, le Seigneur est proche de toi, de lui et d'elle.
Amen.