Prends-toi en charge !

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Quand les grenadiers de la Police bernoise repoussent mes concitoyens manifestants à coups de balles en caoutchouc et de produits chimiques nocifs…
Quand notre armée s'exerce peu après — en toute fiction bien sûr — à repousser vigoureusement d'affreux Padaniens, ou plus abominables encore, d'horrifiants paysans et fonctionnaires fâchés…
Quand Madame Dreyfus me promet que demain on assurera mieux mais qu'hier comme aujourd'hui la seule assurance que j'aie vraiment est de voir mon porte-monnaie rasé gratis…
Quand les patrons de Zürich air ou de Feldschlösschen entre autres contribuent à me convaincre que mon avenir oscille entre chômage qu'on dit indigne et stress professionnel peut-être plus indigne encore…
Quand nos législateurs, au grand scandale des générations aînées, nous concoctent une nouvelle loi sur le travail qui revient sur les acquis de décennies de luttes ecclésiastiques et syndicales…
Quand face à tant d'événements publics ou d'incidents privés je me décourage, ce qui reste de croyant en moi s'interroge; comme Moïse fatigué de sa mission ou comme les scribes et pharisiens coincés entre la parole magistrale du Christ et les conventions du judaïsme officiel de leur temps, je me demande : «Où est Dieu ? Qu'est-ce qu'il fait ? Que veut-il de moi là-dedans ?
«Fais-moi voir ta gloire !»
«Fais-nous voir un signe» …que nous soyons rassurés, que nous sachions à quel saint nous vouer, qu'il y ait quelque chose pour nourrir notre confiance et notre espoir !

Les réponses de Dieu à Moïse et de Jésus à ses interlocuteurs inquiets ont de quoi surprendre et nous faire réfléchir : «Je suis qui Je Suis, Moïse; quand je promets ma bienveillance et ma miséricorde je le fais vraiment ! Mais Je reste Dieu, et tu restes humain, pas question d'échapper à ta condition humaine même si elle te pèse aujourd'hui. Cela dit, rappelle-toi ton histoire, tout ce que nous avons déjà vécu ensemble : ma fidélité ne s'est jamais démentie, n'est-ce pas ? Tu peux me voir «de dos», après coup, par le souvenir et la réflexion, pas «de face», avant même que Je n'aie agi, avant même que tu n'aies risqué ta confiance en moi…»…
…«Génération mauvaise, qui crois-tu tromper ? Crois-tu vraiment pouvoir échapper à ta dignité, à ta responsabilité d'humain ? Crois-tu pouvoir faire l'économie de ta liberté, éviter tout engagement risqué, consommer ta vie comme si tout était écrit d'avance ? A quel Dieu veux-tu donner ta confiance ? Qui choisira sinon à ta place ?»…
Tu as le signe de ma Croix, où se montre à l'évidence comment la religion, la politique et l'argent peuvent s'allier pour tuer l'innocent… Tu as le signe de la résurrection où s'offre à espérer — dans l'amour et l'humour du Vivant — la joie communicative de parier sur la confiance, la solidarité, l'ouverture, contre la peur et tout ce qui tue l'humain… Tu as ces trois jours d'absence fondatrice — Jonas dans son poisson, Jésus dans sa tombe — qui peuvent changer ton monde chaque fois que tu t'engages, chaque fois que, comme les gens de Ninive ou la Reine du Midi — tu risques une parole, un geste, un pas vers Christ qui est aussi un pas vers toi et vers les autres !
«Vois, il y a avec toi plus que Jonas ou Salomon, il y a avec toi Celui dont le mystère comme la fidélité provoquent ta liberté, t'appelle au risque de l'action responsable, te propose de devenir, avec son aide, l'acteur conscient de ta propre vie».
Tu es citoyen : tu peux voter et manifester ta volonté. Si tu t'abstiens, pour quoi ? A qui laisseras-tu le champ libre ?
Tu es soldat : serviras-tu aussi avec ton intelligence et ton amour, ou seulement comme une machine à obéir, sans âme ni pitié ?
Tu es actionnaire, voyageur, consommateur (de bière entre autres) : quelles sociétés soutiendras-tu ou non de ton argent, en faisant tes courses, en partant en vacances ou en buvant un pot au bistrot…?
Tu es assuré : de quel projet de société te fais-tu complice ou acteur, par ton laisser faire ou ton engagement…?
Tu te dis croyant : tu voulais des signes ? Lesquels donneras-tu désormais dans ta famille, au travail, parmi tes amis ou dans ton église…? Lesquels donnes-tu aujourd'hui ? Tu peux changer, si ça se trouve…
Tu vois, c'est vrai ! Il y a bien des raisons de te décourager. Et elles rendent bien service à ceux qui sont prêts à décider de ta vie à ta place…! Alors regarde en arrière; quand tu m'as fait confiances, t'ai-je jamais laissé tomber ? C'est plutôt toi qui quelquefois me laisses tomber !

Avec tous tes semblables, tu construis ta vie et celle du monde que tu vis; donnes-en le signe, prends-toi en charge, recherche et suscite les solidarités nécessaires et tu verras que je suis bien «Celui qui accorde vraiment sa bienveillance, qui fait vraiment miséricorde», Celui qui dans son secret même est plus que Jonas ou Salomon. Mieux encore, tu seras alors humblement de ceux dont mon témoin Jean écrivait : «Dieu, nul ne l'a jamais vu; si nous nous aimons les uns les autres, il habite en nous et son amour en nous est accompli».

Amen.

Détails

Avec la participation de
Orgue
Alain Aeschlimann
Musique
Choeur d'hommes Chézard-Saint-Martin, dir. Charles-André Huguenin