«Soyez sans crainte», dit l'ange aux bergers, «car voici, je viens vous annoncer une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple.» «Soyez sans crainte», nous dit la parole de Dieu «en cette nuit de Noël, car voici, je viens vous annoncer une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour chacun d'entre vous.» Mais comment savoir recevoir cette joie aujourd'hui encore, 2000 ans plus tard, quand nous connaissons presque par cœur le récit de Noël ?
Pour les bergers qui étaient là ce soir-là, simplement, comme chaque nuit, en train de veiller sur leurs troupeaux, la nouvelle a éclaté comme un coup de tonnerre dans un ciel bleu, avec un spectacle son et lumière qui défie toute concurrence. Difficile de ne pas l'entendre cette nouvelle-là.
Si nous ne pouvons pas rejoindre l'expérience des bergers, nous pouvons écouter et recevoir ce récit avec une oreille neuve et un cœur ouvert, nous laisser surprendre par d'autres dimensions de sa richesse. C'est pour cela que nous avons choisi les mots de Charles Singer et non ceux de Luc, pour nous aider à revisiter autrement l'Evangile de Noël. Pas pour l'artifice, mais parce que cette annonce, valable pour tout le peuple est valable pour chacun de nous aujourd'hui. C'est aujourd'hui que Dieu nous redit sa volonté de vivre avec nous, parmi nous.
Oui, mais comment recevoir cette joie alors que nos yeux et nos cœurs s'affolent de tout ce qui se passe dans le monde, de la corruption à l'injustice de la torture à l'humiliation ? N'est-ce pas insultant de se réjouir ce soir alors que tant d'autres sont en souffrance autour de nous ? Et comment recevoir cette joie alors que peut-être, dans notre vie, nous sommes confrontés en ce moment même au deuil d'un être cher, à la solitude, à la maladie, à l'isolement. Comment la joie pourrait-elle naître du cœur de cette souffrance ?
Comment je ne sais pas, cela appartient au mystère de Dieu, mais depuis cette nuit de Noël, il y a fort longtemps, je sais que c'est possible, parce que les bergers en ont fait l'expérience et tant d'autres après eux. Je le sais parce que Dieu s'annonce de nuit et non de jour. Si Dieu connaissait alors la détresse de son peuple sous l’occupation romaine, Dieu connaît aujourd'hui encore chacune de nos ombres et c'est là qu'il vient nous rejoindre et pas ailleurs, dans la nuit et non sous le soleil radieux.
Je le sais parce que l'ange dit : «Soyez sans crainte», qu'il prend au sérieux toutes nos peurs et nos souffrances, et que le contenu de son message est justement l'annonce du Sauveur, de celui seul capable de mettre la vie jusque dans la mort, de mettre la joie jusque dans nos peurs.
Je le sais parce que l'annonce de l'ange est sans équivoque : «cette bonne nouvelle sera une grande joie pour tout le peuple.» Pas seulement pour les bergers seuls, ou pour les nantis, ou pour les joyeux ou ceux qui la méritent. Non, elle est pour tous, vraiment pour tous.
Je le sais enfin parce que cette bonne nouvelle d'un Sauveur, et la joie, et la paix qui en découlent sont toutes, du début à la fin, des cadeaux de Dieu. Dieu donne tout, en cette nuit de Noël, et plus encore : à cette nouvelle extraordinaire d'un Sauveur, qui comble toutes les attentes du peuple, à la joie et à la paix promises, l'ange ajoute encore un signe, non réclamé par les bergers : «Vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une crèche.» Jésus, nouveau-né, est le signe de Jésus Sauveur, Messie et Seigneur. Rarement dans la Bible, signe et référent n'ont été si proches. Jamais Dieu ne s'est autant approché de nous.
On pourrait appeler cette nuit de Noël, la nuit des ponts : pont entre le ciel et la terre. Dans le message de l'ange et le chœur qui y fait écho, la gloire de Dieu rayonne jusqu'aux bergers. Et si la distance est marquée par le lieu, les anges au ciel et les bergers sur terre, elle est en même temps abolie par le fait que les bergers entendent et voient cette gloire.
Pont entre l'éternité et l'histoire, dans le contraste presque choquant de cette armée d'anges qui accompagnent cette naissance toute banale, tout humaine et misérable, dans une étable. Pont en Jésus lui-même qui porte en soi cette double réalité : son dénuement présent et sa puissance à venir. Pont entre toutes nos ombres et nos lumières et la joie et la paix, cadeaux de Dieu. Tous ces ponts qui peuvent se résumer en un seul : à Noël, Dieu lance un pont vers nous, vers les hommes. A Noël, Dieu et l'homme se rencontrent.
C'est toute la portée des noms de Jésus révélés à Joseph en songe : Jésus : «Dieu sauve», Emmanuel : «Dieu avec nous». En cette nuit de Noël, Dieu donne tout, Dieu se donne. Voilà pour Dieu, pour ce qu'il nous offre. Et nous l'avons vu, cette offre est vraiment pour tous. Personne n'en est exclu.
Une question demeure cependant, une question essentielle, à laquelle il n'y a pas de réponse préétablie : «Vais-je y croire, ce soir, à cette joie offerte ? Vais-je me laisser rejoindre par elle ? Vais-je ouvrir suffisamment mon cœur, mon être tout entier pour l'accueillir, la sentir, la vivre ? Ai-je vraiment envie de la recevoir ?» Et puis, c'est tellement plus facile de donner que de recevoir. Parce que Dieu nous veut libres, la réponse appartient à chacun d'entre nous.
Nous avions envie ce soir de vous offrir, de nous offrir du temps pour recevoir la force de cette annonce et la joie qu'elle entraîne. Par la musique d'abord, celle du hautbois et de l'orgue, qui, à leur manière vont nous communiquer cette joie de Noël. Par des mots aussi, qui nous viennent du fond des âges, les mots des psaumes, qui vont nous annoncer, comme les anges aux bergers, la joie de Dieu avec nous.
Par le chant ensuite, qui peut nous permettre d'exprimer cette joie reçue. Par le partage de la Cène enfin, qui nous unit au Christ et nous fait vivre de sa vie, de sa joie, de sa paix.
Quatre moments privilégiés pour accueillir, recevoir, partager la joie de Noël. « Ne craignez rien, je viens vous offrir la joie, c'est un cadeau de Dieu : Il vous est né un Sauveur qui est le Christ Seigneur. »
Amen !
Prédication de la carte-étoile
Les bergers ne s'arrêtent pas à la joie reçue. Ils se mettent en route, vers Jésus, le signe promis, vers les autres, ceux qu'ils rencontrent et auxquels ils vont dire tout ce qu'ils ont vu et entendu avant de s'en retourner chez eux, chantant la gloire et les louanges de Dieu, nous dit le texte biblique. La joie de Noël n'est pas une joie qu'on peut garder pour soi. C'est une joie à partager, une joie à transmettre, une joie à donner.
En préparant ce culte, nous avions envie de trouver un moyen qui nous permettrait de partager un peu de cette joie de Noël, à nous qui sommes là ce soir à Prangins, mais aussi à vous, qui par la radio, vivez ce moment de culte avec nous.
Nous cherchions le moyen de nous rendre proches de personnes qui ne sont pas avec nous ce soir, soit parce qu'elles travaillent, ou qu'elles habitent trop loin ou qu'elles sont retenues ailleurs, ou qu'elles sont hospitalisées, ou pour toute autre raison. Des personnes qui nous sont chères, auxquelles nous pensons et à qui nous aimerions envoyer un peu de cette joie de Noël.
Aussi, nous avons préparé des cartes, déjà timbrées, que vous avez reçues pendant la Cène, avec un message de joie. Ces cartes, vous pourrez les remplir à l'issue du culte et nous irons les poster juste après. Et nous vous invitons, vous les auditeurs, si vous en avez les moyens et l'envie, à faire de même, là où vous êtes. Ainsi la joie de Noël pourra se répandre au loin et aux proches, ici et ailleurs, aujourd'hui et demain.
Que la joie, don de Dieu, rayonne en vous, entre vous, autour de vous, par toute la terre.
Amen !