Que la paix de Dieu nous accompagne !

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"C'est en haut qu'est la paix." Cette inscription, vous la trouvez inscrite sur le chalet de Juste Olivier à Gryon. Et nul doute, pour ceux qui connaissaient son attachement à ce lieu c'est en pensant à Taveyanne, à ce lieu si cher à son coeur qu'il l'a fait graver.
C'est en haut qu'est la paix. C'est aussi la première image de Taveyanne que j'ai eue quand, un après-midi hivernal, j'ai découvert ce lieu majestueux, à part du temps, recouvert d'un manteau de neige immaculée, dans un écrin d'harmonie et de paix. Et c'est une réalité que plus nous nous élevons en montagne, plus nous quittons les lieux habités, plus la nature prend vraiment toute sa place et plus elle nous invite, par qui elle est, par sa majesté, par sa puissance, par sa symphonie de couleurs et de formes, à l'harmonie, à la quiétude, à la paix.
Et plus elle nous parle de Dieu aussi, de la merveille et de la perfection de Sa Création. Et plus elle nous invite alors à la louange et à la reconnaissance. A ce moment-là, les mots du psalmiste, comme ceux de saint François peuvent devenir nôtres, pleinement.
L'aspiration à la paix, qui ne la connaît pas, qui ne la désire pas ?
Mais de quelle paix s'agit-il ? La paix comme absence de guerre, à laquelle tant de nations déchirées aspirent aujourd'hui comme hier ?

J'ai entendu dire l'autre jour que pendant la dernière guerre, Taveyanne représentait, pour les gens de Gryon, la sécurité et le refuge. Ils se disaient : Si les Allemands viennent jusqu'ici, nous viendrons nous réfugier à Taveyanne. Taveyanne, coin reculé, à l'abri du monde et de ses conflits.
Mais en ce temps de paix dans notre pays, est-ce plutôt la paix comme tranquillité, à laquelle nous aspirons, celle qui nous fait dire quelquefois : fiche-moi la paix, laisse-moi tranquille ! Ou est-ce la paix comme absence de bruit, celle qui nous fait nous exclamer parfois : Ah, quel silence ici, quelle paix ! Ou est-ce la paix comme sérénité, absence de remords ou de culpabilité, celle qui nous fait dire : J'ai la conscience en paix. Ou encore la paix comme fin de la souffrance, cette paix qui semble parfois tellement inaccessible qu'elle est reportée après la mort, celle qui nous fait inscrire sur les faire-part mortuaires : "Repose en paix, tes souffrances sont finies."

Et il y a sûrement encore d'autres formes de paix différentes que je vous laisse énumérer, mais elles ont toutes quelque chose en commun : elles sont toutes conditionnelles, elles dépendent soit d'un environnement particulier, comme par exemple du décor que nous avons sous les yeux aujourd'hui. Sans compter que ce décor, il faut encore pouvoir y avoir accès, et ce n'est pas les auditeurs de la radio suisse romande qui me contrediront ce matin.
Soit elle dépend d'un temps particulier: ce n'est pas à vous que je vais expliquer que la montagne peut être aussi parfois très menaçante, comme quand J'orage menace. La paix peut aussi dépendre des circonstances. Comment goûter la paix à laquelle nous invite l'harmonie de la Nature quand on est rongé par le chagrin ou la souffrance ?
Elle peut dépendre encore d'autrui quand nous sommes en conflit et que l'autre refuse toute discussion.
La paix que nous pouvons goûter parfois est toujours relative et conditionnelle. Et voilà que le Christ, juste avant sa Passion, juste avant d'être trahi et arrêté, demande à ses disciples de ne pas s'inquiéter mais d'avoir confiance, il leur promet l'Esprit de vérité, avec eux, toujours, quand il ne sera plus là et il leur dit : "C'est la paix que je vous laisse, c'est ma Paix que je vous donne." Et il ajoute : "Je ne vous la donne pas à la manière du monde… ne soyez pas inquiets, ne soyez pas effrayés."

Qu'est-ce que cette paix que le Christ nous offre et en quoi est-elle différente de celle que le monde nous offre ? C'est une paix inconditionnelle et accessible à tous ceux qui placent en lui leur confiance. Inconditionnelle parce qu'elle ne dépend ni d'un lieu ou d'un temps ou de circonstances particulières, ni d'autrui, ni de ce que nous pourrions faire ou dire pour la mériter. Non, elle ne dépend que de l'absolue et souveraine liberté de Dieu à nous offrir son amour sans conditions.
Accessible à tous parce qu'il n'y a rien d'autre à faire que de nous ouvrir à ce qu'il veut nous offrir et cela, n'importe qui peut le faire, à n'importe quel moment comme l'a fait le brigand cloué à côté de lui, juste avant de mourir. Et c'est justement parce qu'elle est inconditionnelle et accessible à tous que la paix que le Christ nous offre est radicalement autre que celle que le monde peut offrir.
Mais en quoi consiste-t-elle cette paix offerte ? En la certitude d'une communion toujours possible avec Dieu, d'un lien qui ne peut être rompu, d'une relation que rien ni personne ne peut briser. Et cette certitude, c'est ce qui a permis à tant d'êtres humains de résister à la torture, de ne jamais céder au désespoir face à la situation dramatique dans laquelle ils se trouvaient. Je peux être en prison, on peut tout m'enlever, on peut détruire tous les miens, je peux être violenté, torturé, mais rien ni personne ne peut me séparer de Dieu, de sa tendresse pour moi.
La non-paix vient du sentiment d'être séparé, écartelé, déchiré, isolé, non relié. La paix vient du sentiment d'être relié, uni, unifié. La paix du Christ naît de la certitude de se savoir aimé de Dieu, accueilli par lui sans conditions, en tout temps et de toute manière. Et chacun a pu en faire l'expérience un jour ou l'autre : se savoir aimé, cela donne des ailes, même à un ver de terre j'en suis sûre.

Vous avez entendu tout à l'heure le cantique des créatures, texte bien connu de Saint François d'Assise, magnifique éloge adressé à Dieu pour la Création, pour ceux qui le servent, pour la mort corporelle même. Mais savez-vous dans quelles circonstances il a écrit ce si beau poème de louange ? Vous l'imaginez peut-être, comme je l'ai fait moi-même, assis au lever du jour, sur une des très belles collines entourant la ville d'Assise, s'émerveillant de toute la splendeur de cette nature qui s'éveille sous la caresse du soleil ?
Eh bien, vous vous trompez ! Au moment où il a écrit ou plutôt composé ces paroles -parce que ce sont ses frères qui les ont consignées par écrit - il était très atteint dans sa santé. Il était obligé de demeurer dans l'obscurité totale car ses yeux le faisaient tellement souffrir qu'il ne pouvait plus supporter, ne serait-ce que la lumière d'une bougie et les souris étaient si nombreuses autour de lui qu'elles l'empêchaient constamment de dormir. Et la mort était proche.
Oui, celui qui a composé ce texte était cet homme profondément souffrant et atteint dans sa santé. Oui, celui qui a composé ce texte était aussi cet homme intérieurement et entièrement pacifié, uni au Christ, à Dieu, et par eux, à la beauté de la création. Et son poème, faisant se répondre le féminin et le masculin, tous les contraires du feu et de l'eau, de la terre et du ciel, de la mort et de la vie, est le chant d'un homme réconcilié avec sa destinée totale, le chant d'un homme qui se sait aimé, le chant d'un homme qui se sait relié au Christ jusqu'au cœur de sa souffrance, le chant d'un homme sauvé.
Cette paix, qui habitait Saint-François, cette paix du Christ est offerte de même, à chacun de nous, à tous ceux qui se tournent vers Lui, alors, pour conclure, ces mots d'Antoine Nouis :
" La paix de Dieu est un souffle ténu qui se pose sur ton cœur, et qui apaise tes peurs.
La paix de Dieu est un murmure qui rafraîchit ta foi, qui te relève et qui t'envoie.
Que la paix de Dieu soit avec toi, pour aujourd'hui et pour toujours !"

Amen.

Détails

Avec la participation de
Orgue
Sans
Musique
Fanfare de Gryon, dir. de Bertrand Burnier; trio de cors des Alpes, Les Muverans