Pour ce dimanche qui est comme un 3e jour de Noël, j’ai choisi de relire avec vous la fin du récit de la Nativité.
Ces quelques versets sont en quelque sorte une transition entre le merveilleux de Noël et le retour à la vie normale : les anges sont repartis aux cieux… et les bergers vont retourner à leurs moutons ! La nuit de Noël est passée, la grande lumière qui a environné les bergers s’est effacée, ils se retrouvent dans leur cadre habituel. Que leur reste-t-il de la gloire de Dieu qu’ils ont entrevue, et de la louange céleste entonnée par les armées des cieux ? Peut-être n’était-ce qu’un rêve ?
Chaque fois que dans le récit de la Nativité j’entends cette expression lorsque les anges les eurent quittés… je pense aux guirlandes et aux bougeoirs qu’on va ranger dans un carton jusqu’au prochain Noël. Mais les bergers de Bethléem, avant de ranger dans le carton de leurs souvenirs l’expérience qu’ils ont vécue, en parlent entre eux. Et, dans cet échange de paroles, ils constatent que, si tout l’extraordinaire a disparu (les messagers du ciel, leur lumière éblouissante et leurs chants de louange), il leur reste le message «Un Sauveur est né pour vous» , un message qu’ils vont pouvoir vérifier dans la réalité tout ordinaire de leur vie quotidienne : «Ce Sauveur, vous le trouverez dans une crèche…»
Etait-ce un rêve ? Dans une démarche de foi, les bergers décident d’aller vérifier ce qui leur a été annoncé. Pour exprimer cette démarche de foi des bergers, Luc utilise 3 verbes :
- Allons voir…(et l’évangéliste ajoute qu’ils y allèrent en hâte)
- Ils firent connaître ce que le Seigneur leur avait fait connaître. C’est-à-dire qu’ils deviennent eux-mêmes des messagers, des porteurs de ce message que Dieu leur a confié comme une bonne nouvelle pour tout le peuple; ils deviennent en quelque sorte des anges, des messagers de Dieu.
- A leur retour, ils éclatent en louanges et chantent la grandeur de Dieu (comme les anges qu’ils avaient entendus dans le ciel), parce qu’ils ont trouvé tout, comme cela leur avait été annoncé : Dieu a tenu parole.
Ce serait facile de conclure maintenant en vous disant : «Eh bien, nous aussi allons jusqu’à Bethléem, mettons-nous en marche, et prenons Dieu au mot !» En fait, vous le savez bien, cette démarche n’est pas facile, il ne suffit pas de se dire : «Allons.» Et sans doute Luc lui-même a voulu indiquer dans son évangile que c’est difficile, en utilisant pour ce «allons» un verbe qui veut dire passer à travers, faire le pas. Par exemple, Paul emploie ce même verbe pour évoquer la traversée de la Mer Rouge par les Israélites (1 Cor. 10, 1). Et c’est aussi ce verbe que Jésus utilise pour avertir ses disciples qu’il sera plus difficile à un riche d’accéder au Royaume de Dieu qu’à un chameau de passer par le trou d’une aiguille (Mt. 19, 25).
Aller jusqu’à Bethlehem, ce n’est donc pas une simple promenade : c’est une décision, un choix, un pas à franchir. Je pense en particulier à vous qui avez vécu un deuil au cours de ces derniers mois : quelqu’un qui vous apportait une présence qui a pu être comme un message de Dieu1 Jean 1, 1- 4, Luc 2, 15 - 20 pour vous, vous a quitté…
Quel courage il faut alors pour se lever, pour faire ce passage vers le quotidien où Dieu vous fait découvrir des signes de sa fidélité ! Et même si aucun deuil ne nous a frappés, constamment notre vie est confrontée à des «quitter» qui nous laissent démunis.
A chacun de nous, l’Evangile adresse ce même appel à nous lever, à faire confiance à Dieu, à le prendre au mot. C’est ce passage que nous avons à faire, entre nos rêves d’un Noël touchant (nous en avons des cartons pleins de souvenirs !) et la foi qui s’incarne dans notre réalité de tous les jours de l’année. C’est ce même pas que nous avons à franchir pour prier, dans le Notre Père : que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel, ou: « Pardonne-nous comme nous pardonnons aussi. » Ce pas qui nous fait passer de notre solitude à la parole partagée.
Mais ce pas, nous pouvons le franchir, parce que Dieu est venu lui-même à notre rencontre. Si les bergers ont trouvé le Sauveur dans la crèche comme cela leur avait été annoncé, c’est d’abord parce que Dieu a accepté de se mettre dans une crèche, à la portée des bergers, comme il se met à notre portée. Si nous pouvons aller jusqu’à lui, c’est d’abord parce qu’il est venu jusqu’à nous, simple et commun comme le pain de nos maisons.
Et c’est lui-même qui nous invite aujourd’hui à faire le pas jusqu’à la communauté fraternelle de foi et de louange, réunie autour de sa table. Osons prendre Dieu au mot.
Amen !
Faire le pas
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