Aïe aïe aïe, en entendant la lecture de ce récit dans l'évangile, je crois qu'on a quand même un peu exagéré ! En 2000 ans, on en a un peu trop rajouté !
Ces mages, on en a fait des rois. Ils étaient d'illustres inconnus et on les a baptisés : Melchior, Gaspard et Balthazar ! Et comme il y avait trois cadeaux, on a décidé qu'ils étaient trois. Impensable qu'il y en ait eu un quatrième venu les mains vides, à moins qu'il ne se soit perdu en route, qu'il n'ait pas suivi la bonne étoile ?
Ou alors, c'est qu'il n'avait pas trop l'esprit communautaire, il devait être un peu franc-tireur, préférant les chemins de traverse aux autoroutes de l'illumination. A l'image de tous ces croyants, sans Eglise, mais à la foi certaine ! Il devait être minoritaire, forcément, les autres étaient déjà trois et lui tout seul !
Mais avant de vous raconter l'histoire du quatrième roi mage, je vous propose en trois coups de pinceaux quelques couleurs d'Evangile. Imaginez que vous êtes Matthieu l'évangéliste ! Allez faites un petit effort ! Vous savez, il n'était pas si différent de nous. Alors vous êtes Juif et vous écrivez à des Juifs croyants et le message dont vous êtes porteur est le suivant : la Bonne Nouvelle incarnée par le Christ est pour tous les hommes, les juifs et les non juifs sans oublier les femmes. Il s'agit de leur faire prendre conscience de l'universalité du message du Christ, c'est-à-dire que son message a une portée universelle.
Premier coup de pinceau : Eh oui, pour ainsi dire, vous peignez avec votre plume. Des mages autrement dit des prêtres d'une autre religion - sont venus d'Orient rendre hommage à Jésus. Ils sont venus de l'étranger, ils ont une autre culture, une autre religion et les voilà tout joyeux se prosternant devant Jésus. Alors là, vous faites fort : le message est clair, il dépasse les frontières d'Israël, il fait éclater les barrières du judaïsme, il concerne la terre entière. D'entrée de jeu, vous avez mis une touche d'universalité. Vous avez d'ailleurs le coup de pinceau polémique : ils sont venus de tout là-bas pour adorer le Christ alors que les religieux d'ici n'ont encore rien vu et rien compris !
Deuxième coup de pinceau : Vous êtes toujours Matthieu l'évangéliste. Vous voyez ce n'est pas si difficile. Vous écrivez bien plus que la biographie du Christ. Vous écrivez un évangile, c'est-à-dire un texte qui invite à prendre parti. Vous voulez que vos lectrices et vos lecteurs sortent de l'indifférence et qu'ils choisissent : construire sur le sable ou sur le roc ? passer par la porte large ou par la porte étroite ? être dans le camp du puissant roi Hérode ou celui du fragile enfant roi Jésus ?
Comment mieux faire prendre conscience qu'il y a un enjeu considérable qui se joue dans la manière d'être homme ? Le personnage d'Hérode - pas très sympathique vous en conviendrez - symbolise la haine en face de l'amour, le refus d'une remise en cause, la peur de devoir céder sa place ou de changer de mode de vie. Son mode d'expression est la violence injuste : il fera mourir tous les enfants jusqu'à deux ans dans Bethléem et aux alentours.
La figure du Christ symbolise l'amour en face de la haine, l'invitation à se remettre en question, accueillir le changement comme une expression de vie nouvelle. Son mode d'expression est la confiance en Dieu. Les mages, en tout cas, se sont décidés. Ils se sont bougés ! Dans leur recherche, ils se sont mis en route. Et ils ont choisi, ils se sont détournés d'Hérode. Ils ne seront pas homme à la manière du potentat et du tyran, ils se sont tournés vers un autre absolu.
Troisième coup de pinceau : Vous êtes toujours Matthieu l'évangéliste. Vous commencez à vous habituer ! C'était une idée courante à votre époque que la naissance des grands personnages était signalée par des apparitions de nouvelles étoiles dans le ciel. D'ailleurs, les rabbins eux-mêmes dans l'attente du Messie aimaient à citer la prophétie du livre des Nombres :
" Je le vois, mais ce n'est pas pour maintenant ;
je l'observe, mais non de près :
De Jacob monte une étoile… " (24, 17).
Les mages, cependant, arrivés à Jérusalem en suivant l'étoile, ont besoin de l'éclairage des textes prophétiques pour se diriger vers Bethléem. Comment mieux dire que la naissance de Jésus s'inscrit dans la révélation de Dieu ?
Je ne vous savais pas si bon théologien. En quelques mots, vous avez fait comprendre à votre communauté, qu'en cet enfant né à Bethléem, ce n'est rien de moins que l'accomplissement des promesses annoncées par les prophètes ! Les mages suivent l'étoile, mais ils doivent avoir recours à la prophétie de Michée pour se rendre au bon endroit : Bethléem.
En trois coups de pinceau, vous avez raconté l'universalité du message du Christ, la décision nécessaire face à ce message et souligné que tout cela s'inscrit dans l'accomplissement des prophéties.
Coup de chapeau !
L'évangéliste Matthieu a arrêté là son récit. Mais sans le trahir, il est possible de vous raconter l'histoire du quatrième roi mage.
Il était avec les autres, bien qu'il marchait un peu dans la marge. C'est ce qui lui a permis de voir quelqu'un, malheureux et blessé, sur le bord de la route de son existence. Et pendant qu'il écoutait cette personne lui raconter ses peines, ses trois compagnons ont disparu de son horizon. Il pensait les rattraper, mais voici qu'il a dû prendre la défense d'une mère et de son enfant. Plusieurs démarches administratives ont été nécessaires. Cela a pris du temps et l'étoile était déjà loin.
Et ainsi de suite, les jours passent où le quatrième roi mage dispense autour de lui : paroles de réconfort, encouragements, compliments, écoute attentive. Il se fait proche de celui qui est un peu seul, il essaie de comprendre celui qui est souvent rejeté, il donne un coup de main quand il le peut et n'arrive jamais à Bethléem. C'est pourquoi, l'évangéliste Matthieu n'en a pas parlé.
Qui est ce quatrième roi mage ? Cela pourrait être vous. Cela ne tient à pas grand-chose. Le quatrième roi mage n'avait rien dans les mains, mais beaucoup dans le cœur. La tête levée vers l'étoile ne l'a pas empêché de voir celles et ceux qui l'entouraient. Comme lui, nous n'avons ni or, ni encens, ni myrrhe, mais nous avons des yeux pour voir, des oreilles pour entendre, des bras pour accueillir. S'intéresser aux autres, n'est-ce pas aussi une manière de rencontrer Dieu ? Si nous nous mettons en route vers notre prochain, à coup sûr, nous rencontrerons aussi le Christ.
Amen !
Qui est le quatrième roi mage ?
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