Les sons du récit de Noël, pour entendre le récit de la nativité comme si vous y étiez.

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Écouter le culte :

Au coin de ma rue, il y a de nombreux bruits de Noël.

Au coin de ma rue, il y a la mélodie criarde d'un Père-Noël joufflu et rougeaud qui rejoue sans cesse : « Jingle bells, jingle bells… » Le bonhomme-automate engoncé dans son costume rouge déclenche son inaudible jingle chaque fois que, par malheur, le passant le serre de trop près : « Jingle bells… »

Au coin de ma rue, il y a une plainte, celle d'une femme coiffée d'un fichu, main tendue : « S’il-vous-plaît, s’il-vous-plaît… » Litanie de celles et ceux venus d'ailleurs qui n'ont pas de lieu pour poser leurs têtes.

Au coin de ma rue, il y a des rires de deux petites filles se tenant par la main, sautillant, cartable sur le dos. Elle se parlent en riant des dernières nouvelles de la cour de récré.

Au coin de ma rue, il y a le moteur de la camionnette du livreur qui tourne. De l'arrière du véhicule jaune et rouge, sont débarqués de multiples paquets qui rejoindront bientôt le pied d'un sapin.

Au coin de ma rue, il y a la colère, un homme de jaune vêtu. Revendications en rafale et dégoût du monde en bandoulière.

Au coin de ma rue, plein de bruits de Noël. De Noël ? Pour les rires des enfants bien entendu, Noël les concerne ! Pour le Père Noël, ok. Pour le livreur de cadeaux, passe encore. Mais les autres bruits, il ne faut pas pousser ! L'exilé qui mendie, l'homme en colère – où y trouver Noël ? Prenons l'homme en colère du coin de ma rue avec ses revendications sociales, politiques et économiques en rafales. Est-ce Noël cela ?

Le texte commence par cette histoire de recensement ordonné par l'empereur César Auguste et orchestré par le chef local, le gouverneur Quirinus. Souvent nous passons sur cette histoire de recensement très vite. C'est vrai que les papiers ce n'est pas le plus exaltant. Et les papiers des papillotes sont plus chatoyants pour Noël.

Un recensement, c'est un comptage de la population. À cette époque il ne servait pas à faire un beau tableau Excel pour engranger les statistiques démographiques. L'objectif est plus politisé. Le monarque voulait connaître le nombre de ses sujets et ainsi jauger s'il pouvait par exemple s'engager dans une guerre ou quelle marge il avait pour lever l'impôt. Le recensement était dès lors bien dans nos mots actuels une problématique politique, sociale. Chaque recensement était marqué par des soulèvements de personnes le refusant parce qu'elles s'estimaient oppressées par Rome.

Il y avait aussi une problématique de politique théologique. Normalement, seul Dieu peut recenser son peuple ou en donner l'ordre. Par exemple, David sous le coup de la colère divine se permet d'ordonner un recensement de ses troupes. Il s'en mord les doigts ensuite, comme on peut lire dans 2 Samuel 24 : « David sentit son cœur battre après qu’il eut ainsi dénombré le peuple. David dit au Seigneur : ‘C’est un grave péché que j’ai commis. Mais maintenant, Seigneur, daigne passer sur la faute de ton serviteur, car j’ai agi vraiment comme un fou.’ »

En deux versets, l'évangile de Luc dresse le climat de la montée vers Noël. Un climat de contestation et de lutte politique et théologique. Mais un petit couple va traverser les lignes et s'en aller vers Bethléem en faisant fi du bruit de ces agitations sociales et politiques. Parce qu'ils se mettent en route – enfin Joseph en premier, accompagné de sa fiancée Marie qui est enceinte. Le texte nous dit que Joseph doit aller à Bethléem pour se faire recenser. Le prétexte administratif reste étrange. Joseph vit à Nazareth : selon les directives en usage au premier siècle, il aurait dû se faire recenser dans sa ville de résidence. Mais non, il monte dans la ville de David qui s'appelle Bethléem. Joseph et Marie ne se déplacent pas par contrainte administrative : ils montent dans la ville de David.

Et nous, le week-end prochain, quand nombre d'entre-nous monterons dans la voiture chargée de cadeaux, de skis pour rejoindre d'autres cantons ou même passer la frontière vers l'Allemagne, l'Italie ou la France, quand certains d'entre-nous vont monter dans un avion pour rejoindre des contrées plus lointaines, vers quoi montons-nous ? Vers une famille à visiter, des proches à retrouver, un peu de soleil dans la brouillasse de l'hiver au bord du Léman ?

Vers quoi montons-nous dans la grande migration des fêtes ? Et même si nous restons à Nazareth, quel déplacement nous procure de suivre Joseph et Marie ce matin ?

Chacun, chacune, nous aurons notre propre réponse. Il ne faut pas avoir peur qu'elle soit différente de l'autre – il y aura autant de réponses que d'anges dans l'armée céleste !

Vers quoi montons-nous à Noël ? C'est à nous de nous décider : vers la ville de David, pour rejoindre la grande histoire du peuple de Dieu, prendre place dans cette longue saga du peuple Israélite et la faire sienne pour monter à Bethléem.

Vers quoi montons-nous à Noël ? C'est à nous de décider : vers une pause, à nous qui arrivons au bout du rouleau de la course enfants/boulots/cadeaux. Casser enfin les rythmes qui envahissent nos quotidiens au point de ne plus en respirer la beauté.

Vers quoi montons-nous à Noël ? C'est à nous décider : vers... vers rien, parce que la solitude, la maladie, la dépression me jettent dans les tréfonds de l'obscurité. Peut-être se rappeler à ce moment-là que nulles ténèbres ne peuvent me cacher au regard de Dieu et qu'Il est là dans un regard.

Vers quoi montons-nous à Noël ? Un lâcher prise. Vers la réconciliation avec nous-mêmes, avec l'autre, avec un passé. Noël est le moment famille avec parfois de belles retrouvailles mais aussi parfois des retours de rancœur qui nous consument.

Monter vers Noël, c'est prendre un risque, celui de trouver porte close. Comme Marie et Joseph et l'enfant à venir.

Peut-être que le bruit sombre et sourd des personnes en exil tendant la main au coin de nos rues à coup de « s’il-vous-plaît » est aussi un bruit de Noël. Pas le plus charmant, parce que culpabilisant, parce que démoralisant. Un bruit que l'on ne pourra faire cesser qu'avec plus de solidarité, de responsabilité. Que cette montée semble difficile avec ses vallées sombres et obscures...

Il nous reste neuf jours pour monter de Nazareth à Bethléem. Neuf jours de l'attente de l'Avent pour préparer ce voyage. Neuf jours pour choisir le son pour notre Noël.

Le jingle « Jingle bells » du père Noël électronique du coin de ma rue, pourquoi pas ? Car à Noël nous recevons un cadeau que nous redonnons dans les cadeaux offerts aux autres. Un son de Noël s'appelle aussi générosité. Mais n'oublions pas que le pouvoir d'aimer surpasse toujours notre pouvoir d'acheter.

Le son de Noël, est un son de vie : un rire d'enfant, le son d'un nourrisson, le cri primaire de la vie qui s'insuffle dans les poumons et qui jaillit dans la nuit.

Le son de Noël par excellence est celui de Dieu qui vient à nous dans la fragilité d'un enfant : cri puissant de la vie dans la précarité de la nuit.

Montons, montons vers ce son !

Entendez, Il vient !

Amen.

Aujourd'hui, c'est la fête de Noël des familles de la paroisse de Versoix, et le temple est en effervescence. Un metteur en scène et un lecteur essaient de présenter le récit de la nativité mais des imprévus vont compliquer le déroulement. Vont-il parvenir à le mener jusqu'au bout? Que retenir de cet ancien récit pour fêter Noël en 2018?

Détails

Avec la participation de
Eva Di Fortunato, Sylvie Serex, Sunghyung Chang, Sarah Genequand-Miche et les enfants du groupe "Les Explorateurs"
Orgue
Musique
Sung-Mi Kim au piano