Tu es aimé

image

Que faisiez-vous le jeudi 13 février 2003? Pour ma part, je lisais mon quotidien préféré, quand tout à coup à la page 29, j'ai été saisi par la vue d'une photo extraordinaire qui me plongeait quelque 13 milliards d'années dans le passé ! Une étonnante image, publiée par la NASA, grâce à l'un de ses satellites: sur cette photo - je l'ai gardée - on peut admirer le visage de l'univers primordial juste après le Big Bang… Je vous entends déjà me dire : "Comment est-il possible qu'une image aussi précoce de l'univers soit encore détectable?"
Le journal donnait l'explication suivante : en portant le regard de plus en plus loin, l'astronome observe des objets de plus en plus anciens, car la lumière qu'ils émettent a mis davantage de temps à lui parvenir. Ce voyage dans le passé lui permet d'admirer des galaxies telles qu'elles étaient il y a des milliards d'années.
En portant ses instruments plus loin encore à l'aide de satellites, l'homme finit par apercevoir la lueur de l'univers, âgé d'à peine 380'000 années - autrement dit - juste après sa naissance, lorsqu'il était encore comme une soupe d'énergie et de particules portées à très haute température. Cette photo a quelque chose de vertigineux elle me renvoie au souvenir précis de mes huit ans lorsque je me promenais en compagnie de ma maman et que je lui posais, déjà, la question existentielle par excellence: "Dis, pourquoi j'existe ?"
Comme il est possible aux astronomes de ramener des images du passé, il est possible aussi au travers du témoignage des évangiles que retentisse au cœur de notre présent la Parole du Christ!

Mais d'abord, c'est le silence de cet homme paralysé que je vous invite à entendre. Tout au long du récit, il ne dit rien. Cependant, il est facile de s'imaginer ce que dit cet homme dans son for intérieur, il est aisé de suivre le mouvement de ses pensées : "Je suis là, tout petit, dans un univers immense qui me dépasse… échoué ici dans cette ville de Galilée appelée Capharnaüm. Je ne suis pas comme les autres… je suis marginalisé par mon handicap et je me demande… pourquoi j'existe ?"
Pour le plus grand bonheur de chacune et de chacun d'entre nous, les récits des évangiles sont pleins d'images. Nous n'avons pas de photos qui illustrent ces événements, mais vous le savez bien, lorsque vous lisez un récit, votre imagination l'illustre en quelque sorte.
Alors je vous invite à regarder cette histoire : quatre hommes en descendent un cinquième par le toit (peut-être viennent-ils d'inventer l'ascenseur ?) et voici l'homme paralysé couché sur un brancard au milieu de la maison, là où Jésus annonce la Parole !
"Voyant leur foi, Jésus…" "Jésus a vu leur foi" : cette simple expression met en question bien des idées reçues en la matière. Dans notre société, nous avons fait de la foi une affaire privée et intérieure, si possible invisible afin qu'elle ne dérange pas trop. Et voilà que Jésus souligne que la foi est une chose qui se voit !
Dans notre imaginaire, nous nous représentons souvent la foi comme un sentiment mystérieux et pur. Et voilà que la foi consiste à trouer un toit en terrasse fait de branches et de terre battue ! Dans le monde des idées, on dénonce parfois la foi comme un opium qui décale les croyantes et les croyants de la réalité. Et voilà que ce récit nous démontre que la foi est une démarche : un paralysé est porté, la foule est contournée, le toit est troué, le brancard descendu. Voilà que la foi apparaît, non pas comme stricte acceptation de l'état des choses, mais comme un mouvement… la foi met en mouvement. Des hommes s'approchent de Celui qui est venu vers eux !
Et ce mouvement aura aussi pour conséquence qu'un homme couché va se lever. Avez-vous déjà essayé de compter combien de femmes et d'hommes se sont levés depuis ce jour-là ? Pour donner un sens à leur existence au travers d'un mouvement de foi faisant référence à Jésus ! Dans la "suivance" de Celui qui nous invite à vivre debout dans la dignité de femmes et d'hommes libres, réunis ensemble sur un grain de sable quelque part dans l'univers, mais où Dieu sait nous trouver et nous aimer malgré tout.

Et alors la Parole retentit ! "Voyant leur foi, Jésus dit au paralysé : …tes péchés sont pardonnés…" Autrement dit : "ce qui t'enchaîne, l'histoire malheureuse qui te précède et dont tu ne peux te défaire, au nom du Règne de Dieu qui vient au-devant des femmes et des hommes, je te le dis, cela n'aura plus le dernier mot sur toi !" Le récit ne dit pas qu'être paralysé, c'est forcément une conséquence suite à une faute commise. Il ne se prononce pas là-dessus. Le récit ne dit rien sur les responsabilités que porte l'homme dans le mal qui l'accable, mais il montre Jésus prononçant une parole de pardon qui le remet debout. Et c'est justement cette parole de pardon qui déclenche une polémique:
"Quelques scribes étaient assis là et raisonnaient en leurs cœurs : "Pourquoi cet homme parle-t-il ainsi ? Il blasphème. Qui peut pardonner les péchés sinon Dieu seul ?" C'est bien cette annonce du pardon, et non pas le miracle, qui n'a d'ailleurs pas encore eu lieu, qui provoque la réaction des scribes, ces experts des textes religieux juifs. Pour eux, Jésus blasphème, car sa parole produit un changement de compréhension de Dieu, des hommes et du religieux. Les experts du croire d'alors sont dépossédés de leurs certitudes.
Voilà que Jésus inaugure une nouvelle manière de croire en s'arrogeant "l'autorité pour pardonner les péchés sur la terre…". Et la démonstration est aussitôt effectuée aux yeux et au su de tout le monde:
"Eh bien ! afin que vous sachiez que le Fils de l'homme a autorité pour pardonner les péchés sur la terre…", il dit au paralysé : "Je te le dis: lève-toi, prends ton brancard et va dans ta maison." L'homme se leva, il prit aussitôt son brancard et il sortit devant tout le monde…"

Autrement dit : "La réalité du pardon que Jésus donne réside dans le fait que ce pardon remet debout celui qui le reçoit."
Ainsi voir dans ce récit simplement la guérison d'un paralytique, c'est un peu court. L'enjeu est bien plus grand. Il s'agit, pour Jésus, de rétablir cet homme avant tout dans sa relation avec Dieu, avec les autres et avec lui-même. Si vous avez compris cela, vous avez compris le message de l'Evangile.
La Parole qu'annonce Jésus et qui est venue jusqu'à nous aujourd'hui n'a pas d'autre finalité que de nous mettre ou nous remettre dans un mouvement de vie. Sa Parole veut nous libérer de tout ce qui nous paralyse, nous sommes chacune et chacun tout à fait capables de mettre des mots sur nos paralysies, mais il nous est aussi possible d'entendre la parole qui nous relève: "Où que tu sois dans cet immense univers : tu es aimée, tu es aimé, lève-toi et va…"

Amen !

Détails

Avec la participation de
Orgue
Béatrice Jornot
Musique
Véronique Ottino Piguet, flûte à bec