Écouter le culte :
Au cœur de la nuit, ce psaume m'emmène en randonnée. Le psaume 130 prend le profil d'une montagne en huit versets et autant d'étapes. Le sommet est annoncé au cinquième verset. Mais avant de penser au sommet, il faut se mettre en route. Partir dans l'obscurité, sans trop de repères, ce n'est pas trop engageant. Je resterais bien dans mon confort d'une lumineuse veillée de Noël, bien au chaud...
Dès le départ, le premier verset nous plonge dans des profondeurs où le randonneur s'égare. Celui en charge de la feuille de route n'a pas bien fait son boulot, du coup je suis perdu et angoissé, alors j'appelle :
« Des profondeurs, je t'appelle Seigneur. »
Sans carte, sans boussole, je cherche le guide. Ce serait tellement plus simple d'avoir un itinéraire balisé et un beau fléchage coloré à suivre. Mais ici ce n'est pas le cas, je suis seul responsable de mon avancée. Alors dans un appel désespéré je crie au Seigneur, parce que dans ma marche, je le veux pour guide :
« Seigneur, entends ma voix ; que tes oreilles soient attentives à ma voix suppliante ! »
Le climat est oppressant, une voix résonne dans l'obscurité à destination de celui que nous aimerions présent mais qui est absent. L'absence du Seigneur... je la ressens au point que j'imagine qu'en élevant la voix, le Seigneur m'entende.
Ne suis-je pas en train de me fourvoyer de chemin ? Je demande au Seigneur d'entendre ma voix et d'ouvrir ses oreilles. N'est-ce pas prendre les choses à l'envers et rater la cible ? C'est à moi d'ouvrir mes oreilles et d'entendre sa voix. Tant que je n'effectue pas ce renversement, je traîne dans les profondeurs. Le Seigneur n'est pas à disposition – c'est à moi de préparer le chemin et de me rendre attentif, mais pour l'instant le randonneur tâtonne mains en avant sur le chemin :
« Si tu retiens les fautes, Seigneur ! Seigneur, qui subsistera ? »
Qui irait me blâmer parce que je suis perdu et confus ? Pas le Seigneur. Lui connaît mes faiblesses et m'accueille ainsi.
La conversion s'effectue en moi, randonneur des profondeurs, quand petit à petit, l'image du guide prend forme dans la brune. Et le mot tant attendu arrive : le pardon.
« Tu disposes du pardon et l'on te craindra. »
Finalement, quel chemin parcouru. Ce chemin que nous pouvons appeler repentance et pardon, ou en d'autres termes, prise en compte de son état et accueil inconditionnel.
Parce que pour évoluer, il y a fallu ce moment d'arrêt où ma situation me saute enfin à la figure: je me suis égaré dans les profondeurs. Cette prise de conscience ne sonne pas le glas du voyage mais permet de faire le pas supplémentaire vers la demande de pardon. Pardon de vivre sans toi et te demander d'écouter mon bon vouloir en fermant mes oreilles à ta parole.
Ce chemin depuis les profondeurs semble difficile et escarpé. Les profondeurs sont parfois tout ce qui nous oppresse, les périodes noires où nous sommes affligés par des vents contraires. Les profondeurs sont aussi les moments de vacuité et de superficialité. C'est à dire que rien de vraiment douloureux nous arrive, mais que nous sommes là errant sans justement de profondeur.
Dans ces contrées de noirceur ou d'errance, j'aurais peut-être attendu du Seigneur plus d'intervention pour me tirer de l'abîme. Pourtant il me veut libre et responsable avec un esprit clair et lucide pour mettre mes pas sous son autorité.
Et le sommet apparaît... Parce qu'enfin c'est moi qui l'attend. Juste me reposer sur la ligne de crête en attendant la plénitude du Seigneur. Je n'exige plus de Lui, j'attends:
« J'attends le Seigneur, j'attends de toute mon âme et j'espère en sa parole. »
Lâcher enfin prise et se laisser aller à l'attente. Parce que sa parole adviendra.
Attendre comme en cette nuit de Noël où j'attends l'aurore et la nouvelle éclatante redite. Le Seigneur a parlé dans le cri d'un enfant, dans le gloria des anges.
S'allonger encore un instant dans cette espérance si douce. Veiller de tout notre être. Attendre la lumière dans l'espérance de toute son âme. N'est-ce pas ce que nous faisons en cette nuit de Noël ?
Mais il faut bien se remettre en route et redescendre la montagne, même si la nuit est toujours présence, je repars dans la lumière vers le matin.
Un désir, le désir du Seigneur :
« Mon âme désire le Seigneur, plus que la garde ne désire le matin, plus que la garde le matin. »
Ce lien sensuel de désir se tisse : je suis le veilleur qui guette l'aurore qui vient.
Je suis l'enfant qui attend le matin de Noël.
Je suis l'amoureux qui attend son aimée.
Je suis le pécheur qui attend le port.
Je suis la mère qui guette ses petits.
Et je sais qu'après être allé sur le sommet de la montagne, la descente sera lumineuse car remplie d'une promesse :
« Israël, mets ton espoir dans le Seigneur. Car le Seigneur, dispose de la grâce et avec largesse du rachat. C'est lui qui rachète Israël de toutes ses fautes. »
Le marcheur égaré du début du chemin se transforme en héraut de son Dieu pour semer au monde des paroles de grâce. Il est la voix qui annonce le don de Dieu.
Un don : ce « je t'aime » dans ma veille de Noël.
Amen