Jésus nous précède tous les jours de notre vie

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Dimanche de l'Epiphanie. C'est ainsi que s'appelle cette journée puisque c'est le dimanche le plus proche du 6 janvier, jour "officiel" de cette fête.
Si vous demandez à quelqu'un ce que veut dire "épiphanie", il y a de fortes chances pour qu'il vous réponde en disant que cela signifie "la fête des Rois" et peut-être le pensez-vous vous-mêmes.
En réalité épiphanie veut dire "apparition", "manifestation de quelque chose ou de quelqu'un". C'est le fait de venir en pleine lumière, d'apparaître soudainement, comme l'étoile qui guida les mages.
Mais en ce dimanche, comme d'ailleurs chaque dimanche de l'année, le seul dont c'est l'épiphanie, c'est le Christ qui se donne à connaître et qui rassemble son Eglise. L'épiphanie n'est pas la fête des Rois mages, mais celle du Fils de Dieu qui en se faisant connaître des mages, nous rappelle qu'il est venu pour tous les peuples de la terre et non pas seulement pour le peuple d'Israël.

Mais dans la nuit de Bethléem, dans la nuit de Noël, Dieu n'a pas fait qu'une simple apparition. Il s'est incarné, il s'est véritablement fait l'un des nôtres. Il a pleinement revêtu notre condition humaine. Ce n'était pas qu'une apparence.
Mais voilà, nous avons la mémoire courte. Nous oublions que c'est Dieu lui-même qui veut vivre avec nous. Alors il nous le rappelle, parfois presque à contrecœur, comme si cela le peinait qu'on ne le reconnaisse pas une bonne fois pour toutes.
C'était déjà précisément le cas de ses disciples. Lents à croire, ne sachant pas toujours comment interpréter les paroles ou les miracles du maître, ces épiphanies, même plus, ces théophanies, c'est-à-dire véritables apparitions de Dieu lui-même dans notre réalité.

Alors ce matin je n'ai pas choisi l'arrivée des mages à Jérusalem ou à Bethléem, mais je vous invite à nous pencher sur une autre épiphanie dont nous parle le récit bien connu où Jésus marche sur les eaux.
Cet événement est parfois connu par les blagues qui s'y rapportent et c'est bien dommage, car je pense qu'il devrait recevoir une grande place parmi les textes nous apprenant quelque chose de fondamental sur la personne du Christ.
Rappelons-nous le contexte : la première multiplication des pains vient d'avoir lieu. Avec quelques pains et quelques poissons, Jésus a nourri une grande foule. Mais le verset 52 nous signale que les disciples n'ont pas compris le sens de cet acte. La foule non plus puisqu'elle a voulu faire du Christ un roi tout humain comme nous l'explique l'évangile de Jean.
Alors Jésus renvoie les douze à Bethsaida, un village à quelques kilomètres de là. Il les renvoie par bateau et non pas à pied, comme pour les soustraire à cette foule et à la tension ambiante. Lui-même se retire sur la montagne pour prier.

Ils ne sont pas très fréquents les textes qui nous montrent le Christ en prière. Mais chaque fois cela annonce un événement particulier.
Et pendant qu'il se trouve sur la montagne, symbole biblique par excellence de stabilité, du refuge que Dieu nous offre (pensons par exemple au Mont Sinaï, au Mont Ararat), ses disciples sont sur la mer, la mer de Galilée, appelée aussi lac de Tibériade. Un vent contraire s'est levé, la nuit est tombée, la tempête menace. Le contraste est immense !
On entend parfois dire que dans la Bible la mer est le lieu du mal. Je ne le pense pas, car toute la création est bonne et est l'œuvre de Dieu - comme nous le rappelle Genèse 1, Il -"appela mer la masse des eaux et il vit que cela était bon". Rien, aucun secteur de la création n'est mauvais en soi. Ainsi les êtres marins sont eux aussi invités, avec les oiseaux du ciel et les bêtes des champs à célébrer leur Créateur.
Mais si la mer n'est pas le lieu du mal, c'est le lieu, pour l'homme, de l'incertitude, de la fragilité, voire de l'angoisse. Tout le contraire de la terre ferme. Je crois que c'est dans ce sens-là qu'il faut comprendre le premier verset du chapitre 21 de l'Apocalypse qui nous dit : "Je vis un nouveau ciel et une nouvelle terre et la mer n'était plus." Cela veut dire que dans le royaume, ce qui n'aura vraiment plus du tout sa place, c'est l'incertitude, la peur, la crainte.

Mais pour l'instant les disciples sont au cœur de cette incertitude, de cette angoisse, de cette eau qui menace, pendant que Lui, Jésus, prie sur la montagne. Alors il les voit, et peu avant l'aube mais encore au plus profond de la nuit, il vient jusqu'à eux, marchant sur la mer.
Dans l'Ancien Testament, certains hommes auxquels Dieu a confié une mission toute particulière ont un certain pouvoir sur la mer. C'est particulièrement le cas de Moïse lors de la sortie d'Egypte, vous connaissez probablement le récit de l'Exode, de la fuite hors du pays de servitude. Plus tard il en sera de même pour le prophète Elie qui de son manteau frappera la surface de la mer et celle-ci s'écartera. Ces récits font penser à celui où le Christ, depuis la barque de ses disciples, après qu'ils l'ont réveillé, calme la tempête.
Mais dans la révélation biblique, il y a aussi quelques textes, dans les Psaumes notamment et surtout celui de Job, dont nous avons entendu la lecture, qui avaient annoncé que seul Dieu marcherait sur l'eau. Job disait : "Seul il étend les cieux et marche sur les hauteurs de la mer."

Et voilà qu'au cœur de la tourmente, marchant sur l'eau Jésus s'approche de la barque. Ils le voient ; tous le voient précise le récit, mais ils le prennent pour un fantôme - qu'est-ce que cela pouvait être d'autre ? - et leur peur est encore plus grande. Comme souvent dans la vie, "voir" ne veut pas encore dire "saisir" ou "comprendre". On a l'impression que cette fois le chaos n'est plus seulement autour d'eux mais aussi en eux-mêmes.
Et il voulait les dépasser nous dit le texte ! Quelle idée étrange! Pourquoi vouloir les dépasser alors qu'il va monter dans la barque ?
Par cette image de Jésus voulant passer devant les disciples, nous sommes placés au cœur des récits de théophanies tels qu'ils nous sont transmis par les textes de l'Ancienne Alliance, de l'Ancien Testament.

Lorsque Moïse - encore lui - demande à Dieu de lui montrer sa Gloire, Dieu lui dit qu'elle passera simplement devant lui. En effet, Moïse ne pourrait pas survivre si Dieu s'arrêtait devant lui. Il ne pourra donc voir son Créateur que de dos, une fois que ce dernier l'aura dépassé.
Il en sera de même pour Elie. Lui doit se tenir sur la montagne et l'Eternel passe devant lui dans le doux murmure.
Dans la théophanie du récit de Marc, Jésus passe devant ses disciples, mais ils ne le reconnaissent pas. Dans le texte de Job juste après qu'il est dit que Dieu marche sur les hauteurs de la mer nous lisons : "Voici qu'il passe près de moi et je ne le vois pas; qu'il disparaît et je ne le comprends pas."

Même quand il vient nous rejoindre au cœur de nos tempêtes, au milieu de nos inquiétudes ou de nos questionnements, Dieu est toujours celui qui nous dépasse, celui qui nous laisse stupéfaits et souvent sans voix.
Pour que la paix et le calme reviennent, il doit prendre la parole. Et comme l'ange avait dû le dire à Zacharie ou à Marie, Jésus dira : "Soyez sans crainte" et il ajoutera "c'est moi." A partir de ce moment-là, tout change.
La tempête est apaisée, l'inquiétude des douze ne peut que se changer en adoration. Le maître est à nouveau celui qui tient toute chose entre ses mains. Les doutes sont écartés, la foi fortifiée. En tous cas pour un temps. Plus tard, on retrouvera les disciples empêtrés dans leur incompréhension et le Christ constatant qu'une fois de plus ils ne comprennent pas.

Je ne sais pas si l'année 2002 a été pour vous l'année de théophanies spectaculaires ! D'apparitions fracassantes du Christ ressuscité, j'en doute ! Et sans vouloir vous décevoir, je ne pense pas que 2003 le sera davantage : nous ne sommes plus dans la situation des apôtres.
Mais ce que je souhaite pour chacune et chacun d'entre nous, c'est que notre vie ecclésiale durant cette nouvelle année civile soit le lieu où Dieu, en Christ, vient nous rejoindre. Et qu'ensemble nous puissions entendre toujours à nouveau sa parole qui nous dit : "Soyez sans crainte, c'est moi."
Pour les croyants de l'Ancien Testament c'était un véritable acte de foi de confesser la souveraineté de Dieu au long des jours et des années. Pour les disciples et pour toute l'Eglise naissante, il n'en allait pas autrement, même quand Jésus s'approchait d'eux marchant sur l'eau. Pour nous il en va de même, c'est notre vocation. Ce sera la vocation de l'Eglise à travers tous les âges, une marche par la foi et dans la confiance.

Alors, ne perdons jamais de vue que si Dieu nous dépasse toujours, il ne le fait pas pour nous abandonner mais pour nous précéder. Nous précéder ici-bas, tous les jours de notre vie et nous précéder jusque dans son royaume.
Car en venant dans notre monde, le Christ vient en réalité dans son monde, il intervient au cœur de sa création. Alors, que notre foi nous ouvre sur le monde, non pas sur un monde clos, mais sur un monde ouvert dans lequel Dieu marche et agit.

Amen !

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Détails

Avec la participation de
Orgue
Jacqueline Dubois
Musique
Myriam Ramseyer, flûte traversière et Luc Aeschlimann violoncelle