Grasse matinée ou matinée de grâce ?

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Bonjour à chacune et à chacun ! Je vous propose d'aborder le thème de la grâce. Et cela au travers d'un jeune homme qui nous a été révélé ces derniers temps dans les journaux et surtout à la télévision. Je vous propose de nous laisser inspirer par la grâce du Petit Prince de Saxon, comme on l'appelle parfois, Stéphane Lambiel, qui a récemment été couronné d'or au patinage artistique. Ce jeune patineur de 20 ans a accroché tous les spectateurs à l'écran par son programme de patinage libre. Lambiel est un artiste fou qui enchaîne les figures techniques d'extrême difficulté dans une sorte de danse fascinante.
Personnellement, j'aime ce qui est gracieux, c'est beau, ça me fait rêver. On voit bien que c'est très technique et très physique, et pourtant le patineur-danseur a l'air léger, rapide et à l'aise. C'est cela qui subjugue le public, qui lui donne une image d'un jeune homme "plein de grâce".
Si ce matin, j'ai choisi cet exemple de patinage pour parler de la grâce, c'est que ce thème est généralement difficile à aborder. Il est vite stéréotypé et classé dans les registres des expressions religieuses, telles que "le salut par la grâce", si ce n'est pas "Je vous salue, Marie, pleine de grâce".

Pourtant, je crois que la grâce est bien plus qu'une idée, et que l'exemple d'un gracieux patineur peut nous aider à l'apprivoiser un peu. Il y a d'abord ce constat central et primordial : ce qui est beau, dans la danse ou dans un programme de patinage, ce n'est pas juste une position figée, comme une statue élégante bien réussie, mais un enchaînement harmonieux de mouvements. La grâce, dans ce sens, rejoint celle que Dieu a introduite dans l'histoire. La grâce est effectivement un enchaînement de mouvements harmonieux. Ce n'est pas un concept ou une théorie, mais de la vie, du mouvement.
Regardons ensemble un aussi bel exemple que Lambiel, un jeune homme qui a su enchaîner des mouvements si gracieux que Dieu l'a médaillé, il a environ 3000 ans, et inscrit dans son livre, la Bible. Il s'agit de David, le berger-poète devenu roi. David est un exemple de la grâce qui se manifeste dans un bel enchaînement de mouvements, dans un élan harmonieux.
Ce qui nous intéresse ne se borne pas de nous laisser charmer par la grâce d'un Lambiel ou d'un David. Comme Timothée dans le Nouveau Testament, nous sommes exhortés à nous "fortifier dans la grâce" (1 Tim. 2, 1), à entrer dans cette danse qui nous fait envie et qui fait plaisir à ceux qui la regardent. Je ne veux pas seulement rêver devant la grâce de David, je voudrais la recevoir et la vivre.

C'est dans cette perspective que je vous propose de suivre le ralenti d'un enchaînement
extrêmement gracieux de la vie de David.
1. le premier mouvement concerne la manière dont David a été appelé au palais royal. David était comme Stéphane Lambiel, il avait du talent, mais pas de sponsors. La glace n'était visiblement pas pour lui. Et pourtant, en dépit de toute attente, David a reçu un accès inespéré, par pure grâce.
Le récit de cet accès au palais se trouve dans le 1er livre de Samuel (chapitre 16). On y voit Dieu envoyer le prophète Samuel pour y choisir un roi "selon son cœur" (v. 1). L'homme de Dieu arrive dans un village, avec tout ce qu'il faut pour la cérémonie, sauf le
candidat au trône. Alors, il scrute la foule, parmi la famille que le Seigneur lui avait demandé d'inviter. Quand il aperçoit un beau et grand jeune homme, Samuel est soulagé : Ouf, le candidat est là ! Mais, le Seigneur l'arrête par ces mots : "Ne considère pas son apparence ni sa haute taille, ce n'est pas lui que j'ai choisi (…) Les hommes voient ce qui leur saute aux yeux, mais le Seigneur voit le cœur." (v. 7)
Obéissant, le prophète laisse tomber ses critères de sélection et compte sur l'inspiration de Dieu pour lui désigner lequel des autres frères sera l'élu. Coup dur pour sa confiance en Dieu, aucun n'est désigné ! Tout penaud, Samuel est obligé d'insister auprès du noble père de famille pour savoir si vraiment tous les fils qu'il lui avait demandé de prendre avec lui à la fête sont bien là. Et le patriarche de répondre : "Il reste encore le plus jeune, il fait paître le troupeau." Samuel dit au père : "Envoie-le chercher." Nous ne nous mettrons pas à table avant son arrivée." Jessé le fit donc venir. Il avait le teint clair, une jolie figure et une mine agréable. Le Seigneur dit : "Lève-toi, donne-lui l'onction, c'est lui." Samuel prit la corne l'huile et il lui donna l'onction au milieu de ses frères et l'esprit du Seigneur fondit sur David à partir de ce jour." (v. 11 - 13).
Voici comment nous sont retracés les événements où David a été désigné comme futur roi ! Ce passage de la Bible est très riche, mais ce que je voulais relever ce matin, c'est ce premier mouvement de grâce dans la vie de David. Ce jeune, très jeune homme a été appelé pour être consacré roi. On a dû aller le chercher dans la montagne où il gardait les troupeaux du clan. Même quand un prophète invitait toute la famille, il allait de soi que l'invitation ne concernait pas le jeune David. On ne sait pas vraiment pourquoi il était ainsi exclu, mais on voit que ce petit jeune, le petit dernier ne comptait pas dans la vie de la famille.
Et pourtant, c'est lui que Dieu avait choisi pour devenir roi, malgré son manque d'expérience, et tous les risques que cela comportait ! C'est là le 1er pas de grâce dans la vie de David. Il a expérimenté ce que signifie le mot grâce : un don, un cadeau immérité, une faveur gratuite.

L'appel de David au palais révèle une telle faveur de la part de Dieu. Pour reprendre l'image du patinage, c'est comme si ce jeune talent avait reçu d'un généreux sponsor l'accès illimité à la glace, un entraîneur personnel et une équipe qualifiée pour l'aider à progresser. Par la grâce de ce sponsor, il avait accès à la patinoire et à l'art du patinage. Les portes s'ouvraient devant lui et il pouvait s'élancer. On comprend l'exclamation de David dans le Psaume 16, 5 : "Seigneur, tu es la chance de ma vie, la part qui me revient !" [David se savait invité, comme il l'exprime dans le Psaume 110, 1 : "Déclaration de mon Seigneur Dieu à mon Seigneur le roi : viens siéger à ma droite." Une invitation comme celle de Jésus qui choisit 12 disciples "pour les avoir avec lui". (Marc 3, 14)
Nous aussi pouvons être assurés de la grâce de Dieu, de sa faveur pour nous, sans condition. Notre appel n'est peut-être pas /n'est certainement pas d'être roi (quoi qu'il y ait toujours quelques places qui se libèrent !), mais l'accueil de Dieu est le même : "qui que tu sois, caché derrière tes moutons, tes problèmes, tes enfants. tes excuses, tes écrans, tes efforts… viens, je t'offre la patinoire où tu pourras évoluer, où tu pourras bouger, et créer des figures uniques et personnelles."
C'est cela, la grâce, c'est un accès offert, gratuit, et qui ne demande qu'à être utilisé. Le premier pas de la grâce, c'est d'entrer et de s'élancer. Alors, à ce point, devant l'exemple du 1er mouvement de grâce de David, comparé au patineur Stéphane Lambiel, moi j'ai un mouvement de recul, je me sens en retrait et je sors mes arguments de non-patineuse : "Non, ça ne peut pas être pour moi, je n'ai pas de talents; c'est une discipline difficile, et je m'y suis pris trop tard. Pour être réellement à l'aise, il faut avoir appris au berceau !" Entendu qu'avec de telles pensées, je n'entre pas sur la glace ! C'est fou, toutes les excuses qu'on peut avancer pour ne pas recevoir de cadeau, alors qu'au fond la liberté et l'élan gracieux des patineurs nous font rêver !
Et avec Dieu, c'est exactement la même chose, on aspire à nous approcher de lui, on n'ose pas imaginer ce que serait notre vie si tout ce qu'on nous dit de Dieu "était vrai". J'ai en tête 3 excuses qui nous privent de goûter à la grâce. La première (on vient de le voir), c'est de nous disqualifier nous-mêmes, de penser que "ce n'est pas pour nous".
Une autre raison qui nous paralyse devant la générosité de Dieu, c'est qu'elle n'est pas dans nos habitudes. La gratuité n'est pas dans notre mentalité.
Il y a, à mon avis, un troisième obstacle qui nous empêche de goûter à la grâce, c'est la peur, la peur de faire n'importe quoi, d'abuser de cette liberté que Dieu nous donne nous fige comme des statues, nous rend rigides. Ainsi paralysés, par nos excuses qui nous privent d'essayer ou par notre mentalité qui se méfie de la gratuité ou encore par nos peurs, nous devenons des croyants qui ne font pas envie. Certes, on peut être graciés, et en être reconnaissants, mais on peut rester statiques. Mais, justement, l'aspect de la grâce qui m'a interpellée dans l'exemple des patineurs, c'est qu'elle apparaît dans un enchaînement de mouvements. Ce qui fascine, nous attire, c'est un élan de vie, un certain risque, certes, mais démontrant la liberté.
Dans l'exemple de David, cet enchaînement de mouvements gracieux est frappant. Il a reçu une grâce, l'accès gratuit au palais, et il a prolongé ensuite cet élan en offrant l'accès généreux au palais.

2. C'est le deuxième mouvement de grâce de David que nous allons suivre au ralenti. À l'époque où il était normal pour un nouvel arrivé sur le trône d'exterminer toute trace de son prédécesseur et de toute sa famille, on imagine la débandade quand David accède à la royauté. Premier d'une nouvelle lignée, il allait effacer jusqu'au moindre rejeton de la famille de Saül, le roi disparu. C'est ce qu'avait déjà craint, quelques années auparavant, la nourrice d'un petit-fils de Saül, quand David avait été reconnu comme futur roi. Elle avait tellement paniqué en prenant la fuite pour sauver le nourrisson, qu'elle l'avait laissé tomber ! Il avait survécu, mais ne s'était jamais remis du fameux incident, et il avait grandi en boitant terriblement des 2 jambes. Il s'appelait Méfibosheth.
Or, voici ce que nous lisons de David à son égard dans 2 Samuel 9, "David dit : "Y a-t-il un survivant de la maison de Saül, pour que j'agisse envers lui avec fidélité, à cause de Jonathan ?" La maison de Saül avait un serviteur, Civa. On l'appela et il répondit : "Il y a encore un fils de Jonathan, estropié des deux jambes, Méfibosheth." Le roi David l'envoya chercher et lui déclara : "N'aie aucune crainte. Je veux agir envers toi avec fidélité, en considération de ton père Jonathan. je te restituerai toutes les terres de ton ancêtre Saül, et toi-même tu prendras tous tes repas à ma table."
Méfibosheth se prosterna et dit : "Qu'est-ce que ton serviteur pour que tu tournes tes regards vers un chien crevé comme moi ?" Méfibosheth disposa pour son service personnel de tous ceux qui habitaient à la maison de Civa. Du fait qu'il boitait des 2 pieds, il s'installa à Jérusalem pour pouvoir aller chaque jour manger à la table du roi."
Alors que par tradition, par droit, mais aussi par crainte légitime, David aurait pu éliminer Méfibosheth et l'éloigner définitivement du palais, il a fait exactement le contraire ! Il lui a ouvert les portes et l'a accueilli comme l'un des siens. À nouveau, nous pouvons dire : "Quelle grâce, quel don généreux et immérité ! Quel beau mouvement !" Ce geste laisse transparaître le trésor de grâce de David.

David n'était pas seulement gracié. Il était devenu gracieux ! Il transmettait la grâce dans laquelle il avait pu entrer. Cela se traduit de trois manières envers Méfibosheth :
· D'abord, David l'accepte comme il est. (Peu importe qu'il soit un descendant du roi déchu, une éventuelle menace pour le trône ou au contraire un pauvre boiteux).
· Ensuite, David exerce la grâce envers Méfibosheth en lui accordant la liberté. (Il le délivre de la peur, de l'exclusion et lui donne une vraie liberté de mouvement. Méfibosheth peut "enfin respirer !")
· Et finalement, David croit en lui. (Il croit que la relation va bien se passer, comme elle était forte avec Jonathan, le père de Méfibosheth). David a pris des risques, il a été généreux, et c'est ce qui a gagné !
L'accueil de Méfibosheth par le roi nous touche peut-être, mais imaginez à quel point il devait parler à la cour. Quand Joab, le chef des armées, Salomon, Absalon et les autres princes, ainsi que les monarques étrangers reçus à la table du roi étaient introduits avec cérémoniel et que résonnait au fond du couloir le bruit des 2 cannes de Méfibosheth le boiteux qui approchait ! Je pense que ce personnage dérangeant a valu quelques remarques acerbes à David, mais j'imagine aussi ce que sa présence a pu apaiser de craintes et parler plus fort que des discours officiels sur les bonnes intentions du roi envers ses invités.
· À la table du roi, on avait le droit d'être différent. On avait même le droit d'avoir des faiblesses sans devoir les cacher.
· À la table de David, on n'était pas jugé sur l'apparence.
· À cette table, la grâce était plus forte que les règlements de compte du passé et la méfiance.

Si ce matin, on a parlé de la grâce comme la beauté de certains gestes qui font envie, on comprend mieux pourquoi David a attiré tant de personnes, pourquoi il a ramené des foules à Dieu et à un culte vivant. David faisait envie, il n'avait pas seulement reçu la grâce, c'était un homme gracieux. Comme un patineur, il savait enchaîner des mouvements harmonieux, qu'on appelle la grâce. On l'a vu :
· Dans un 1er mouvement, David a reçu l'accès au palais royal, comme un cadeau de Dieu;
· et ensuite, dans un 2e mouvement, il a accordé par grâce l'accès à son palais à un homme qui selon les coutumes n'y avait pas droit.
C'est sur cette image que j'aimerais vous laisser : des mouvements gracieux, qui font envie, qui respirent confiance et la liberté et qui donnent envie d'essayer, finalement. Alors, puisque nous avons décidé de ne pas faire la grasse matinée, nous sommes prêts pour une matinée de grâce. Et vous verrez, nous serons les premiers surpris par les figures que nous allons faire, même sans être des David ou des Stéphane Lambiel. Que la grâce du Seigneur soit avec nous !

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Détails

Avec la participation de
Orgue
Rébecca Irvin, piano
Musique
Sarah Matthey, harpe; Groupe de louange, dir. Rébecca Irvin