Sur la route qui mène de Sion aux stations de skis du cône de Thyon, Thyon 2000 – la piste de l’ours – Veysonnaz, sur la route qui mène à ces stations, et qui serpente le long de la montagne, à la sortie d’un petit village nommé Salins, il y a un local à poubelles. C’est un cabanon de construction récente, son toit est fait d’une charpente en solide mélèze du Valais recouverte de quelques dalles d’ardoises et ses murs – il n’y en y que 3 – sont des murs en pierre de taille. Un pan reste complètement ouvert en direction de la route, il permet d’y faire circuler 2 containeurs à poubelles qui collectent les déchets des habitants du village.
Depuis quelques jours, ce containeur a changé d’aspect, ce petit cabanon est devenu un élément décoratif. Sur son toit d’ardoise, on a déposé une étoile de guirlandes lumineuses, les 2 containeurs ont été retirés et à leur place on a déposé des silhouettes découpées dans des planches de bois et peintes. L’une figure Marie, l’autre figure Joseph, je crois me souvenir qu’il y aussi les animaux de la crèche, et entre eux se trouve un petit berceau en bois brut avec un peu de paille, destiné à recevoir l’enfant Jésus. Il doit y être en ce moment.
Ainsi donc et ce n’est pas la première année, la petite cabane à poubelles devient crèche de Noël sur la route des vacances. Je ne suis pas choqué de cela, je trouve même que c’est plutôt conforme aux textes bibliques ! N’est-ce pas, parce qu’il n’y avait plus de place nulle part ailleurs que Joseph et Marie ont finalement dormi dans l’étable ? Et que c’est dans cet endroit bien modeste et bien éloigné que le Christ est né ? Non je ne suis pas choqué que l’on se serve de ce cabanon, ma foi assez joli, pour y déposer des poubelles toute l’année, puis pour en faire une crèche à cette période de l’année.
Je me demande, cependant… Samedi 23 c’était le jour du début des vacances, cette route a été parcourue par des centaines de voitures, des voitures de touristes suisses ou étrangers venus en nombre passer les vacances de Noël dans les stations valaisannes. Je les ai croisées ces voitures immatriculées dans d’autres cantons suisses, j’ai vu des plaques genevoises, bernoises, lucernoises. J’ai vu des plaques d’immatriculation françaises, des belges, des hollandaises, des allemandes. Je me suis simplement demandé combien d’automobilistes, en passant devant cet humble local à poubelles, se sont rendu compte que, pour l’occasion, il était devenu crèche de Noël ? Combien d’automobilistes sont passés et ont remarqué que les poubelles avaient été mises de coté ? Et quelle place avait été faite pour y accueillir Marie, Joseph et l’enfant Jésus ? Combien de personnes sont-elles passées devant sans le voir ?
Je suis même si curieux que s’il devait en avoir ce matin des auditeurs à l’écoute qui ont pris hier cette route, s’il pouvait prendre contact avec moi par l’intermédiaire de la radio pour me dire s’ils ont remarqué cette crèche.
Un signe nous est donné, « un signe vous est donné » disent les anges aux bergers dans les prés. Dieu vous a posé un signe de sa présence. Dieu vous a posé un signe de l’accomplissement de ses promesses, de l’avancé de son règne.
Et je me demande aussi : « Y a-t-il eu ce jour-là à Bethléem des bergers qui n’ont pas vu le signe ? » Pour eux ce n’était ni l’étoile dans le ciel, ni les cadeaux des mages, le signe c’était un enfant couché dans la crèche. Combien de gens cette nuit-là et les jours qui ont suivi, sont-ils passés devant l’étable sans le voir ? Combien de personnes affairées, occupées à remplir les 1000 formalités administratives rendues nécessaires par le recensement de César Auguste, combien de personnes simplement préoccupées par leurs tâches quotidiennes sont-elles passées devant la crèche et n’ont pas vu le signe ? Peut-être même y a-t-il des personnes qui sont passés devant la crèche de Bethléem qui ont vu le couple et le petit enfant et qui n’ont rien vu ? Ou plutôt qui n’ont vu qu’un couple et qu’un petit enfant, mais qui n’ont pas vu que Dieu leur faisait signe ?
Un signe vous est donné, certes, mais encore faut-il le voir ? Encore faut-il le reconnaître comme un signe venu de Dieu ! Parfois c’est difficile, parfois c’est bien difficile de discerner dans le fil des jours et dans le long fleuve du temps qui passe, les signes que Dieu nous adresse, parfois alors même que nous sommes en recherche de signes, il ne nous est pas donné de les voir et comme le disent les prophètes de l’AT : «Ils ont des yeux et ils ne voient pas, ils ont des oreilles et il s n’entendent pas. » Ils attendent un roi de justice, un roi qui n’éteindra pas le lumignon qui fume, un roi qui n’écrasera pas le roseau qui ploie et quand il est là, ils ne le voient pas.
Il faut bien reconnaître que souvent c’est difficile de le voir et de le reconnaître. C’est difficile parce que la routine, la routine de nos jours est telle que nos yeux ne voient que ce qu’ils ont l’habitude de voir et ne voient pas les nouveautés, parce que la routine de nos jours fait que nous courrons moi le premier, d’endroit en endroit, et que nous ne voyons pas, car nos yeux sont tellement habitués à l’univers autour de nous que nous ne le voyons plus. La routine est sans doute le premier des handicaps qui nous empêchent de découvrir Dieu là où il nous fait signe de le rencontrer.
Mais je crois que nous pouvons encore aller plus loin dans cette réflexion. Il est difficile de reconnaître Dieu parce que nous avons souvent tendance à vouloir que notre vie soit organisée, contrôlée et sans surprises. Qu’elle soit lisse et nette afin que nous puissions la maîtriser de bout en bout. Seulement voilà Dieu ne nous propose pas de maîtriser notre vie, mais de lâcher prise afin de la lui remettre à lui, afin qu’il en devienne le maître pour notre salut. Car maîtriser notre vie est un leurre, un miroir aux alouettes qui nous piège toujours. La vie, justement parce qu’elle est vie, se révèle toujours non maîtrisable. Il y aura toujours des imprévus qui viendront bouleverser le bel ordonnancement dont nous rêvons. Si nous ne le savons pas, Dieu lui le sait et c’est bien pourquoi il nous dit : « Faîtes moi confiance et ensemble nous avancerons dans les turbulences et dans les calmes. »
Oui, notre vie nous la voulons organisée et si Dieu doit y avoir une place, c’est la place que nous lui assignons ! Bref, la place où nous sommes les maîtres. Depuis le commencement du monde, la voix du serpent nous susurre à l’oreille : «Vous serez comme des dieux. » Et depuis le commencement du monde, nous prêtons attention à cette voix qui capte toute notre attention au point que nous n’entendons plus souvent l’autre voix, celle qui proclame : « Cette nuit, un signe vous est donné ! »
Il est difficile d’entendre cette voix à cause de la routine, à cause de notre volonté de toute puissance. Mais il y a une autre raison encore à ce que nous soyons empêchés de reconnaître les signes que Dieu nous adresse.
En effet, c’est difficile parce que nous avons du mal à croire, à accepter que notre Dieu, un dieu qui se propose à nous dans notre quotidien, plus encore qui vient pour y habiter. Nous avons souvent le sentiment que Dieu est au-dessus est au-delà et c’est vrai il l’est. Pourtant la Bonne Nouvelle de Noël nous invite à convertir nos regards, à nous tourner vers notre quotidien, à nous convertir vers ce que nous tenons habituellement et naturellement pour indigne de Dieu pour le découvrir justement là, proche, si proche que nous passons parfois à côté sans le reconnaître.
C’est pourquoi ce matin de Noël, nous célébrons la Cène, le repas du Seigneur. Au-delà des mots, il nous est donné de vivre dans le partage du pain et de la coupe, la présence de Dieu lui-même.
Un signe vous est donné.
Amen !