Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés

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C’est sur cette phrase de Jésus, citée par l’évangéliste Jean que je voudrais m’arrêter un moment ce matin : « Je vous donne un commandement nouveau : aimez-vous les uns les autres. Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres. » La nouveauté de ce commandement n’est pourtant pas dans son contenu. Les scribes enseignaient déjà selon le Lévitique (Lév 19, 18) « d’aimer son prochain comme soi-même ». On lit dans le « Testament de Gad » : « Aimez chacun votre frère et ôtez la haine de vos cœurs. Aimez-vous les uns les autres en action, en parole et en sentiment. »
C’est pourtant ainsi que l’on a souvent résumé hâtivement la tradition chrétienne, j’imagine aussi bien aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, dans les pays anglophones que dans les pays francophones. Dans le fait de s’aimer les uns les autres. Mais est-ce bien de cela que Jésus veut parler quand il enseigne ses proches et qu’il les invite « à s’aimer » ? Je ne crois pas.
Pour ma part, je ne pense pas que le message de l’Evangile puisse se résumer ainsi à cette formule « passe-partout ». Bien plus, je pense profondément qu’il nous faut être attentif à l’ensemble de cette phrase placée dans la bouche même du Christ selon l’évangéliste Jean (13, 34).
Pour bien en percevoir le sens, il nous faut la recevoir, cette phrase, comme le rédacteur de l’évangile l’a transcrit : « Aimez-vous les uns les autres, dit Jésus, comme je vous ai aimés. » « Comme je vous ai aimés ». Sans cette expression, la formule n’est au mieux qu’un propos moralisant.
« Aimez-vous les uns les autres » revient à dire : oui, il faut nous accepter, nous supporter, nous respecter. Il ne faut pas dire du mal les uns des autres. Nous sommes là dans une vision édulcorée du christianisme tel qu’il est trop souvent perçu par beaucoup aujourd’hui. Au mieux, c’est une démarche purement humaine. Une sorte de règle de vie a minima, prônant les valeurs de base de la vie sociale.

Or, et c’est ce sur quoi je voudrais insister, le message de Jésus dépasse largement ce « minimum d’acceptance ». Il n’est pas seulement venu pour nous encourager à « nous aimer réciproquement » pour nous inviter à construire et à vivre des relations interpersonnelles meilleures, basées sur le droit de chaque personne humaine, particulièrement de celles et de ceux qui restent aujourd’hui encore si souvent aux marges de notre société.
Le message de Jésus n’est pas d’abord moral. Quand Jésus nous dit : « aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés », il nous invite purement et simplement (si je puis dire) à nous aimer comme lui-même nous a aimés. Comme lui-même aujourd’hui encore nous aime. Comme Dieu lui-même nous aime.
Nous sommes ainsi invités à nous aimer, pour réaliser ce qu’aucun homme, ce qu’aucune femme, ne peut réaliser de lui-même, ne peut réaliser d’elle-même. Comme Dieu nous a aimés sans limite, et ce depuis l’origine du monde. Comme Dieu qui continue aujourd’hui à aimer cette humanité, malgré les manquements et les lâchetés des humains que nous sommes les uns et les autres.
Voilà le défi auquel nous sommes confrontés ! Nous aimer, en nous efforçant de poser sur les autres le regard que le Christ lui-même aurait posé sur chacun de nous – sur chaque personne. Regard qui dit à chacun-e : « Tu es important pour moi quel que soit ce que tu as vécu. Quel que soit ce que les autres pensent ou peuvent dire de toi ».

Face aujourd’hui à l’apologie des particularismes, il n’est pas innocent de recevoir ce texte de l’Evangile ensemble, lorsque nos trois communautés d’Eglise, anglicane, épiscopalienne et catholique-chrétienne sont réunies ce matin pour le célébration de l’Eucharistie, comme nous le faisons depuis des années. Il n’est pas innocent d’entendre cette interpellation de Jésus qui nous invite à nous aimer les uns les autres comme il nous a aimés.
Car au-delà de ce qui lie et attache nos Églises à l’histoire et aux cultures de nos pays en Angleterre, aux Etats-Unis, en Suisse et en Europe,
– la Réforme, pour vous Anglicans et Episcopaliens
– la Réforme vieille-catholique (ou catholique-chrétienne)
il s’est bien agi pour nos trois traditions de refuser le conflit avec la modernité, car nous avons ressenti l’importance de suivre l’injonction du Christ qui nous invite à nous aimer les uns les autres, comme il nous a aimés, dans le respect des différences.
A une époque où il est habituel d’entendre dire que les religions sont à l’origine des guerres, nous préférons témoigner ensemble de ce qui nous unit pour témoigner de ce Dieu face à un monde largement indifférent. C’est le Christ que nous essayons ensemble de suivre. C’est lui qui nous rassemble ce matin avec toutes celles et ceux qui nous écoutent. Nos institutions d’Eglises ne sont rien d’autre que des moyens pour nous permettre de vivre quotidiennement sa Parole et sa Présence, l’essentiel qui est justement non seulement « de nous aimer les uns les autres », mais de nous efforcer de le faire « comme il nous a aimés ».

En regardant ce monde en proie à tant de drames, force est de constater qu’il nous reste encore beaucoup de chemin à accomplir. Raison de plus de suivre le conseil de la lettre de Jacques que nous avons entendu comme 2ème lecture: « Vous êtes savants, mes frères et sœurs bien aimés, pourtant que nul ne néglige d’être prompt à écouter, lent à parler, lent à se mettre en colère, car la colère de l’homme ne réalise pas la justice de Dieu. »
Et c’est sur les paroles du prophète Esaïe entendues dans la 1ère lecture que je voudrais conclure : « Chantez pour le Seigneur un chant nouveau. Chantez sa louange depuis l’extrémité de la terre, gens de haute mer et tout ce qui l’emplit, les îles et leurs habitants. » Aimez-vous les uns les autres, comme il nous a aimés.

Amen !

Détails

Avec la participation de
Orgue
Jean-Christophe Aubert
Musique
Le choeur de "Holy Trinity"