Célébration oecuménique avec les paroisses réformée, luthérienne, Suisse- Allemande, catholique chrétienne

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Écouter le culte :

Chers frères et sœurs en Christ,

Les textes que nous avons entendus ce matin ont été choisis par le Conseil œcuménique des Eglises de Pologne, qui a préparé les documents pour la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens de cette année.
Les Eglises de Pologne nous expliquent dans la brochure de présentation que leur choix s’est porté sur ce thème – car la Pologne va organiser ces prochains mois la coupe d’Europe de football. Une fête européenne avec des millions de supporters qui auront les yeux tournés vers ce pays. Quelle gloire pour la Pologne -– quand on se souvient quelle nuit semblait engloutir définitivement ce pays il y a encore 40 ou 50 ans ! Quelle réussite apparente ! Quel changement ! Quelle transformation ! Reste que cette gloire « footballistique » (comme disent les commentateurs sportifs) ne saurait être comparée à celle qui nous est promise par le Seigneur.
Car ces textes bibliques nous rappellent à quelle gloire nous sommes nous-mêmes destinés, notamment sur le plan œcuménique ? En effet d’où venons-nous avec nos divisions entre nos Eglises ? Les ruptures du passé nous ont certes séparés les uns des autres, probablement autant pour des raisons théologiques que philosophiques, politiques que spirituelles ou tout simplement aussi des raisons bassement humaines qui ont tenu à des enjeux de pouvoir dans l’Eglise.
Avec le temps, ces divisions se sont établies comme des confessions, qui semblent aujourd’hui apparemment insurmontables. Ces structures confessionnelles font aujourd’hui partie de notre identité chrétienne, de notre patrimoine spirituel – et elles semblent indépassables.

Cela me rappelle une célébration que nous présidions conjointement avec une collègue pasteure il y a quelques années. En saluant l’assemblée au début de ce culte, je soulignais que cette célébration s’inscrivait dans un processus qui devrait permettre – un jour – de pouvoir nous retrouver ensemble dans la même Eglise. Ce qui amena la grande surprise de ma collègue qui me dit alors : « Je n’avais jamais imaginé les choses comme cela !» Pourtant n’est-ce pas comme cela qu’il conviendrait de voir aujourd’hui le mouvement œcuménique ?
Si nous sommes réunis ce matin dans cette cathédrale, haut lieu de la Réforme, c’est bien parce que nous sommes en chemin les uns vers les autres. C’est aussi parce que nous sommes en attente d’une réconciliation entre nos Eglises : catholique romaine, catholique chrétienne, protestante réformée et protestante luthérienne.
Pourquoi donc cette réconciliation entre nos Eglises serait-elle impossible à rêver, à imaginer ou à réaliser – alors que sur d’autres plans, par exemple en politique, dans des pays en conflit, comme en Palestine, des hommes et des femmes aspirent à la paix et s’engagent résolument pour que leurs rêves se réalisent. Pourquoi donc ne pourrions-nous pas, nous aussi, rêver d’unité entre les chrétiens séparés et divisés ? Il y a 50 ans, qui aurait pu imaginer l’élan de liberté qui traverse aujourd’hui l’Europe centrale ? Ce que nous rappellent ces textes bibliques, choisis par nos frères et sœurs de Pologne.
Le texte du prophète Habacuc que nous avons entendu nous invite à rêver à de bonnes récoltes, même au temps de la désolation, même quand « les vignes ne rapportent plus rien, même quand les champs ne donnent plus rien à manger, même quand le petit bétail disparaît des bergeries et qu’il n’y a plus de gros bétail dans les étables ». Or nous sommes bien loin de ce cas de figure. Nos Eglises ne vivent pas une telle pénurie. Et même si elles ne sont pas pléthoriques, elles continuent à œuvrer dans une situation qui ne saurait être comparée à la désolation décrite par le prophète Habacuc.
Pourtant nous doutons. Nous doutons parce que nous avons tendance à constater – humainement – les résultats de l’œcuménisme. Certains parlent d’essoufflement. Comme vous, il m’arrive aussi de me décourager devant ces avancées qui semblent condamnées à reculer, à tâtonner, à ne plus savoir où l’on veut aller. Comme vous, je me demande si cette gloire œcuménique à laquelle nos pères ont aspiré depuis des décennies, si cette gloire ne s’est pas perdue dans mille complexités plus diplomatiques que spirituelles.
C’est peut-être une des clefs de compréhension de ce processus que les textes bibliques de ce jour nous permettent de mieux comprendre. Car ce n’est pas seulement dans nos propres institutions ecclésiales, dans ces structures qui nous divisent que nous devons puiser nos forces, mais bien dans notre foi commune en Christ ressuscité.
Plus encore, il ne s’agit pas seulement de nous remonter le moral ou de nous réconforter, une fois par an, lors de cette semaine de prière pour l’unité des chrétiens, parce que nous serions découragés ou démobilisés. Il s’agit de nous laisser transformer par la Parole vivante de Dieu, qui est notre bien commun.

Se laisser transformer, n’est-ce pas à la fois notre vocation personnelle et celle de chacune de nos Eglises ? De toutes nos Eglises, de celles de tous les disciples de Jésus-Christ. Car être chrétien, c’est se laisser imprégner par ce message de l’apôtre Paul aux chrétiens de Corinthe qui nous enseigne cette « chose mystérieuse », comme le dit le texte : « Nous ne mourrons pas tous mais nous serons tous transformés. » Certes l’apôtre parle ici de la résurrection, mais au-delà de la résurrection, il s’agit en fait de percevoir la relativité de toutes choses, y compris probablement celle de nos propres institutions ecclésiales, face à cette vie donnée par le Seigneur, cette vie qui ne finit pas, la vie éternelle.
On pourrait dire que c’est le « cœur » de notre démarche de croyant ou de croyante. Ce sur quoi se fonde notre foi, mais aussi ce qui nous permet de faire l’expérience que cette foi en Christ nous rapproche plus qu’elle ne nous divise. Comme vous, je suis en attente de pouvoir partager tangiblement cette foi, par exemple dans la « fraction du pain », ce geste dans lequel nous reconnaissons justement la présence du Ressuscité. Certains parlent de communion, d’eucharistie, de sainte cène.
Pour un disciple de Jésus, ce signe du pain partagé, est le signe d’unité le plus haut que nous puissions poser ensemble. C’est pourquoi certaines Eglises nous rappellent aussi que cette communion avec le Christ devrait aussi avoir pour conséquence que nos Eglises soient ensuite visiblement unies. Il ne s’agit pas en effet de seulement partager « du pain », mais aussi de rapprocher nos cœurs pour faire que les divisions du passé tombent et que l’unité de l’Eglise soit reconstruite.
Mais celle-ci ne procède pas seulement de nous-mêmes, mais surtout d’une profonde transformation spirituelle de chacune et de chacun de nous, sur le plan personnel comme sur le plan communautaire.

Pour illustrer cela, j’ai apporté ce matin un peu de blé. Des grains de blé que nous vous offrirons tout à l’heure à la sortie de ce culte. Un petit sachet avec quelques extraits des textes bibliques de ce jour – 5 grains de blé qui représentent nos 5 paroisses réunies ensemble aujourd’hui. (Je prie les auditeurs de la Radio Suisse romande de m’excuser de ne pouvoir leur offrir plus concrètement ces quelques grains de blé…)
Pourquoi ces grains de blé ? Parce que nos démarches œcuméniques ne pourront porter du fruit, comme le dit Jésus dans l’évangile de Jean, que si « le grain de blé ne meurt ». Ces grains de blé, c’est en quelque sorte l’image de nos vies qu’il faut laisser transformer par le Seigneur. C’est l’image de nos cœurs et de nos intelligences, mais c’est aussi celles de nos institutions d’Eglise. C’est aussi celles de nos colères, des contentieux et des obstacles qui existent encore sur le chemin de l’unité entre les chrétiens. Et c’est tout cela qu’il s’agit de laisser purifier en nous, inlassablement, par « le Seigneur qui transforme tout ».

Un peu comme si nos différents lieux d’Eglises, avaient vocation à être autant de « moulins » et de « meules » qui viendraient moudre ces grains pour les rendre plus conforme à l’Evangile. Car c’est à une transformation spirituelle que nous sommes conviés par le Seigneur, si nous voulons avancer sur le chemin de l’unité, afin de pouvoir célébrer, un jour, je ne sais quand, tous ensemble, une eucharistie, une sainte cène, une communion qui rassemblerait toutes nos Eglises, sans laisser aucune d’entre elles au bord du chemin. Alors sera manifestée à tous, au monde entier, que l’unité entre les chrétiens est enfin retrouvée. Enfin vécue.
C’est ce qu’exprime un texte du 2ème siècle, la Didaché, qui comprend une des plus anciennes prières eucharistiques que nous possédions. Un texte qui, curieusement, ne se réfère pas à la dernière cène de Jésus, mais prend l’image des grains de blés. C’est sur cette citation que j’aimerais conclure :

Comme ces grains de blé autrefois disséminés sur les montagnes ont été recueillis pour ne plus faire qu'un même pain, rassemble ton Eglise, Seigneur, des extrémités de la terre dans ton royaume…

Puisse cette prière être entendue par le Seigneur afin qu’il nous encourage et nous stimule à poursuivre avec persévérance le chemin de l’unité qui nous mène les uns vers les autres.
Mais puissions-nous aussi, nous laisser transformer spirituellement et humainement, comme des grains de blé qui ont vocation à ne faire qu’un même pain – pour nourrir ce monde, cette « terre habitée », dans laquelle nous sommes envoyés comme des porteurs et des porteuses de Bonne Nouvelle.

Amen !

Détails

Avec la participation de
Jean-Claude Mockry
Emmanuel Rolland
Orgue
François Delor
Musique
Natacha Ducret, soprano