Pourquoi Dieu a-t-il besoin de nous?

Cathédrale Saint-Pierre à Genève (©DR)

Écouter le culte :

Première partie : Bruno Gérard

Pour faire un cheese-cake, j'ai besoin de :

Papier sulfurisé
 
Fond :
250g de Speculoos émiettés
80g de beurre ramolli
 
Garniture :
3 œufs
160g de sucre
600g de fromage frais nature suisse
4 cs de farine
1 cs d'extrait de vanille

Je vous donne la recette hors-antenne si vous le désirez ! Pour faire un gâteau, j'ai effectivement besoin de tous ces ingrédients, sinon le résultat risque d'être problématique à déguster…

Il existe différents types de besoins. Une première catégorie pourrait rassembler les besoins immédiats et incontournables : 
- J'ai besoin de trois œufs pour mon gâteau.
- J'ai besoin de boire de l'eau pour vivre.

Un deuxième type pourrait être tous ces besoins que nous nous sommes créés, devenus cependant nécessaires – comme nos iPhones et smartphones. Si si, je vous assure, j'ai vécu un temps où cette technologie n'existait pas, nous pouvions vivre tout de même !

Les besoins de type affectifs, cependant pas vitaux – j'ai besoin d'un câlin avant de dormir – pas vital, pourtant, pour le petit enfant, le câlin est nécessaire avant de trouver le sommeil.

Dans ce classement à l'emporte-pièce, une dernière catégorie pourrait rassembler les besoins de surplus. Il n'y a là aucune nécessité immédiate. Un peu comme le burger supplément oignons, cheddar et triple cheese.

Alors lorsque Jésus demande à propos de l'âne, « J'en ai besoin ! », dans quelle catégorie de besoin classer cette réclamation de Jésus ? Comme certain·es d'entre vous l'ont fait remarquer lors de la lecture de ce texte, Jésus pouvait aussi entrer à pied à Jérusalem. Pourquoi ce besoin d'âne ? Ce besoin est-il à classer dans la catégorie des besoins superficiels ?

De plus, pour le fils de Dieu, descendant du roi David, rentrer sur un âne, c'est un peu limite, non ? Il vaudrait mieux prendre un fier destrier, cheval de race élégant et profilé pour manifester sa puissance.

Notre Seigneur a besoin d'un âne, donc ! Il casse ainsi les codes établis. D'habitude, les rois vont sur un cheval triomphant. Un peu comme le Général Dufour sur sa statue Place de Neuve à Genève, définitivement coincé sur son piédestal. Dans la version contemporaine, les puissants de ce monde arrivent escortés d'une cohorte de voitures, de motos, d'hélicoptères – la puissance se comptant en nombre de gyrophares.

Les rois, les généraux sur les chevaux, les présidents dans leur berline blindée pensent asseoir leur pouvoir. Cependant, ils sont si éloignés des autres, du peuple qu'ils sont censés servir.

Le fils de l'homme monte à Jérusalem sur un âne, sans escorte armée, dans la plus grande humilité. Il est là, à portée de rameaux, accessible, le Roi du monde.

Jésus casse les codes établis : il est d'usage que ce soient les fidèles qui aient besoin de la divinité. En réalité, il n'a besoin de rien, le Fils du Très-Haut ! Pourtant, paradoxalement, il a besoin de chacune et chacun de nous. C'est un besoin de la catégorie vitale !

Il a besoin de nous pour aller chercher un âne qui le portera.
Il a besoin de nous pour témoigner de sa Parole.
Il a besoin de nous pour dire que tout ce qui nous abaisse n'aura pas le dernier mot dans nos vies.
Il a besoin de nous pour lutter contre l'injustice.

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Deuxième partie : Sandrine Landeau

« S’ils se taisent, les pierres crieront », répond Jésus à ceux qui lui demandent de faire taire la foule des disciples. C’est dire que ce que la foule crie est essentiel ! Elle disait : « Que Dieu bénisse le roi qui vient au nom de l’Éternel ! ».

A première vue, ça a l’air stupide : le type qui arrive là, couvert de la poussière des chemins qu’il arpente depuis des lustres, monté sur un ânon à peine assez grand pour le porter, entouré d’une troupe de va-nu-pieds tout aussi gris de poussière que lui, n’a pas du tout l’air d’un roi. Du point de vue des soldats romains chargés d’assurer la sécurité dans Jérusalem pour la fête de la Pâque, ça ressemble à une farce. Vraiment pas de quoi s’affoler. Et d’ailleurs les soldats ne bougent pas d’un millimètre.

Les pharisiens, eux, s’affolent. Car ils savent, contrairement aux soldats, que la foule voit Jésus à la lumière d’une Parole qui a précédé ce moment et que cette Parole peut faire des choses étonnantes, des choses qui changent le monde. Cette Parole-là est celle qui retentit dans tous les commencements du monde : elle nomme ce qui ne se voit pas encore, et en le nommant elle le fait advenir. Cette Parole-là a promis au peuple hébreu un roi qui viendrait, monté sur un ânon. À la lumière de cette Parole, la foule voit Jésus pour ce qu’il est : le roi tant attendu.

Ce jour-là, la foule voit donc la véritable nature de l’homme qui vient vers elle, au-delà du visible. Elle voit et elle pose des mots qui se font Parole pour dire cet invisible, pour le rendre visible. Pour un bref instant, la foule regarde Jésus comme Jésus regarde les personnes qu’il rencontre. Pour un bref instant, elle pose une Parole de vie sur Jésus comme Jésus pose des Paroles de vie sur les personnes qu’il rencontre. Pour un bref instant, la foule est l’humanité qu’espère Dieu : capable de regarder pour voir vraiment et de dire une Parole qui fait advenir à la vie. Au moment où la foule proclame qui est Jésus, elle fait advenir sa royauté.

Humanité à l’image de Dieu, la foule accomplit sa vocation de voir les choses et les êtres tels qu’ils sont vraiment – c’est-à-dire encore riches de possibles – et de dire les paroles qui feront advenir ces possibles à l’être. Voir le monde et ses habitant·es tel·les qu’ils et elles sont, et dire une parole qui ne les enferme pas dans leur état, mais dit aussi les devenirs possibles. C’est notre vocation, mais ce n’est certes pas facile !

Nos descriptions sont partiales autant que partielles… et les tentatives brutales de contraindre le langage pour imposer une lecture du monde qui se manifestent avec force de l’autre côté de l’Atlantique le montrent de manière effrayante. Mais même sans cette volonté de tordre le langage, on voit bien qu’une langue véhicule une représentation du monde, une attention à telle partie de la réalité qu’une autre langue, née dans un autre environnement, ignore pratiquement.

Comment dire le monde, ses beautés et ses horreurs, dans une Parole porteuse de vie ? Comment dire l’injustice, le mal, la souffrance, le malheur, sans tomber dans le puits sans fond du désespoir, sans les minimiser ? Comment les assumer complètement et garder l’espérance ouverte ? C’est notre vocation d’êtres humains : dire le monde pour l’appeler à être ce qu’il est déjà en germe ; cette création dont Dieu dit qu’elle est bonne. Assumer toutes les horreurs et les difficultés de notre monde, passées, présentes, et celles que nous redoutons pour l’avenir, et crier pourtant que de ce chaos « la lumière est et sera », la vie est et sera, l’être humain est et sera véritablement à l’image et à la ressemblance de Dieu.

Comment dire qui est réellement une personne, avec ses ombres et des lumières, ses gouffres, ses violences, ses tendresses et ses élans créatifs ? Comment la dire d’une manière qui la laisse libre de devenir ce qu’elle est ? C’est notre vocation d’êtres humains : nous dire les un·es aux autres que nous sommes enfants bien-aimé·es de Dieu et que rien ne pourra jamais nous ôter cela. Et en nous le disant, nous autoriser à le vivre. Ça paraît simple ? Ça ne l’est pas : on n’a jamais fini de devenir enfant de ce Père-là. Ça paraît insignifiant ? Ça ne l’est pas : se découvrir enfant de ce Père-là fonde une dignité, donne une place, engage sur un chemin de vie.

Voir, dire et agir avec lucidité, amour, confiance et espérance : c’est ce que fait Jésus tout au long des évangiles. C’est ce que ne font pas les soldats romains, qui ne comprennent pas ce qui se passe. C’est ce que ne font pas les pharisiens qui comprennent ce qui se passe mais ne veulent pas que cela advienne car cela va contre leurs représentations et, peut-être, leurs intérêts. C’est ce que ne fera pas, quelques jours plus tard, une autre foule – ou la même – qui criera à Pilate demandant ce qu’il doit faire de Jésus : « Crucifie-le ! Crucifie-le ! ».

Mais c’est ce que fait la foule ce jour-là à Jérusalem. C’est ce que nous sommes appelé·es à faire pour vivre en fils et filles de ce Dieu qui a choisi de nous appeler ses enfants bien-aimé·es. Dieu a besoin de nous pour que la lumière et la vie surgissent du chaos du monde, par la parole, non par la force. Dieu a besoin de nous pour améliorer le monde, a écrit un jeune lors d’une séance ; il a besoin de nous pour que la paix advienne, a écrit un autre. Dieu a besoin de nous pour dire qui il est, ce qu’est le monde et ses habitants, ce que sont les êtres humains.

Et si nous ne le disons pas, si nous nous taisons… les pierres le crieront ! Il y a là une promesse : même si nous baissons les bras, même si l’on nous fait taire, même si notre parole est pervertie, dévoyée, pour ne plus avoir de parole que le nom, la Parole de vie continuera de retentir. D’autres nous la rappelleront, d’autres la proclameront dans le monde. Et si les humains ne le disent plus, les pierres le crieront ! Que cela nous encourage à dire le monde et les autres, à les voir à la lumière de la Parole.

Amen.

Dans le texte des Rameaux lu dans l'Evangile de Luc, au moment de détacher le petit âne pour l'amener avec eux, les deux disciples envoyés par Jésus doivent répondre à toute question au sujet de l'âne: «Le Seigneur en a besoin». 

Avec les différents groupes d'enfants et de jeunes, nous nous poserons la question: Pourquoi Dieu a-t-il besoin de nous? 

Dans une prédication à deux voix, les pasteur.es de la paroisse retranscriront les réponses des jeunes en les confrontant avec le texte biblique du jour.

Détails

Célébration
Avec la participation de
Avec la participation des jeunes des groupes de catéchisme de la Région Centre-ville Rive gauche
Orgue
Vincent Thévenaz
Musique
Nicolas Curti à la percussion et Nihan Atalay à la flûte traversière