La grâce divine, parlons-en!

Cathédrale Saint-Pierre à Genève (©DR)

Écouter le culte :

« Jamais deux sans trois » : nous connaissons le proverbe. Par contrepèterie : « Jamais Dieu sans toi. » Peut-être que ce morceau de l'Évangile d'aujourd'hui illustre cette paraphrase ? 

Le contexte, rapidement. Dès l'aurore : pour nous, c'est le jour qui commence. Pas à l'époque. C'est au milieu du jour, puisqu'il commence le soir d'avant. Mais enfin voilà, dès l'aurore. C'est beau, c'est Pâques, c'est le début, c'est le commencement. On ne sort pas trop dès l'aurore, pourtant…

Eh bien, Jésus quitte là où il a dormi dehors. Étrange. On ne dort pas dehors. Lui, le fait pour entrer à la ville. Étrange. On sort de la ville pour aller bosser aux champs, faire son marché, faire son marchandage. Bref, il va au Temple. Y arrive-t-il ? On n'est pas sûr, parce que, semble-t-il, en cours de route, les gens, le peuple, comme dit le texte, l'entourant d'une façon ou d'une autre, fait que Jésus s'arrête et s'asseye. Et il se met alors à les enseigner. Que dit-il ? À qui parle-t-il ? Au peuple, aux gens, on ne sait pas. Mais enfin, en tout cas, ils sont là pour écouter dès l'aurore. Ils voulaient vraiment en entendre.

Eux aussi suivent ce Jésus et peut être qu'ils se sont arrêtés entre le Temple et le monde. Le Temple, lieu de la Présence avec un P majuscule, la Shekinah. Cette Présence, nuée, nébuleuse de ce Dieu qui a accompagné ce peuple. Shekinah. Ce n'est pas Shakira colombienne, non. C'est la Shekinah : la Présence peu claire, mais ressentie. Et la voilà posée dans ce magnifique Temple gigantesque où l'on ne peut accéder que par étapes. Et de toute façon, il y a un rideau qui bloque la fin, donc c'est un lieu sacré. 

Jésus s'y est posé devant, peut-être avant d'y entrer. Entre le monde et Dieu, tout allait bien. Et il « didascalie », il enseigne, et puis voilà que ce jour va devenir très spécial puisque 2000 ans après, on en parle encore. 

Voilà qu'on lui amène cette femme. Son nom ? On ne sait pas. Elle n'a pas l'air d'être très en forme.

Voilà que ce groupe, ce bloc de pharisiens-scribes (on en est familier dans l'évangile de Jean), ils cherchent très tôt déjà à lapider Jésus. Voilà qu'ils le mettent en porte-à-faux, pour ainsi dire, qu'ils viennent le déranger. Pas le culte, mais l'enseignement. Ce n’est pas très poli ! Enfin, ils l'ont fait. Ils le mettent à l'épreuve. 

Attendez… scribes et pharisiens, les experts de la loi, ceux qui nous aident ; ce qui les aidait à la mettre en pratique, cette loi de Dieu, cette Parole de Dieu, ils sont en train de dire : « Oui, alors on sait ce que la loi dit, mais toi, qu'en dis-tu ? » Ils dérivent dès le début de la rencontre. Même pas pour se dire : « Est-ce qu'on fait le bien avec notre loi sacrée ? » Non, pour piéger Jésus. 

Jamais deux sans trois. Il y a ce bloc pharisiens-scribes, il y a cette femme et il y a Jésus. Voyez ? Trois. Chacun a une façon de répondre à la question piège : « Que dis-tu ? ». Et Jésus fait silence. 

A noter qu'il est à la même hauteur que cette femme. Il est assis… la pauvre. Elle a été certainement un peu jetée et un peu violentée même comme ça. Donc ils sont au même niveau. Le regarde-t-elle ? Ose-t-elle lever la tête, elle qui se dit : « Oups, j'ai plus que quelques minutes à vivre. » 

Je sens que dans ces cas-là (je ne l'ai jamais vécu moi-même), je me dis : « Laisse-toi aller… ». Je ne dis pas qu'elle dit « inch’allah », mais elle laisse aller. Elle ne dit plus rien parce qu'elle se sent enfermée. Elle est au milieu – oh oui, elle est au milieu – mais bien enfermée par ces deux : Jésus d'un côté et ce bloc scribes-pharisiens de l'autre. 

Jésus, lui, ne dit rien non plus, mais n'est pas dans la même humeur, n'est pas dans le même esprit. Évidemment, il sait, il sent, il a compris qu'ils sont là pour le piéger et éventuellement le lapider. Ils ont perverti la loi pour arriver à leur fin : se débarrasser de Jésus. 

La religion peut être mortifère lorsqu'elle perd le but pour lequel elle a été faite ! Religion : relier, refaire du lien, encore et toujours et non pas compartimenter, baliser, casser, tuer parce que Dieu l'aurait dit. C'est toi qui l'as dit. Le Dieu révélé par le Christ ne peut pas vouloir la mort. Il l'a vécue, il l'a traversée la mort au nom de la loi. Le Christ est un peu comme cette femme. Il sera un jour arrêté, jeté, malmené, crucifié au nom de la loi. Il mourra, elle non. Nous, on connaît la fin. 

Jamais deux sans trois. La foi, la charité, l'espérance – vous connaissez ces vertus ? Vertu, c'est un mot marrant. On ne sait plus très bien ce que ça veut dire, mais la vertu, c’est la force. La foi des pharisiens et des scribes est pervertie parce qu'ils n'ont pas la charité. Le Christ est charité et il connaît la loi. 

Et je me prête à penser, à rêver, même pour cette femme, là, au milieu – il est répété deux fois, « au milieu » – au milieu du monde, au milieu de ce débat entre hommes, au milieu de cette vie, de cette journée. Elle est l'espérance incarnée. Oh, elle n'en mène pas large, mais on sait qu'elle se relèvera. Qu'est-ce qui l’a fait se relever ? C'est le regard du Christ. Ces deux-trois mots de Jésus, ce n'est pas la loi, ce n'est pas la religion, ce ne sont pas ces hommes. Entre parenthèses… Prise en flagrant d'adultère, je voudrais théoriquement penser qu'il faut être deux. Il est où l'autre ? Fermons la parenthèse. 

Dans ce jeu à trois, il y en a qui ont oublié Dieu et qui, en son nom, pensent pouvoir gérer les autres. Jésus ne dit pas qu'elle est tout impeccable, mais parce que ce n'est pas son propos. 

Quoi que tu dises, quoi que tu fasses, est ce que cela te porte à la vie ? Est-ce que cela te porte à la relation ? Si oui, vas-y. Et tant pis si le voisin te trouve un peu bizarre. Inspiré par la foi en lien avec la loi, mets ton espérance à l'épreuve. Oui, écoute ! Écoute ces femmes et ces hommes qui, comme cette femme, sont jetés en pâture à cause de la religion. Ils sont dans nos vies : celles et ceux que nous laissons derrière la porte, que nous n'avions plus, que nous ne pouvons inclure dans nos vies et nos prières. 

Pour nos raisons et peut être pour notre religion (ou à cause), le Christ s'abaisse au niveau plus bas que ce que je sais et que de là où je me trouve actuellement pour dialoguer non pas avec moi, mais avec ceux et celles que j'ostracise, que je mets de côté, que je dénigre, que je moque, que j'oublie, que je hais. Peut-être qu'il est à leur niveau et que je ferais bien de faire du lien, de me relier. Oh oui, même du haut de ma religion ! 

A l'amour que le Christ a incarné pour être femme ou homme d'espérance, pour relever autrui comme cette femme se relèvera. « Va », lui dit Jésus, ça veut bien dire : « Va, debout ! Mets-toi debout. Je ne te condamne pas, ce n'est pas le moment. Car mon regard et ma présence dans le fond te donnent mon Esprit. Vas-y, lève-toi encore une fois, ne pèche plus. Réoriente-toi ainsi que ta vie, refais du lien autrement. Tu t'es peut-être trompée ou tu t'es trompé. So what ? »

Si le Christ n'est pas là pour nous détromper, à quoi peut-il bien nous servir ? Oui. Jamais deux sans trois. Jamais Dieu sans toi.

La prédication clôturera un cycle de prédications sur le thème: «Les oiseaux du ciel ne sèment, ni ne moissonnent. La grâce divine, parlons-en!» pour nous préparer à monter vers Pâques 2025.

Dans le texte de Jean 11, Jésus va publiquement témoigner de cette grâce divine pour cette femme accusée d'adultère et déjà condamnée par d'implacables juges.

Détails

Avec la participation de
Le pasteur Bruno Gérard pour la liturgie, et Jasmin Mazel pour les lectures.
Orgue
Vincent Thévenaz
Musique