Pour cette fête des Mères, j’aimerais vous raconter une histoire africaine, qui se passe au Ghana. Il se trouve qu’il y a trois femmes qui veulent à tout prix devenir maman. Elles ont chacune leur mari et tout fonctionne normalement, mais aucune n’arrive à tomber enceinte.
Alors, en désespoir de cause, les trois femmes s’adressent au sorcier de la tribu. Celui-ci leur dit qu’il peut bien les aider, au moyen d’un médicament très puissant. Mais il y a un effet secondaire à ce médicament : après avoir donné naissance, la maman devient folle. Après mûre réflexion, deux des trois femmes décident que, malgré tout, elles veulent absolument devenir maman. Quant à la troisième, elle renonce.
Le sorcier donne alors son médicament puissant aux deux autres femmes qui, effectivement, se retrouvent enceintes et accouchent 9 mois plus tard d’enfants en pleine santé. Plusieurs mois passent, dans l’attente terrible de la folie à venir, mais rien ne se passe, apparemment. Alors les deux jeunes mamans retournent voir le sorcier et lui demandent : « C’est dans combien de temps que nous allons sombrer dans la folie ? »
Le sorcier leur demandent si elles ne sont pas déjà folles, à quoi elles répondent que non. Puis leurs bébés commencent à se manifester et les mamans tentent de les calmer, en les berçant et se balançant d’un pied à l’autre, puis en faisant des grimaces et des petits bruits tout drôles.
Le sorcier se met à rire, et leur dit : « Qui joue cette musique qui vous fait danser de la sorte ? Et ces grimaces et ces bruits que vous faites, n’est-ce pas la folie qui vous saisit ? Et je vous dis, ces enfants vous rendront de plus en plus folles, avec chaque année qui passe ! »
Le matin de Pentecôte, il y a 2’000 ans à Jérusalem, les apôtres de Jésus, lorsque le Saint-Esprit est descendu sur eux, sont entrés dans un comportement que les autres ont trouvé étrange. Certains ont dit qu’ils avaient trop bu, ont éclaté de rire.
D’autres, en revanche, se sont donné la peine d’écouter de plus près et ont découvert, avec étonnement, que ces hommes disaient des choses tout à fait compréhensibles, des choses qui faisaient réfléchir. Et, plus étrange que tout, chacun qui écoutait entendait le message dans sa langue maternelle – même si les mamans qui leur avaient appris ces langues étaient éparpillées dans des pays les plus divers, de l’Afrique à l’Asie, de Rome à l’Arabie.
À notre époque – celle qu’on appelle « de la mondialisation » – il y a aussi beaucoup de mouvement entre les pays : même ici à Monthey, on peut entendre toutes sortes de langues dans la rue et voir des visages qui viennent de pays les plus divers. On parle beaucoup ces temps du besoin de l’intégration, car les différences ne sont pas toujours faciles à vivre et des fois, elles font carrément peur.
Entre nos églises, aussi, nos différents styles, théologies, structures et langages font parfois problème. Créer une célébration dite « œcuménique », où chacun peut se sentir à l’aise, n’est pas toujours « aisé », quand nos styles liturgiques ou musicaux sont trop divergents, sans parler des idées de fond .
Quant aux structures organisationnelles, chacune a les défauts de ses qualités ! Dans nos deux passages bibliques ce matin, qui nous parlent du don du Saint-Esprit, la diversité est frappante :
- la diversité des manifestations : différentes langues, différentes fonctions, différentes activités ;
- la diversité des messagers qui reçoivent cet Esprit : des Juifs et de païens, des esclaves et des hommes libres ;
- la diversité des destinataires : je renonce à relire toute la liste, mais il y en a de tous les pays ;
- et la diversité des réactions aux manifestations de l’Esprit de Dieu : allant de ceux qui éclatent de rire et croient avoir à faire à des gens ivres, à ceux qui sont touchés au plus profond de leur être, au point de changer complètement de croyance et de vie.
Contrairement à ce que l’on vit souvent dans nos Eglises, dans nos écoles, dans nos communes, cette diversité ne semble poser aucun problème fondamental à l’Esprit de Dieu. Des problèmes pratiques, certainement, mais pas un problème de principe de base.
Lorsque l’apôtre Paul écrit aux chrétiens de Corinthe, environ 25 ans après la première effusion du Saint-Esprit à Jérusalem, le jour de Pentecôte de l’année où Jésus est mort et ressuscité, les premières communautés chrétiennes ont eu largement le temps de passer par tous les problèmes pratiques imaginables, dus aux diverses origines et cultures de ceux qui ont adopté la foi en Jésus.
Et sa première lettre aux Corinthiens est tout à fait franche par rapport à ces problèmes :
- des discordes, même des divisions, entre chrétiens d’une même ville, où chaque groupe suit son leader plus ou moins charismatique ;
- certains disent que la proclamation d’un Jésus mort et ressuscité n’est que folie et vont adapter le message à leur auditoire ;
- les inégalités sociales sont criantes, au point où la Sainte Cène tourne parfois en orgie pour les uns et disette pour les autres ;
- certains cherchent à interdire toute consommation de viande aux chrétiens, car la grande majorité des animaux sont sacrifiés à des idoles païennes au moment de faire boucherie ;
- on n’a pas du tout les mêmes idées quant à l’importance des dons spirituels divers et des différents rôles de leadership dans l’Église, au point où certains se font accuser de ne pas être de « vrais chrétiens » s’ils n’ont pas toutes les manifestations du Saint-Esprit dans leur vie ;
- Etc., etc…
Pas glorieux, n’est-ce pas ?! Et vous pensiez que votre église ou paroisse était la seule à avoir des problèmes !
Ce qui est frappant pour moi, c’est que l’apôtre Paul, qui a certainement une opinion sur chacune de ces questions, n’entre pas du tout dans une « harmonisation forcée » des pratiques ou même des idées. Non seulement il reconnaît la diversité, mais il la valorise en la comparant à la diversité d’un corps humain. Si tous étaient pareils, nos capacités seraient bien moindres, et beaucoup moins de gens auraient l’occasion de découvrir l’amour de Dieu et la vie nouvelle en Jésus.
Ils la valorisent aussi en affirmant très clairement que, derrière ces différences, il y a une unité profonde, car tous ces dons divers viennent d’un même Esprit, celui du Dieu unique. « Vous recevrez une force… » disait Jésus à ses amis, peu avant son départ auprès du Père. Mais cette « force » n’est pas destinée à « forcer le passage » !!
- Ni dans les activités ou autres manifestations spirituelles ;
- Ni chez les messagers ;
- Ni chez les destinataires ;
- Ni dans les réactions des gens ;
- Ni dans l’unité.
Cette unité n’est pas à « forcer », ni même pas à créer ! Elle existe. Elle est donnée par le simple fait que toutes ces choses viennent de l’action d’un seul et même Esprit. Alors, essayons de reconnaître que l’unité n’est pas à confondre avec l’uniformité. Que l’Esprit de Dieu peut être en train d’agir chez d’autres de manière tout à fait différente que chez nous – non pas pour nous embêter, mais pour toucher un plus grand nombre de personnes bien diverses avec le même message de Vie et d’espérance. Comme dit Paul, « Chacun reçoit le don de manifester l’Esprit en vue du bien de tous. »
Le bien de tous. Voici le véritable but de la Pentecôte. Les réactions à tout ce que nous faisons sous l’inspiration de Dieu seront forcément diverses. Certains nous croiront fous, peut-être, mais ne nous perdons pas dans la manière de réagir à ces réactions. Comme les mamans ghanéennes, ne laissons rien nous enlever la joie que nous avons au fond de notre cœur, mais simplement espérer que les autres la trouvent aussi, à leur manière !
Et restons concentrés sur l’objectif, qui malgré toute la diversité de méthodes et de manifestations, sera toujours, aux yeux de Dieu, « le bien de tous. »
Amen.