Osons laisser nos filets, nos barques, nos habitudes…

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Écouter le culte :

Cette semaine à Davos, tout le monde est au courant, le Forum Economique Mondial a réuni des centaines de personnes parmi les plus influentes de notre planète. Des chefs d’états et autres ministres, des PDG, des économistes, même Chesley Sullenberger, le pilote qui avait réussi à poser son Airbus dans le fleuve Hudson à New York l’année passée, lorsque ses deux réacteurs étaient tombés en panne, y donnait une conférence sur la gestion du stress.
Moi, ils ne m’ont pas invité. Vous non plus ? Tiens. A croire que nous ne sommes pas parmi les gens les plus influents de ce monde. L’apôtre Paul l’avait dit il y a fort longtemps : « Considérez, frères, qui vous êtes, vous que Dieu a appelés : il y a parmi vous, du point de vue humain, peu de sages, peu de puissants, peu de gens de noble origine… »
Vous savez, Chesley Sullenberger, on ne l’avait pas invité à Davos l’année passée. Il a fallu d’abord que son avion passe par une mauvaise rencontre avec des dizaines d’oiseaux qui étaient au mauvais endroit au mauvais moment et que les qualités personnelles et la bonne formation du pilote soient mises à l’épreuve. Des qualités et une formation dont quasiment personne ne parlait avant l’accident. Et pourtant, qu’est-ce qu’elles avaient de la valeur ! Et qu’est-ce qu’il a fallu du temps pour les développer.
Un jour, Jésus de Nazareth marchait au bord du Lac de Galilée. Oui, Jésus, celui dont on parle encore, 20 siècles plus tard. Celui qui est « mort pour nos péchés », dit-on mais qui a surtout parlé de la vie. Nous oublions parfois la priorité que Jésus mettait sur la formation, sur l’accompagnement des disciples qui allaient pouvoir porter son message bien plus loin qu’un seul homme pouvait le faire. Et nous oublions qu’une telle approche, ça prend du temps.

Si nous croyons en un Dieu « roi de l’Univers », capable de tout faire, même les miracles les plus spectaculaires, nous pouvons bien imaginer qu’il aurait pu arranger une proclamation hyper-médiatisée qui aurait pu toucher les quatre coins de la planète en même temps, en toutes les langues, pour annoncer à l’humanité toute entière tout ce qu’il voulait nous dire. Et pourtant, il a choisi d’envoyer un petit bébé, naître dans une étable dans une petite bourgade assez inconnue. Et de laisser le temps à ce bébé de grandir, d’apprendre un métier, de l’exercer pendant un bon nombre d’années, avant de partir dans le désert puis de revenir se promener au bord d’un lac pour dire à quelques simples pêcheurs de venir le suivre : « Changez de comportement, car le Royaume des cieux s’est approché ! » Comme accrochage, ce n’est pas dit que ça marcherait très bien, de nos jours…
Déjà « changez de comportement », ça fait pas trop envie. On a déjà assez de peine à gérer le quotidien. Et c’est facile de dire que nous, on doit tout faire, « yaka » changer notre comportement. Il se prend pour qui, le type qui me dit ça ? Puis ce « Royaume des cieux », qu’est-ce que ça vient faire sur la terre, alors ?
Par contre, il y a quelque chose qui se passe dans la rencontre, dans le regard, dans le contact personnel. Car lorsque Jésus demande à ces quatre solides gaillards de quitter leur métier et de le suivre, ils le font, sur le champ ! Avait-il déjà parlé avec eux, les jours précédents ? J’imagine que oui, car l’Evangile de Jean nous dit qu’André était un disciple de Jean-Baptiste avant de connaître Jésus et que c’est suite à la rencontre entre les deux cousins qu’André est allé trouver son frère Simon et lui dit : « Nous avons trouvé le Messie. »
Ah, le récit d’un Evangile ne nous dit pas tout. Il ne nous raconte pas tout ce qui se dit pendant le temps qu’il faut pour se connaître, pour construire la confiance. Toute cette multitude de petits pas, qui finiront par permettre à l’un et à l’autre de s’engager.

Tout comme la pièce de théâtre ne raconte pas toutes les répétitions, les innombrables tentatives de dire une réplique avec les bons mots, la bonne intonation, se tenant au bon endroit et avec la bonne expression corporelle. Mais chaque petit pas a toute son importance. Comme les innombrables gestes, souvent ratés à l’entraînement, qui finissent par faire d’une patineuse, bien consciente de ses limites, une championne d’Europe. Bravo, Sarah ! Mais tout le monde ne deviendra pas champion. Et même ceux et celles qui y arrivent verront que leurs médailles et leurs titres ne suffiront pas pour ouvrir toutes les portes, pour vaincre toutes les épreuves ou même pas forcément pour être heureux.
Même les « champions » de la foi, tels les apôtres Pierre ou Paul, fortes personnalités qu’ils sont, font l’expérience de leurs propres limites. Et lorsque Paul affirme que « aucun être humain ne peut se vanter devant Dieu », c’est qu’il a dû faire le constat douloureux qu’il n’était pas à la hauteur de ses propres ambitions, même les plus spirituelles, les plus nobles. Heureusement que la première qualité que Dieu demande à ceux qu’il appelle, c’est de le suivre. Les premiers mots que Jésus adresse à Simon Pierre et à son frère André sont : « Venez avec moi et je ferai de vous des pêcheurs d’hommes… » Et les derniers mots que Jésus adresse à Simon Pierre, personnellement, après sa résurrection – et notamment en l’aidant à surmonter sa culpabilité après avoir renié Jésus trois fois – sont : « Prends soin de mes brebis… Toi, suis-moi ! »

Dans ce monde, que ce soit à Davos parmi le « gratin » du monde économique, ou dans nos cercles à nous, bien plus modestes, on met en avant les « leaders » (comme on dit en bon français !). Et même si tout le monde ne peut pas être un « chef », il y a, je crois, un sens dans lequel tout croyant est appelé à être un « leader » : celui de montrer le chemin. Ceci dit, la clef à ce « leadership », c’est de suivre le Christ. Mais parmi tous les séminaires, toutes les conférences sur le « leadership », combien nous parlent de Celui qu’on doit suivre ?
Nos Eglises ont besoin de « leaders ». Certaines, comme l’Eglise réformée du Valais, auront besoin d’ici peu d’années d’une nouvelle génération de pasteurs et diacres qui pourront reprendre le flambeau, « prendre soin des brebis », devenir « pêcheurs d’hommes » pour chercher le contact avec ceux qui ne vont pas venir tout seuls assister à nos cultes ou réunions de prière. Comme à l’époque de Jésus, c’est un beau défi et les possibilités de nouvelles approches sont énormes.
Mais qui relèvera ce beau défi ? Qui osera laisser les filets et la barque de ses habitudes pour s’embarquer dans une nouvelle aventure ? Pour s’y lancer, il faut une multitude de petits pas. Comme pour continuer dans cette belle vocation. Continuer non seulement par « devoir », mais par passion. Parfois, je m’interroge : Est-ce que je vis, moi, de manière à ce que les gens aient envie de répondre à l’appel de Dieu ? Est-ce que la vie de nos communautés paroissiales donne envie aux jeunes et aux moins jeunes de s’y investir, de s’y lancer avec toute l’énergie et la créativité dont nous avons tant besoin ?
Est-ce qu’il y a quelque chose qui brille dans nos yeux comme ça brillait dans les yeux de Jésus lorsqu’il appelait ces hommes si humains mais si pleins de potentiel, au bord du Lac de Galilée ? Si on n’est pas sûr, je ne vois qu’un moyen de retrouver la « flamme », se remettre à suivre Celui qui a lancé tout ça, il y a 2000 ans. Et là, aussi, on parcourt le chemin par une multitude de petits pas.

Vendredi matin, sur les ondes de la Radio Suisse Romande, un leader très en vue dans l’économie de ce pays, chef d’une grande entreprise pharmaceutique – invité à Davos, lui, bien entendu ! -- exprimait son optimisme pour l’avenir avec ces mots : « Le pipeline est plein… » Autrement dit, le travail de longue haleine, la recherche et le développement de nouveaux médicaments, assurait l’avenir de l’entreprise, le renouvellement des revenus et donc des emplois. Mais la société qui n’investit pas dans ce travail « dans l’ombre » est destinée à disparaître.
Ma foi m’assure que Dieu n’arrête pas de s’investir dans d’innombrables vies dans ce pays. Sans se décourager par les inévitables échecs, par le temps qu’il faut, par le nombre incalculable de petits pas qui finissent par parcourir un long chemin. Il sait très bien les limites de ceux et celles qu’il a appelés. Il sait que nous n’avons aucune raison de nous vanter devant lui – et tant mieux ! Voilà ce qui nous enlève une sacrée pression !
Tout comme le fait de savoir que l’on n’est pas seul. L’appel à le suivre, lancé d’abord à quatre pêcheurs, touchait par la suite de gens d’autres métiers, d’autres milieux, hommes et femmes : gens du commerce, du bâtiment, de l’agriculture, de l’administration, ouvriers et gens aisés, de milieux politiques et religieux divers, sans parler de leurs personnalités bien diverses. Mais à chacun, chacune est venu le même appel : suivre Jésus. L’appel est toujours là. Que nous puissions oser laisser nos filets, nos barques, nos habitudes et nos craintes, pour le suivre dans la grande aventure de la foi !

Amen !

Détails

Avec la participation de
Orgue
Musique
Chorale de la paroisse direction Sylvie Vodoz; Anne-Marie Folly, basson