Une espérance pour traverser la souffrance

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Il y a deux vies : la vie qui passe, dans laquelle nous ne nous posons pas trop de questions et il y a la vie des gens curieux, dans laquelle nous nous posons toutes sortes de questions, notamment celle du sens des événements qui nous arrivent.
Est-ce que nous trouvons que notre vie a du sens ? Quel sens donner à ce qui a priori n'a pas de sens, qui est in-sensé ?
Et la question qui nous conduit ce dimanche, quel sens pouvons-nous donner à la souffrance, souffrance intérieure que vous et moi connaissons, ces échardes qui piquent notre vie, que sont le deuil ou l'accident qui vient sans crier gare ou la parole qui blesse. Trouver un sens à ce qui paraît être in-sensé, comme la souffrance, voilà le pari d'aujourd'hui.
De manière très générale d'abord, toute la question du sens m'intéresse beaucoup,
car c'est la manière, que vous et moi avons, d'interpréter la vie. Ce sont les lunettes que nous mettons sur le nez, qui en elles-mêmes ne modifient pas la réalité, mais qui modifient le regard sur elle.
Un exemple concret : voici l'histoire de trois hommes qui travaillent dur dans une carrière. On leur demande ce qu'ils font, et chacun donne une réponse différente :
le 1er répond avec colère : « Je bosse comme un âne toute la journée pour un salaire de misère. Voilà ce que je fais ! » Le 2e a une autre réponse, il dit avec dignité : «Je bosse dur pour nourrir ma famille, c'est ça qui est important.»
Et le 3e dit encore autre chose, il dit avec les yeux pétillants de joie : « Je participe à la construction d'une cathédrale !»
Ainsi, les trois ouvriers vivent la même chose, mais ils donnent un sens différent.
Ils ont tous les trois autant de cloques aux mains et de courbatures au dos à la fin de la journée, mais leur souvenir de la journée et leur motivation pour se lever le matin est tout à fait différente. Ainsi, le sens qu'ils donnent aux événements ne modifie pas la réalité, et pourtant il y a bien quelque chose qui change !

Maintenant, par rapport à la question qui nous conduit, trouver un sens à la souffrance. Si le pari est gagné, celui-ci ne changera certes pas la réalité concrète
et pourtant, comme pour les ouvriers, il pourra modifier ce que je vais en faire, donner une motivation nouvelle pour me lever le matin, comme si je participai à la construction d'une cathédrale !
« Trouver un sens à la souffrance… » Dans la Bible, le récit de Pierre donne un éclairage intéressant à cette question. Je ne vais pas vous développer toute la logique interne de l'épître, mais je vais très librement m'appuyer sur quatre pistes, quatre intuitions que j'ai découvertes à travers ce récit.

1.- Jésus-Christ a souffert injustement, par extension, la souffrance humaine n'est pas forcément liée au péché. Comme première piste : le récit casse un préjugé très humain, très humain depuis trop longtemps. Et il affirme haut et fort que « la souffrance n'est pas en lien avec une quelconque faute de notre part.» En soi, ce n'est pas parce que j'ai fait quelque chose dont je devrais me sentir coupable, que telle ou telle souffrance m'arrive. Bien au contraire ! Le récit de Pierre nous fait redécouvrir que la logique de Dieu, c'est une logique de la grâce. Dieu est avant tout grâce et pardon. Et dans la souffrance nous pouvons entendre cette parole d'un auteur inconnu : Dieu n'est pas venu pour supprimer la souffrance, mais pour l'habiter de sa présence.

2.- Tu n'es pas seul, Jésus-Christ connaît aussi ce chemin. La deuxième piste de ce récit, la voici : quand nous souffrons, nous ne sommes pas seuls. Nous ne sommes pas seuls car, dit le récit de Pierre, Jésus-Christ connaît aussi ce chemin. Nous ne sommes seuls : Jésus-Christ nous accompagne en connaissance de cause. Et cela fait du bien de ne pas être seul. Pourtant, vous me direz si vous êtes d'accord,
le premier réflexe quand il nous arrive un coup dur, c'est justement de vouloir rester seul. C'est en tout cas mon expérience que je vous livre. Il y a deux mois, un membre important de ma famille est décédé. Et mon premier réflexe a été de vouloir rester seul, seul avec ma famille, seul avec moi-même, et je ne voulais voir personne d'autre ! C'était un réflexe, c'était comme ça. Mais ensuite, c'est fou le bien que ça m'a fait de ne plus être seul, de recevoir des messages de sympathie, de voir que les joies passées étaient partagées, de voir que la peine présente était partagée aussi. Et ainsi, tout doucement, voir pointer l'espérance, que la vie pourra se remettre à avancer un jour, parce que je ne suis pas seul.
C'est fou le bien que cela m'a fait, même lorsque tout le monde était parti, de savoir que Jésus-Christ, lui, n'est pas parti. Il était là bien avant tout le monde, il est encore là bien après tout le monde. Jésus-Christ a vécu des souffrances telles, que lui, doit comprendre, la souffrance unique que j'ai subie.
Voilà cette 2e piste : quand nous souffrons, nous ne sommes pas seuls. Christ et nos amis, offrent leurs épaules en plus des nôtres. C'est fou ce que ça fait du bien d'avoir des épaules supplémentaires pour porter sa « croix ».

3.- « Christ a souffert pour vous, vous laissant un modèle afin que vous suiviez ses traces. » Ensuite, la Bible dit que le Christ est un modèle que nous pouvons suivre. Le Christ a souffert pour nous, il a souffert pour nous porter. Donc si le Christ a souffert pour moi, ma souffrance prend tout son sens, car à travers elle, je peux aussi porter quelqu’un d'autre. C'est à dire, par cette expérience, j'ai acquis une certaine sensibilité et j'espère pouvoir avec humilité et juste distance offrir mes épaules lorsqu'un ami vivra quelque chose de similaire.
Ainsi, au milieu de la souffrance, Jésus Christ est présent, il me dit « je te comprends.» De même, je peux dire à autrui : « Je te comprends.»

4.- Et enfin la quatrième et dernière piste : C'est le lien intime qui existe entre en Jésus Christ et Dieu. Et de même c'est un appel pour nous, lorsque nous souffrons, de retrouver ce lien intime avec Dieu. Cet exemple nous encourage à compter sur Dieu. Compter c'est plus que faire confiance, c'est lui faire une place nouvelle dans ma vie. Cet exemple nous encourage à prier, même si ce sont des mots maladroits qui viennent sur le moment. Prier et accepter de lâcher du lest, de remettre à Dieu certains fardeaux.

Voilà, chers amis, si certains d'entre vous m'ont quitté un instant, l'essentiel de ce que je voulais dire, c'est que ces quatre impulsions du récit biblique donnent du sens à ce que nous vivons. Elles nous conduisent, elles nous habitent. Elles sont des impulsions de vie, des amorces de tournants qui ont cette force de changer le regard sur la vie.
En conclusion, dans cette recherche de ce matin, avons-nous pu donner un sens à la souffrance, à l'aide de la Bible ? Je crois que « oui ».
· Nous avons pu entendre que cette souffrance était « habitée », habitée par Jésus-Christ, et nous ne sommes jamais seuls.
· Nous avons pu entendre que cette souffrance change notre vie, que nous en ressortons différemment, que nous y puisons une certaine sensibilité, voire une certaine force pour l'avenir.
En cela, notre expérience nous permet de nous construire intérieurement, de nous structurer et de participer, avec l'aide de Dieu, à la construction d'une cathédrale, celle de la vie. Amen !

Détails

Avec la participation de
Orgue
Anne-Lise Vuilleumier Luy
Musique
Gyula Stuller, violon

Organiste : 079 672 02 03