A l’origine ou le temps des commencements ! Le Souffle de Dieu. Au commencement des mondes et de la terre, « le souffle de Dieu planait à la surface des eaux » (Genèse 1, 2). Au commencement de l’humanité, modelant l’homme terreux, le Seigneur Dieu « insuffle dans ses narines l’haleine de vie et l’homme devint un être vivant » (Genèse 2, 7). Le Souffle de Dieu, d’abord et déjà, le souffle de Dieu toujours.
« Comme s’accomplissait la fête de la Pentecôte »
L’événement raconté par Luc dans le récit des Actes est présenté comme l’accomplissement, amplification de la fête juive de la Pentecôte. A l’origine, cette pentecôte est une fête de la moisson. Puis peu avant l’ère chrétienne elle devient la commémoration du don de la Loi au Sinaï, marque d’alliance de Dieu avec son peuple. Dès lors, le peuple délivré de l’esclavage est constitué en peuple de Dieu. Si la Pâque juive célèbre la libération, la Pentecôte juive en parachève le contenu en donnant au peuple la possibilité de demeurer dans cette liberté en suivant les « dix paroles de vie ». Pentecôte actualise le don de Dieu et renouvelle l’Alliance nouvelle en écrivant la loi au fond des cœurs et non plus sur la pierre brandie par Moïse. « Je mettrai mon Esprit au-dedans de vous » proclame le prophète Ezéchiel.
Le récit de Luc décrit la venue de l’Esprit de Dieu avec les termes : le bruit et le souffle, le feu et la voix, symboles présents dans le récit de l’Exode et faisant mémoire des manifestations extraordinaires du Sinaï. Et si Luc les reprend à son compte, c’est pour montrer la continuité du plan de Dieu et l’action de son souffle à travers l’histoire.
Ainsi la fête chrétienne de la Pentecôte se nourrit des récits des origines et de leur symbolique festive, rappel de l’Alliance de vie par Dieu à ses créatures. Fête de la venue en force, en plénitude et en universalité de l’Esprit-Souffle scellé dorénavant au cœur de l’être humain, qui ne touche plus seulement un peuple mais des peuples différents. Désormais, c’est là, le don de Dieu, de son souffle qui scelle l’Alliance et qui constitue le peuple de Dieu. Un peuple appelé et convoqué par le souffle de Dieu. Un souffle qui agit librement, car « l’Esprit souffle où et quand il veut ».
« Ils furent tous remplis de l’Esprit Saint et se mirent à parler d’autres langues comme l’Esprit leur donnait de s’exprimer »
De la même manière que Jésus au début de son ministère, les apôtres vivent désormais de l’accomplissement de la promesse, ils sont revêtus de la puissance du Souffle pour accomplir leur vie et leur tâche de témoins. La signification symbolique de Luc décrivant cet événement voyant les disciples parler en d’autres langues souligne la force de conviction nouvelle des prêcheurs dans les rues de Jérusalem et l’universalité du message de la résurrection. Le Souffle les conduit à parler et donne du sens à leur message.
Cependant l’intention de l’évangéliste est de montrer que la division de l’humanité est renversé par la venue en plénitude de l’Esprit-Souffle, que la fracture et la confusion des langues de l’épisode de la Tour de Babel est subvertie. Le message du Christ Ressuscité porte en lui un souffle capable de faire voler en éclat les frontières linguistiques, ethniques, nationales, sociales. Le Souffle de Dieu donne la capacité de renverser les murs de séparation et d’exclusion, de tisser au-delà des frontières aliénantes l’homme terreux, un nouveau réseau communautaire, social par l’émergence de l’Eglise, symbole d’un monde nouveau.
L’apôtre Pierre dans son discours, répondant aux étonnements, à l’incrédulité et au scepticisme des foules, fait appel au prophète Joël : dans l’histoire passée le Souffle de Dieu tombait de manière exceptionnel et ciblée sur quelques-uns, élus, mais dans l’histoire à venir tous, c'est-à-dire, chaque créature de Dieu, recevra la plénitude du Souffle. Du coup, le Souffle ne peut qu’étonner, déconcerter, interroger par sa capacité à dresser l’humain, libre et responsable dans sa relation de vie avec Dieu et à le rendre capable de décentrement pour construire l’homme nouveau et la terre nouvelle.
Nous sommes donc bien dans le temps des origines et des commencements, toutes les fois que l’Esprit souffle où et quand il veut. En effet, il y a autre chose que produit le don de l’Esprit. Chacun reçoit une parole individuelle, une langue comme du feu se pose sur chacun d’eux et ensuite chacun va parler la langue qu’il a reçue à un peuple qui va la comprendre. Dans sa forme imagée et symbolique, le récit de Pentecôte est un formidable mélange d’individualité et de communion.
Ce texte nous invite à remettre le vent de l’Esprit, le souffle de Dieu à la source de nos vies et de nos communions. Actualiser la Pentecôte dans notre temps et dans notre monde où les frontières sont plus que jamais présentes est source d’inspiration, de respiration des jeunes et des vieux, des femmes comme des hommes, des riches comme des pauvres, des dominants comme des dominés.
Le souffle de Dieu, c’est l’espace libre où circule la vie. Puissions-nous respirer à pleins poumons étant habité de l’haleine de Dieu. Amen !