Aider avec les moyens humains et dans la prière

image

Écouter le culte :

On pourrait lancer parmi nous une discussion libre à partir du cas de figure suivant : vous êtes en vacances en Suisse romande et avec de l’argent en poche vous vous rendez à un nouveau parc d'attractions dans le but de vous amuser. Juste avant la porte d’entrée du bâtiment, un SDF amputé d’un bras vous regarde intensément, un gobelet posé devant lui – vous comprenez qu’il attend de l’argent.
Mes amis, qu’est-ce que vous faites ?
Vous êtes obligés de choisir parmi les quatre possibilités suivantes :
1. soit vous passez tout droit ! Vous êtes venus ici pour vous payer des expériences excitantes, et vous préférez garder le maximum d’argent pour ça.
2. soit vous lui donnez un peu d’argent, mais pas trop ! Comme ça au moins, lui il a quelque chose et vous vous n’avez pas trop mauvaise conscience.
3. soit : vous ne donnez rien à cet infirme, pas par avarice, mais parce que vous pensez que ça ne sert à rien de donner dans ce cas : donner rendrait ce mendiant encore plus dépendant et donc ça ne l’encouragerait pas à se chercher du travail, ni à briser le cercle de la dépendance !
4. ou enfin : vous lui donnez autre chose que de l’argent. Mais quoi ? Est-ce qu’il y en a parmi vous qui choisirait de donner quelque chose d’autre que de l’argent ? Et si oui, quoi par exemple ? un sourire ? une parole ? autre chose ?

Au moment de notre récit biblique des Actes des Apôtres, les disciples de Jésus sont euphoriques. C’est le commencement de la communauté chrétienne et quel commencement mes amis ! Les apôtres viennent de recevoir sur la tête une immense bassine de St-Esprit à la Pentecôte. Puis Pierre a enchaîné avec le premier message chrétien d’évangélisation de l'histoire, si bien qu'en un jour il y a « environ » dit le texte « trois mille conversions et baptêmes ». C’est pas le baby boom des années 1960, c’est le « chrétien boom » des années 30 de notre ère.
Bref, l'impact publique et social de l'Evangile à Jérusalem est impressionnant. En ce temps-là, être chrétien n'empêche pas de rester juif. Tous les jours les disciples vont donc prier seul ou à plusieurs au grand Temple public, au milieu des autres juifs. Maintenant que le contexte est posé, on peut en venir à notre récit et mieux comprendre l’assurance des apôtres Pierre et Jean. Ils sont gonflés à bloc.
Dans notre histoire, Pierre et Jean se déplacent à deux, comme Jésus le leur avait recommandé : allez « annoncer le Royaume de Dieu deux par deux » ! Dans ce couple, du moins au moment de l'événement qui va suivre, Jean est totalement muet. C’est Pierre qui parlera. Mais Jean, le compagnon silencieux n'en est pas moins là, avec le rayonnement de sa simple présence.

Vous aussi qui nous écoutez à la radio, on ne vous entend pas ici, vous êtes muets pour nous ! Aujourd'hui vous êtes Jean, tandis que nous nous sommes Pierre. Mais malgré votre silence, je peux vous dire qu'on sent bien votre présence. Vous êtes maintenant avec nous, nous sommes ensemble autour de la présence de Dieu.
Pierre et Jean montent donc au Temple, comme tous les jours, dans un but clair et simple : vivre la prière juive qui a lieu à 15h. Tiens donc : 15h. Remarquez que c’est la même heure que l’heure à laquelle Jésus était mort, environ 55 jours auparavant. Est-ce un hasard ? ou un clin d’œil du texte ? Je n’en sais rien.
Mais à l’heure précise où Jésus avait été crucifié il y a moins de deux mois, deux de ses disciples vont trouver sur leur route un homme crucifié par la souffrance et l'épreuve : dans son cas, un handicap de naissance. Pierre et Jean n’étaient pas les seuls à entrer dans le temple de Jérusalem pour aller à la prière ce jour-là, à cette heure-là : des centaines de juifs défilent en même temps qu’eux devant le malade.
On est comme devant un immense centre commercial ! Vous voyez la foule des consommateurs le samedi matin, à l'heure de pointe ? Vous visualisez la cohue et les va-et-vient ? On imagine quelques-uns de ces passant regardant ce malade mendiant comme une bête curieuse. On en imagine d'autres feignant de ne pas le voir. Si tu es comme moi, tu te reconnais dans ce passant un peu mal à l'aise, non ?
Mais avant que tous ces passants ne passent, et donnent ou ne donnent pas un sou au malade, il y a eu autre chose. Quelque chose qui est tellement simple et peu spectaculaire que, quand bien même le texte que nous avons lu l’a dit, je suis sûr que plusieurs d'entre vous n’y ont pas prêté attention. Quel est ce fait qui ne fera jamais la une des journaux, ni d’ailleurs la une des témoignages dans les églises ?
Je cite ce fait, au verset deux : « On avait porté cet infirme devant une porte du temple. » On ? Qui c’est, ce « on » ? Je ne sais pas !
Et le texte d’ajouter une précision : «…chaque jour on…» installait cet handicapé à cet endroit, devant la Belle Porte du Temple, pour qu’il puisse demander l’aumône. Mes amis, est-ce une grande chose, une action miraculeuse que réalisaient ces proches du malade ? Ou est-ce une petite chose – j'entends un acte à la portée de tous ?
• D’un côté, c’est un comportement absolument simple : aider quelqu'un à se déplacer : un acte d’amour, de solidarité ou d’entraide basique. Chacun d’entre nous a déjà accepté une fois dans sa vie de pratiquer un geste de compassion concret.
• Mais d’un autre côté, c’est un fait exceptionnel que peu d’entre nous ont réalisé ou seraient capable de réaliser : porter ce gaillard « chaque jour » à tel endroit. Chaque jour, vous vous rendez compte ? Chaque matin, avant que la foule des priants ne déboule au Temple.
Faire tous les jours le même geste d’entraide pour une personne souffrante : il y a encore aujourd'hui des gens qui persévèrent ainsi quotidiennement dans l'aide envers quelqu'un ! Que Dieu bénisse et renouvelle ces bienfaiteurs ! Maintenant, vous savez qu'un chrétien est quelqu'un de spirituel en plus d'être solidaire. Par spirituel, je veux dire que le disciple, le chrétien, est quelqu'un qui croit aussi à la dimension de la prière en général et donc également à la prière pour le malade. Un chrétien pratique la prière. Alors, après une semaine ou un mois ou une année d’une solidarité humaine et sociale autour de ce malade – le transporter quotidiennement – on peut imaginer le chrétien se dire : dis donc, finalement, au lieu de l’amener seulement et éternellement à la Belle porte pour mendier, on ne pourra pas aussi poser un acte purement spirituel : prier pour lui, et peut-être même prier pour qu’il guérisse !

Ou prier pour qu'il retrouve la force d'une certaine autonomie au lieu d'une totale dépendance. Mes amis, avec le Christ qui l'a pratiquée et ordonnée, avec ses disciples qui l'ont continuée, avec l'Eglise qui en plusieurs endroits l'a redécouverte, je crois à la nécessité de la prière pour les malades et les éprouvés de la vie. Et en conséquence, je demande parfois pour moi-même et sur moi-même la prière des autres chrétiens.
En effet, pourquoi opposer le spirituel et l’humain, la prière de foi et l’action sociale, la Parole et le médicament ? De quel droit définir si étroitement ce qui est spirituel d'un côté et ce qui est humain, social, médical ou « laïc » de l'autre côté ?
La Bible montre que cela forme un tout, que cela se marie bien ensemble :
• aider son prochain là où il en est, l’accepter avec son état physique ou psychique, instaurer des soins à domicile, pérenniser des assurances sociales, etc. – bref accompagner celui qui souffre et qui ne guérit pas ;
• et le moment venu, peut-être très tôt dès le début des symptômes d'une souffrance, ou peut-être seulement des années plus tard, une fois ou plusieurs fois au long de son épreuve : prier pour lui et avec lui.
Ce ne sont pas des démarches qui s'opposent, ce sont au contraire des réalités qui font partie de l'attention au souffrant et que le Christ nous commande ! Rappelez-vous, Jésus a dit : « J’ai eu faim et vous m’avez donné à manger, soif et vous m’avez donné à boire, nu et vous m’avez habillé, j’étais malade et vous m’avez visité. » Et l'infirme de la Belle Porte pourrait ajouter : le Christ n'a pas seulement été crucifié dans sa chair comme moi, il n'a pas seulement été visité et physiquement transporté comme moi par des gens, il a aussi inspiré deux de ses disciples qui passaient par là à parachever dans une Parole de foi pour moi tout ce que la société et la compassion des hommes avaient déjà mis en place pendant de si longues années.

Quel encouragement mes amis pour nous tous qui essayons d’accompagner quelqu'un dans notre entourage, avec nos moyens humains et dans la prière ! • Et quel encouragement pour nous, souffrants ou éprouvés de la vie, à qui le Christ a déjà donné ou donne actuellement sa main gauche – nourriture, vêtement, soin, aide concrète par toutes sortes de gens ordinaires – vous savez ces « on » anonymes dans le texte !
Si tu es un de ces souffrants toi qui m'écoutes aujourd'hui, entends que le Christ veut, en plus de sa main gauche, aussi te donner sa main droite – la main de sa force spirituelle, la main qui te redresse, te relève dans et par la foi. Si le temps de cette main-là est venu pour toi, je t'en prie : ne laisse pas passer l'occasion, ne laisse pas passer le Pierre ou le Jean qui passe par là, qui croise ta route : demande au Christ et aux chrétiens cette main droite pour toi, en plus de cette main gauche – humaine, solidaire, sociale, médicale – dont j'espère que tu bénéficies déjà !
A ce boiteux redressé qui danse et chante maintenant à Jérusalem devant tous et à l'étonnement de tous, demandez s'il n'aurait voulu connaître que la main gauche du Christ, que les moyens merveilleux de l'aide humaine ! Si tu le lui demandais, ne penses-tu pas qu'il répondrait ceci : Heureusement, dis donc, qu'en plus d'avoir croisé tant de gens si humains avec moi et tant d'aides si concrètes, j'ai aussi croisé un chrétien qui m'a dit :
Euh ! Excuse-moi, tu sais, j'ai ni argent ni de quoi t'aider humainement sur moi, là maintenant – ma main gauche est vide ! Mais ce que j'ai reçu et que j'ai toujours avec moi dans ma main droite et que je reçois spécialement maintenant pour toi, tiens ! je te le donne : Au nom de Jésus-Christ, dresse-toi et marche dans ta vie !
Amen !

Détails

Avec la participation de
Orgue
Christophe Haug
Musique
Chorale ad hoc, direction Christine Berger (env.15)