Écouter le culte :
S'il y a des personnages qui impressionnent par leur charisme, leur éloquence, leur intelligence, leur audace et j'en passe. Des personnages dont l'action a changé le cours des choses. Souvent nous les plaçons à un autre niveau que nous, un niveau bien supérieur, que ce soit d'ailleurs à tort ou à raison. Admiratifs pour leurs actions, nous voyons en eux des hommes et des femmes extraordinaires, hors de l'ordinaire, hors norme. Il en va de même concernant notre appréciation de la foi des gens. Il y a ceux qu'on dit pieux, exemplaires, inébranlables. Et souvent en se comparant à eux, nous avons l'impression de ne pas être à la hauteur. Eux sont capables de tellement de choses. Alors que nous...
L'histoire tirée du livre des Juges que nous avons entendue nous présente un de ces nombreux personnages bibliques dont l'existence a compté et dont la mémoire collective s'est souvenue. Gédéon a participé à l'histoire du peuple de Dieu. Il a participé à sa survie. On pourrait donc dire qu'il était un homme extraordinaire. Ce qu'il a vécu n'arrive pas à tout le monde. Il fait ainsi partie de ceux que l'on admire pour leurs actions. Il était un homme de foi qui est allé au bout de son engagement, au bout de son combat sans fléchir.
L'histoire de Gédéon débute avec le récit de sa vocation, récit que nous venons d'entendre. Gédéon est appelé par Dieu pour se mettre à son service et guider le peuple de Dieu. L'appel que Dieu lance à Gédéon, nous montre en fait un homme pas aussi extraordinaire que cela.
Nous pouvons présenter Gédéon de deux façons, comme deux côtés d'une pièce de monnaie. Il y a la première face. Celle qui nous présente un l'homme qui s'engage au profit des israélites. L'homme qui est prêt à se mettre en péril pour défendre une cause, celle de son peuple, celle de son Dieu. C'est le héros, l'homme fort qui mène une armée, qui gagne des combats, qui participe au sauvetage d'une nation. Mais il y a aussi l'autre face, celle que nous découvrons en retournant la pièce. Et là, nous pouvons y voir un homme qui doute, qui a peur, qui hésite et qui a besoin de la preuve de la puissance de Dieu et de son engagement à ses côtés pour enfin se décider à agir.
Gédéon est à la fois un homme dont la destinée est extraordinaire, mais c'est aussi un homme ordinaire, avec sa part de doute, ses craintes, ses faiblesses. Lorsque Gédéon est visité par le Seigneur, il est en train de battre son blé dans un pressoir, alors que le blé doit être battu au grand air pour que les pailles s'envolent et que le grain retombe sur place, Gédéon bat son blé à l'abri pour le préserver des Madianites. Rien de tellement courageux. Il se cache, se terre. Il cherche à se faire le plus discret possible pour continuer à exister comme il le peut.
On est loin du héros qui s'impose, que tous admirent même avant qu'il ait accompli un quelconque acte héroïque. Et pourtant, c'est lui que Dieu choisit pour défendre les intérêts de son peuple. Lui Gédéon, celui qui se cache pour battre son blé. Gédéon est ainsi présenté comme un homme banal, qui fait attention à ne pas se mettre en danger. Il tient à la vie, à ses intérêts et il les protège.
La vocation de Gédéon ne va pas non plus de soi. Une fois interpellé par Dieu, il lui faut encore une preuve de l'existence et de la puissance de Dieu. Est-ce bien Dieu qui lui demande de s'engager ? La suite de l'histoire nous apprend que Gédéon ne va pas se contenter de cette manifestation de Dieu. Il va demander d'autres miracles pour avancer, pour entreprendre et continuer la mission que Dieu lui assigne.
Dieu va s'engager au côtés de Gédéon. Il ne l'interpelle pas uniquement pour le mettre en mouvement et ensuite le laisser faire. Cette interpellation ne concerne pas uniquement ceux qui nous paraissent tellement fervents, tellement saints, tellement parfaits. C'est bien avec des femmes et des hommes ayant des failles, des faiblesses que Dieu compose. Gédéon rétorque à Dieu qu'il fait partie du plus petit clan et qu'il est le plus petit dans la famille de son père. Et c'est justement sur lui que Dieu compte.
L'histoire de Gédéon est à la fois un rappel de l'engagement de Dieu à nos côtés, un rappel de son attachement et de sa volonté de nous appeler tous à son service. C'est aussi un appel à la responsabilité. Dieu se préoccupe du sort de son peuple. Il ne le laisse pas être anéanti. Pourtant la relation entre Dieu et son peuple est assez tumultueuse. Les Israélites suivent Dieu, puis s'en détournent. Dieu les laisse aux mains des Madianites, mais il ne les rejette pas. Il entend leur cri. Il se fait compatissant et intervient en leur faveur.
Le comportement des Israélites tel que décrit dans le livre des Juges n'est-il pas proche de celui que nous pouvons avoir ? Proche de Dieu un jour, loin, très loin de lui le lendemain. Confiant en Dieu plus qu'en tout autre chose, puis comptant uniquement sur nous-mêmes. Nous avons cette faculté de placer en Dieu notre vie entière pour ensuite le fuir où bon nous semble. Et pourtant Dieu ne se dérobe pas. Comme il ne boude pas Gédéon et les Israélites, il ne nous boude pas non plus.
Dieu est le Dieu de l'Alliance. Il se tient devant nous et ne se dérobe pas. Il attend que nous tendions notre main à la rencontre de la sienne. Dieu est le Dieu de l'espérance. Un Dieu qui n'attend pas que nous soyons parfait, irréprochable pour s'approcher de nous. C'est le Dieu de Jésus-Christ qui se donne sans compter, sans monnayer son appui et son amour. Un Dieu qui nous aime, qui nous aime sans réserve. Nous sommes tous un jour ou l'autre appelés à devoir affronter des difficultés, des drames qui font chanceler la vie, notre vie, à l'image de ce peuple qui est menacé de destruction par l'ennemi voisin. Au centre de nos préoccupations Dieu se tient et il se fait proche.
La vocation de Gédéon nous parle aussi du service. Le bon serviteur n'est pas la femme ou l'homme parfait, mais bien plutôt celui qui se laisse mettre en mouvement. C'est celui qui accepte au nom de l'amour que Dieu lui porte, de sortir de son intérêt propre pour se mettre au service de Dieu. Le serviteur tel que Gédéon le devient est celui qui va oser se mettre en marche.
Nous pourrions facilement accuser Gédéon de mettre Dieu à l'épreuve. Il n'empêche que par son désir de miracle, Gédéon montre son envie, son besoin de se savoir épaulé par Dieu. Il est d'accord de se mettre au service de Dieu, sachant qu'il a besoin de son aide. L'action que Gédéon va mener pour libérer les Israélites de leur oppresseur se fait en tandem. Il y a certes Gédéon, mais il y a aussi Dieu qui l'envoie et qui va le soutenir. Nous pouvons nous rappeler de cette phrase adressée à Gédéon : « Va avec la force que tu as... n'est-ce pas moi qui t'envoie ! »
Gédéon est approché dans le respect, respect de qui il est, respect de ses choix, de ses peurs, de ses interrogations. Gédéon est mis en chemin par l'appel de Dieu. Il passe de celui qui bat son blé en cachette, à celui qui va agir publiquement au nom de Dieu. Alors qu'il agit en cachette pour préserver la nourriture périssable, il va agir aux yeux de tous au nom de cette nourriture céleste que Dieu lui donne.
Avec la force qui est la sienne, Gédéon s'engage. Le service devient avant tout manifestation de la présence de Dieu dans sa vie. C'est parce qu'il reconnaît Dieu à ses côtés que Gédéon va se mettre en route. Le service devient témoignage de ce Dieu qui se fait proche. La recherche de la nourriture qui fait fonctionner le corps amène Gédéon à se replier sur lui-même. Le monde qui entoure Gédéon, les Madianites, sont une menace pour sa nourriture. Alors que la nourriture spirituelle que Dieu apporte à Gédéon va lui permettre de transformer son environnement à l'image de Dieu. C'est en quelque sorte un décentrement. Dieu assure Gédéon de son soutien et de sa présence. Sûr de cela, Gédéon va pouvoir affronter l'adversité.
C'est en plaçant notre confiance en Dieu, Dieu qui nous accorde son appui que nous pouvons en actes et en paroles affronter les événements qui se profilent devant nous. Cette confiance passe par l'expérience vécue de la présence de Dieu dans nos vies.
Nous arrivons à la notion de responsabilité sous entendue dans le passage de l'épître aux Romains que nous avons entendu. Cette proximité de Dieu, son attachement et cette vie qu'il met en nous ne sauraient rester simplement intérieurs. Nous avons la mission, la responsabilité d'en faire quelque chose. Que cette proximité se manifeste dans nos pensées, nos paroles, nos actions. Avec la force qui est la nôtre, notre vie est appelée à être témoignage. Ainsi l'espérance peut être opposée au désespoir, la foi au cynisme, la paix à la haine.
Alors Gédéon, est-ce un homme vraiment extraordinaire ? Nos devrions plutôt dire un homme ordinaire, accompagné et mis en mouvement par un Dieu extraordinaire. Dieu compte sur l'ordinaire, sur des femmes et des hommes ordinaires pour que s'accomplisse son royaume de paix et d'amour.
Amen !