Le Gospel d'Elvis

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Écouter le culte :

I’m not a King, Christ is King, I’m just a singer. Je ne suis pas un roi, Christ est le roi, je ne suis qu’un chanteur.
Gospel music is the purest thing there is on this earth. La musique Gospel est la chose la plus pure sur cette terre. Dieu m’a donné ma voix, si un jour, je lui tournais le dos, je sens que ce serait ma fin. Parfois il est bon de dire seulement quelques mots, il suffit de se mettre à genoux. La religion est comme la musique : on le ressent et elles vous mettent en mouvement.
Nous sommes aujourd’hui accompagnés par les 5 Cops, qui font partie du Festival Gospel Air qui a lieu ce week-end à Martigny et le thème du festival de cette année est Elvis Presley et le Gospel. Nous venons d’entendre quelques phrases qu’Elvis Presley prononça au cours de sa vie.
Elvis ! Toute une génération a écouté ses disques, vu ses films, chanté, dansé le rock‘n roll. Surnommé Elvis the pelvis, le bassin, à cause de ses déhanchements sur scène ou aussi Elvis, Evil’s celui qui appartient au diable, justement pour ses mouvements pas très bien vus par les églises évangéliques de son temps, Elvis a eu dans son enfance et sa jeunesse une relation très forte avec des communautés pentecôtistes, puis apparemment plus de vie spirituelle, du moins visible, au cours de sa carrière.
Sa mort, il y a 35 ans cette année n’a pas arrêté sa carrière terrestre, puisqu’on dit que c’est la personne décédée qui gagne encore maintenant le plus d’argent au monde et sa maison, Graceland est l’un des monuments les plus visités des Etats Unis. « Je ne suis pas un roi, Christ est le Roi, je ne suis qu’un chanteur. »

Quand on parle de Van Gogh, on découvre qu’il avait étudié, sans grand succès, pour devenir pasteur et sa vie d’évangéliste avec les mineurs dans le Borinage, est ignorée du grand public. Il est mort dans la misère, sans jamais renier sa foi et son amour pour les petits et les délaissés du monde.
Pour Elvis, il y a aussi cette partie intime de sa vie, qui se reflète dans les quelques phrases que nous avons entendues. Dans sa jeunesse, il fut un membre actif de l’Assemblée de Dieu, une dénomination évangélique et bien que sa carrière l’ait souvent empêché de participer au culte, il a toujours maintenu sa foi et son amour pour le Gospel.
Il déclara : « Je ne suis pas un saint, mais j’ai toujours essayé de ne rien faire qui puisse faire honte à ma famille ou offenser Dieu. » Il a composé lui-même quelques chants de Gospel et en a arrangé certains, parmi les plus connus et populaires. A la fin de son dernier concert en 1977, il dit au revoir en ces termes : Jusqu’à ce que nous puissions nous retrouver, que Dieu vous bénisse, adios. Cette phrase fait partie d’un hymne : « God take care of you », très populaire comme chant d’au revoir et de bénédiction quand on sait qu’on passera du temps sans se revoir.

Le chant communautaire est l’une des caractéristiques du protestantisme, qui a très tôt traduit et créé ou adapté des mélodies pour le culte. Luther était aussi musicien et il existe un tableau où on peut le voir en train de jouer du luth en famille. Bach, Haendel, Mendelssohn, Paul Gerhard, Joaquim Neander, Wesley, César Malan − pour ne citer qu’eux et en en oubliant beaucoup − furent de grands créateurs de musique religieuse et chorale, qui sont encore dans nos psautiers. Il y a une femme de Strasbourg, au temps même de la Réforme, Katharina Schütz Zell à qui nous devons l’un des premiers recueils de chants, qu’elle avait fait traduire d’un psautier morave.
Calvin s’en est sans doute inspiré lors de son exil à Strasbourg et son contact avec Bucer pour mettre en marche la liturgie réformée et le psautier de Genève. Le piétisme a beaucoup insisté sur les chants spirituels et on lui doit d’avoir influencé Bach. On ne peut pas oublier non plus les Oratorios de Haendel, de Mendelssohn et si nous chantons « A toi la Gloire », c’est grâce à l’oratorio Juda Macchabée de Haendel.

Le Gospel a son origine dans les champs de coton en Amérique du Nord et aussi du Sud, où travaillaient les esclaves noirs. On compte que environ 10'000’000 de personnes furent exilées d’Afrique en Amérique, du Sud puis du Nord entre 1500 et 1850. Tout d’abord par les Espagnols et les Portugais qui les amenèrent dans les îles et les pays comme le Brésil et plus tard les Hollandais et les Anglais, qui les amenèrent au Nord dans les champs de coton.
Peu à peu les consciences s’émurent à leur sujet et sur leurs conditions de travail, comme aujourd’hui quand on parle du travail des enfants et du commerce équitable ou de l’esclavage sexuel et du trafic des personnes. Les maîtres des esclaves d’alors, sans doute aussi pour se donner bonne conscience, décidèrent de les évangéliser, de les amener à l’église écouter les sermons qui leur faisaient découvrir les textes bibliques.
On leur expliquait que l’esclavage était voulu par Dieu. Noé n’avait-il pas dit à son fils Cham qu’il serait l’esclave de ses frères ? Or Cham, selon une tradition s’établit en Ethiopie et donc fut l’ancêtre des noirs et en conséquence était condamné ou même prédestiné à devenir l’esclave des blancs. C’est de cette interprétation qu’était né l’apartheid soutenu farouchement par les églises réformées d’Afrique du Sud.
A partir de 1750, un grand mouvement, inspiré par le piétisme touche les colonies noires et un médecin et pasteur anglais, Isaac Watts, diffusa un recueil d’hymnes spirituels qui eut un succès énorme parmi les esclaves et ceux-ci les mélangèrent à leurs chants de travail et ainsi naquit le negro spiritual et plus tard le Gospel. Adaptant des mélodies entendues dans les églises de leurs maîtres ou en créant des rythmes pour accompagner le travail et en s’inspirant des textes entendus lors des offices, on commença à parler du Gospel − God spell − la parole de Dieu.
Traditionnellement, dès lors, on parle de Negro Spirituals pour les chants inspirés de l’Ancien Testament et de Gospel pour ceux qui sont inspirés du Nouveau Testament et ont pour thème central, Jésus bien sûr, mais aussi les apôtres, les saints, la Nouvelle Jérusalem. Alors, ces chants devinrent des hymnes, un soutien pour la vie, une espérance pour après la vie. Jésus est l’ami qui vous soutient dans vos luttes, alleluia !
En assistant aux services dans les églises de leurs maîtres, ils entendaient aussi le message de liberté, d’un peuple qui avait aussi été esclave et qui avait été entendu et libéré par Dieu. On y voit Moïse qui est envoyé au Pharaon pour libérer le peuple, « Let my people go », on y voit Josué et ses trompettes qui font tomber les murailles de Jéricho, on voit les saints qui marchent en chantant et on soupire aussi pour ce paradis où on aura enfin des vêtements, des chaussures et des ailes. Bientôt, très bientôt on verra le Roi ou bien on se retrouvera à la Rivière de la Nouvelle Jérusalem.
On trouve aussi Jésus dans la chambre haute, In the upper room, dans le jardin, sur la croix et on attend son retour. Dans le Gospel, Dieu est proche, il marche tout près de nous, il nous touche, il nous berce, il nous donne toujours de l’espoir. Peu à peu, la musique devint plus « raffinée », plus de concert, on y ajouta le piano et le Gospel est devenu un genre musical apprécié et pratiqué dans le monde entier. Personne ne peut résister à la tentation de se lever de son siège, taper dans les mains, sourire à son voisin, chantonner les refrains, etc.
Plus tard, des livres comme La cabane de l’Oncle Tom permettront d’ouvrir les yeux sur la réalité de l’esclavage, mais la liberté ne viendra vraiment qu’au milieu du siècle dernier avec la lutte de Luther King pour les droits civils.

Elvis grandit dans ce milieu d’églises du sud des Etats-Unis et cela fit partie de son éducation musicale, dès le berceau. Il déclara : Je crois en la Bible, je crois que tout ce qui est bon nous vient de Dieu, je n’aurais jamais pu chanter ainsi si Dieu ne me l’avait pas donné. Souvent, après des concerts de rock’n roll, il continuait avec son groupe en chantant des Gospels jusqu’au petit matin. Il se sentait plus à l’aise.
On peut remarquer que si Elvis fut nommé pour 14 grammys, il n’en reçut que trois et les trois le furent pour des enregistrements d’albums de Gospel : He touched me et How great thou art, à deux moments de sa carrière. Il n’a jamais cessé d’enregistrer des albums de gospel : 1956, 1960, 1966 et en chantait toujours l’un ou l’autre pendant ses concerts.
Les avis sont partagés sur sa foi, certains l’ont même rebaptisé « Evil’s », celui qui appartient au diable, mais on se rend compte − et je vous recommande de le faire − en le regardant chanter sur les vidéos internet, qu’il ne se déhanche jamais en chantant un Gospel, un hymne, une prière.
On lui a reproché d’arrêter de fréquenter sa paroisse, d’aller à l’église, mais on voir que sur scène, quand il chante un Gospel, il est autre. Il est rempli par la signification profonde des mots, de la foi qu’ils expriment. Est-ce que cela ce n’est pas avoir, malgré tout une vie spirituelle ? A l’époque, il y avait déjà les émissions de téléprédicateurs et ses amis dirent qu’il aimait particulièrement un programme intitulé : You’re loved : Tu es aimé.
Sans doute, il renonça à une pratique paroissiale en voyant que cela pourrait provoquer de trop grandes foules autour des temples si on savait qu’il venait assister à un culte. Souvent, il appela des amis de groupes de Gospel pour venir chanter chez lui, dans sa maison de Graceland, le pays de la Grâce, un nom quand même assez révélateur de sa foi.

La Bible a inspiré tous ces chants et je ne peux que vous recommander de vous y plonger pour y trouver dans l’Exode, dans les Psaumes, dans la vie des premières communautés chrétiennes, comme les esclaves d’il y a deux siècles, comme Elvis et tant d’autres personnes autour du monde cette consolation, cette profondeur de l’amour de Dieu pour chacun et chacune de nous, cette espérance dans un monde d’injustice et de violences, cet amour fraternel qui unit et encourage, cette vie éternelle qui commence ici et n’est pas interrompue par la mort.
He touched me, il m’a touché, il m’accompagne partout.

Amen !

Détails

Avec la participation de
Doris Zermatten, Pierre-Alain Mischler, Pierre Boismorand
Orgue
Musique
Les 5 cop's, groupe de Gospel, Pierre-André Chappot, ténor, Pierre-Alain Roh et Dominique Formaz, baryton-basse, Dominiuqe Zuchuat, ténor, Jean-Marc Revaz, basse. www.cinqcops.ch
Choeur de la Chapelle, sous la direction de Jean-Marie Revaz