Écouter le culte :
Nous serons reconnus à nos fruits
«Vous les reconnaîtrez à leurs fruits», dit Jésus.
Jésus parle des faux prophètes. Facile de conclure, donc, qu’il ne parle que des autres! En tout cas, on aimerait bien que ce texte ne parle que des autres, pour les reconnaître à leurs fruits et en faire le tri, pour mieux placer notre regard et nous protéger des mauvais, pour nous sentir bons.
Mais ce texte parle de nous. Nous serons reconnus à nos fruits car nous sommes les autres des autres. Nous: on est reconnus et les autres gens ne peuvent nous reconnaitre –eux aussi- qu’à nos fruits.
Du coup, il n’est plus question de faire croire ce que nous ne sommes pas, mais de faire croître en nous ce que nous sommes. Pas de faire croire, mais de faire croître. Notre identité, notre manière d’être et de nous faire connaître, passe par nos fruits. On a déjà entendu l’idée dans la parole de Jésus que nous avons lue: «Tout ce que vous voulez que les gens fassent pour vous, faites-le de même pour eux».
«Prenez donc l’initiative» -semble nous dire Jésus. Vous avez une certaine idée de la société? Vous avez une idée de partage? Vous avez une proposition pour mieux construire l’humanité, mieux construire l’Eglise? Vous avez une proposition? Portez des fruits. Prenez donc l’initiative!
Il ne suffit pas de prendre place et de tout trouver mauvais, de voir venir, d’observer et critiquer sans rien dire, mettant des notes aux bons et aux moins bons. Il s’agirait plutôt de porter des fruits: comme un arbre qui donne du fruit dans son temps et dont les feuilles ne tombent pas.
C’est notre carte d‘identité. Nous serons reconnus à ce que nous apporterons à la vie. Ce n’est pas une mission pour les autres, mais pour nous, qui sommes les autres des autres.
Une initiative joyeuse! A nous qui parfois avons peur de faire faux, Jésus ne conseille pas l’immobilité de peur de mal faire, la peur de se faire avoir en faisant le bien sans être compris ou la lourde charge de travailler pour être bons afin de gagner quelque chose ou de tenter de convaincre Dieu d’un quelconque mérite qui nous placerait mieux que les autres dans la course à la vie. Jésus nous dit de porter des fruits: d’être ce que nous sommes et de porter les fruits qui vont avec. De reconnaître au fond de nous ce qui nous semble être notre essence et notre identité. Et de donner de cela. De partager de cela. D’offrir aux autres un peu de ce que nous sommes en portant des fruits qui nous identifient et montrent aux autres ce que nous sommes, qui nous sommes, où nous sommes.
Nous ne sommes pas invités à juger depuis le balcon
Ce n’est donc pas un permis religieux pour juger. Nous n’avons pas à être les comptables des fruits des autres pour les soupeser à la lumière de notre jugement critique. Pour cela, il suffirait d’un fauteuil, d’un téléviseur, d’une rumeur bien répandue, en se plaçant au balcon à regarder les fruits de ceux que nous approuverions ou n’approuverions pas. Jésus dit: «Toi! C’est toi qui es comme un arbre! Tu ne seras pas reconnu par ce que tu sembles être, mais par ce que tu es et ce que tu produits.
Connaissez-vous le cerisier du Japon? Une espèce japonaise d'arbre d'ornement en tout presque identique à un vrai cerisier. A se tromper, quand il est en fleur. A se tromper si on regarde forme, feuilles ou branches. Mais il ne porte pas de fruit. Il ressemble à un cerisier, mais il n’est pas un cerisier à cerises. Jésus nous dit: «Il ne s’agit pas de paraître. Il s’agit de porter les fruits qui vont avec ce que vous êtes.
Donner des fruits
Comment s’y prendre? Jésus associe l’idée de produire des fruits à l’idée de savoir ce que nous sommes. Comme un arbre qui est ce qu’il est. Et il associe l’idée à faire quelque chose parmi les autres.
Il y a là-dedans un projet de famille, de voisinage, de société, un projet d'humanité, un projet de vie. Il ne s’agit pas de faire des choses en pensant à nous pour tenter de nous tranquilliser devant Dieu et lui démontrer que nous sommes ou que nous voulons être bons.
Il s’agit de donner de nous, de nous risquer à être plus actifs, plus généreux, plus ouverts aux autres. Produire des fruits en faisant de mon mieux. Faire mieux. Faire bien. Faire du bien.
Jésus nous parle de répandre la contagion du bien. D’assurer, là où nous sommes, la pollinisation du monde en suscitant des croissances nouvelles. Ceci serait tellement mieux que de s’appliquer à regarder les autres et à condamner. Travailler plutôt à trouver des solutions plutôt que s’asseoir et repérer ceux qui se trompent.
Il s’agit plutôt de prendre une initiative, souvent simple et modeste, d’ailleurs. Saluer, considérer, regarder les autres est déjà un bon commencement. Pas seulement regarder en quête du mauvais chez les autres, mais en produisant ce qui nous semble bon pour tous. Accepter, comprendre, pardonner, c’est déjà une bonne suite. Pas pour juger les mauvais, mais pour produire humanité et fraternité humaine comme fruit. Rétablir, restaurer, enrichir nos relations c’est un bon projet. Se lancer dans une démarche de coopération et de don, en y mettant de ce que je suis, en laissant mes fruits parler de moi. Que mon respect de mon voisin lui fasse me connaître dans ma vraie nature. Que mon sourire me projette vers ma famille. Si tous et chacun se lançaient dans cette même entreprise de fertilisation du monde, dans le même chemin d’entente et d’accueil par le don et le partage de ce que nous sommes parmi ceux que nous rencontrons et qui nous sont proches, les chances de la vie seraient plus grandes que les chances de la non-vie.
Et de cette manière, nous ne serions pas seulement à reconnaître le mal chez les autres, mais les autres pourraient nous connaître aussi par nos fruits, nos bons fruits d’hommes et de femmes faits pour donner et qui donnent de ce qu’ils sont.
Amen