Écouter le culte :
Et vous, comment avez-vous commencé l’an nouveau ? Etes-vous de ceux et de celles pour qui passer le nouvel an en compagnie est important, important de marquer le coup de l’année nouvelle, de la symboliser comme cela, ou bien cela n’a-t-il strictement aucune importance ? Commencerez-vous l’année remplis d’espérance, le regard tendu vers tout ce que l’année nouvelle va apporter de beau et de bon ? Ou bien êtes-vous plutôt de ceux, comme un certain nombre de gens autour de nous il me semble, qui sont résignés, qui n’ont pas le moral, qui se disent que l’être humain sera de plus en plus égoïste, qu’il y aura de plus en plus d’attentats dans le monde et qu’il n’y a pas, au seuil de l’an nouveau, de véritable raison d’espérer ?
J’entends souvent autour de moi dans les conversations comme dans les médias un certain pessimisme faire sa trace, faire discrètement son chemin : tout est fichu, les mauvaises nouvelles trop nombreuses, le monde est livré (ce qui n’est d’ailleurs pas faux !) aux dictatures de l’économie, au pouvoir de Mammon, laissant peu de portes ouvertes à l’espérance.
Notre humanité est-elle au bout du rouleau ? Il semble effectivement que les gens sont de plus en plus occupés, submergés d’activités qui mettent parfois à l’épreuve leur propre fiabilité. L’individualisme gagne du terrain sur la vie communautaire, mettant à mal de très nombreuses vies de famille. Insidieusement, le pessimisme fait son chemin, et rares sont les voix nouvelles qui osent venir ouvrir dans le brouillard un chemin nouveau. Elles sont rares, modestes, ces voix, mais elles existent ; au nombre d’entre elles par exemple le très beau film de Mélanie Laurent et ses compères, Demain, venant tracer un chemin d’espérance pour notre monde. Tout le contraire de la résignation.
S’il y en avait deux qui avaient toutes les raisons d’être au bout du rouleau, c’était bien ces deux-là. La mort de leur ami tant aimé était venue ruiner d’un coup leurs plus belles espérances. Parce qu’enfin, tout cela avait bien commencé pourtant. Ils l’avaient côtoyé, ils avaient assisté à ses miracles, s’étaient émerveillés comme tant d’autres de la façon par laquelle il réinstallait les hommes et les femmes de son temps dans un chemin d’espérance. Parce qu’enfin, pour réinstaller hommes, femmes, enfants de son temps dans l’espérance, il n’y avait pas plus fort, pas plus crédible, pas plus audacieux. Avec lui, les chevilles des boiteux redevenaient fermes, les yeux des aveugles voyaient à nouveau, les paralysés de tout ordre se remettaient debout… Tant de prodiges accomplis par ses gestes audacieux, tant de miracles effectués par l’audace et la nouveauté absolue de sa parole, lui qui ne craint rien ni personne. Liberté absolue dans ses gestes, liberté prodigieuse dans tout son être, aucune peur d’autrui ou du qu’en dira-t-on. Comme le disent une fois les pharisiens lorsqu’ils le rencontrent ; nous savons que tu es absolument libre et que tu n’as peur de personne. Peur de personne, effectivement, parce que Jésus vit de la confiance absolue en son Père.
Pour retrouver la trace du ministère historique de Jésus, pour retrouver l’impression forte qu’a produit son ministère sur ses premiers amis, il suffit de nous mettre à l’écoute de ce que racontent deux hommes découragés à cet inconnu qui les rencontre sur la route : cet homme, en qui nous avons placé notre espérance, était un prophète puissant en actes et en paroles devant Dieu et devant tout le peuple. Nous espérions que ce serait lui qui délivrerait Israël, mais avec tout cela, il est mort de la plus honteuse des façons, cela fait déjà trois jours et donc plus de possibilité maintenant de revenir en arrière. Plus de raison objective de croire que la mort va encore se raviser, changer d’avis au dernier moment, plus aucune raison de croire que la mort va faire machine arrière pour se raviser dans ses funestes projets. Oui, nous comptions sur lui pour délivrer Israël, pour sortir notre pays de toutes ses souffrances, de toutes ses angoisses. Nous espérions que ce serait lui qui délivrerait Israël. Pace qu’enfin, il en avait la carrure, parce qu’enfin il en avait l’étoffe. Mais maintenant qu’il est mort, abandonné de presque tous et de quelle effroyable manière, nous ne savons plus que penser. (…)
Absolument remarquable, ici, au cours de cette mystérieuse rencontre vers laquelle les yeux des deux découragés sur la route s’ouvrent progressivement à sa lumière, absolument remarquable est la façon par laquelle Jésus les rejoint dans leurs préoccupations les plus intimes. Il commence par les écouter. Par avoir le cœur et les oreilles grandes ouvertes sur leurs souffrances. Qu’est-ce qui bout dans votre marmite ? Le mystérieux voyageur rencontré en chemin est tout d’abord, et c’est déjà pas mal, dans un premier temps déjà, à leur écoute. Il retourne au commencement, aux tout débuts de la Bible qui parlaient de lui, et il se fait l’exégète, l’herméneute de sa propre destinée. Il leur ouvre les yeux sur sa propre histoire, et tout ce qu’en avaient dit les prophètes avant sa venue. Il fait se déciller les yeux de leur cœur, aveuglés par la tristesse et l’incompréhension, pour leur faire comprendre sa propre destinée au milieu des hommes.
Au contact avec cette personne aimée, mystérieusement présente à leurs côtés qui chemine avec eux, infiniment à leur écoute, quelque chose en eux s’ouvre. C’est comme un feu, ténu filet d’espérance initial prenant de plus en plus d’ampleur par la suite.
Je reviens à ma question initiale : comment commencerons-nous l’an nouveau ? Pour résister au pessimisme, au catastrophisme ambiant, la présence de Jésus sera déterminante. Autant commencer l’an nouveau avec Jésus qui chemine avec nous et nous rejoint là où nous sommes. Il est ce voyageur inconnu qui marche sur nos route et fait s’ouvrir nos yeux engourdis par la tristesse et le découragement. Il est cette colonne de nuée le jour, cette colonne de feu la nuit qui vient éclairer nos pas comme ceux du peuple autrefois. Dans la vie de ces deux découragés autrefois, avec tact et délicatesse, il ré-ouvre tous les possibles. Il déroule lui-même tout l’écheveau de leurs souvenirs, les fait se souvenir de toutes ses promesses. Cette destinée tragique qui fut la mienne, leur dit Jésus, ne doit pas vous épouvanter, cette mort solitaire ne doit pas pour vous être source d’effroi. Elle correspond au projet de Dieu, oui, tout cela avait déjà été annoncé bien avant que cela n’arrivât. Jésus est l’Emmanuel, le Dieu avec nous. Il nous ré-ouvre un horizon là où nous le croyions perdu. L’horizon est bouché, les circonstances pas favorables. Les raisons de désespérer sont là. La sécularisation de nos sociétés s’accroît et s’accroîtra vraisemblablement encore davantage. Et pourtant, par son attitude toute empreinte de sagesse et de lumière, Jésus permet que l’aventure de la vie pour ces deux découragés sur la route continue. Il suffira d’un signe, chantait Jean-Jacques Goldmann dans sa célèbre chanson. Ici aussi, il a suffi d’un signe, le partage du pain et du vin autour de la table, pour qu’ils le reconnaissent, pour que leurs yeux s’ouvrent à sa lumière. Il suffira d’un signe… de si petites choses peuvent faire basculer nos vies dans un sens ou dans un autre. Ces deux-là ont été réinstallés dans l’espérance, et, on l’espère pour eux, cette fois définitivement. La rencontre avec Jésus, ce mystérieux pèlerin rencontré sur la route, leur a redonné un avenir. Cette fois demain n’est pas un vain mot, mais ce mot magique résonnant dans chacune de leur vie de mille et une promesses.
Amen.