La prière, confiance en un Dieu proche

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« Imaginez que l’un de vous ait un ami… » (v. 5) : voilà comment Jésus – dans l’Évangile que nous venons d’écouter – explique à ses disciples quelle est la situation de celui ou de celle qui prie. Prier, c’est se trouver en face d’un ami, et savoir qu’on peut tout lui exprimer. Un ami est là à tout moment, il est possible de lui demander un soutien ou de partager sa joie avec lui, ou on peut se tenir simplement en silence à ses côtés, en étant assuré de l’entente et de la connivence qui nous unit. En amitié, comme dans la prière, on s’appuie avec sûreté sur une présence bienveillante, en sachant avec certitude qu’elle nous écoute et qu’un dialogue peut s’instaurer avec elle.

La prière n’est donc pas une attitude enfantine et crédule, un comportement naïf qui se traduirait par des paroles jetées en l’air, vers un être imaginaire, pour se rassurer. Et ce n’est pas davantage la posture prétentieuse de celui qui attendrait que toutes ses requêtes, voire tous ses caprices soient automatiquement satisfaits à l’instant. Non, Jésus l’affirme dans l’Évangile de ce dimanche : prier, c’est la demande d’aide qu’un homme démuni adresse à un ami. C’est une parole audacieuse et peut-être incommodante, mais libre et incarnée, fondée dans la réalité. C’est la confiance de pouvoir déranger l’autre même au pire moment, et la conviction que sa présence ne fera pas défaut. Car prier, comme Jésus en donne l’exemple dans sa vie, c’est avant tout s’ouvrir à une présence toujours fidèle, une présence qui répond aux sollicitations de ses amis avant tout en révélant précisément qu’elle est bien là, toute proche.

C’est d’ailleurs parce que les disciples de Jésus l’ont vu un jour prier ainsi, en toute familiarité, qu’ils lui demandent de les instruire en cette matière. Et dans l’enseignement sur la prière qu’il leur donne alors, Jésus conseille de ne pas craindre de tout dire et de tout demander à cet ami fiable qu’est Dieu, de s’ouvrir sincèrement à lui. « Allez même le déranger dans les moments inconvenants, n’hésitez pas à lui exposer tous vos problèmes, parce qu’il vous écoutera ! », conseille-t-il. Jésus nous appelle à ne pas être trop polis ni trop pudiques dans notre prière. Dieu est un ami : nous pouvons tout lui dire. Oui, « demandez, on vous donnera ; cherchez, vous trouverez ; frappez, on vous ouvrira. » (v. 9).

Mais comme dans une amitié humaine, lorsque le dialogue de la prière s’approfondit, on apprend toujours mieux à connaître l’autre, on se met à comprendre de façon plus intime qui est notre interlocuteur. Or si Dieu est cet ami à qui nous pouvons tout demander, on devine aussi peu à peu que, malgré nos illusions initiales, il ne peut pas tout. Dans la prière, on découvre qu’il nous répond, certes, mais qu’il ne nous donne pas automatiquement tout ce dont nous rêvons ! Et on saisit alors surtout que la promesse à laquelle il ne fait jamais défaut, comme un ami authentique, c’est précisément sa présence constante, qui nous soutient incomparablement.

Mais dans l’approfondissement de cette relation d’amitié qu’est la prière, il n’y a pas que Dieu, cet ami qui nous écoute, que l’on apprend à connaître de mieux en mieux ; l’échange, comme par ricochet, nous fait aussi toujours mieux comprendre qui nous sommes nous-mêmes. Les perpétuelles demandes que nous faisons dans la prière, la recherche que nous y poursuivons, la porte à laquelle nous continuons de frapper nous dévoilent qu’en vérité nous sommes des êtres de désir. Et puisque la relation d’amitié confiante qu’est la prière nous permet d’être en vérité devant Dieu, nous sommes invités à poser ce désir devant lui : « Seigneur, tout mon désir est devant toi », dit le psalmiste (Psaume 38, 10).

Dire à Dieu nos attentes, nos nécessités, cela nous conduit à mieux comprendre le sens de ce que nous considérons comme nos besoins, pour en voir parfois la vanité : la prière de cette manière évangélise nos propres agitations, elle nous aide à les poser dans le cadre qui est celui de notre foi, et à renoncer à certaines de nos prétentions. Ce n’est que dans cette démarche de lucidité et de vérité qu’un changement en nous est possible.

Jésus pourtant conseille de ne pas se lasser d’être en quête. C’est bien le sens de la prière qu’il donne en exemple à ses disciples au début de son instruction, le Notre Père. Ce qui y frappe, c’est que les mots que Jésus indique aux disciples pour parler à Dieu sont toutes des requêtes. Car dans le rapport d’amitié qu’est la prière, il n’est pas nécessaire de s’embarrasser de formules de politesses ; on peut immédiatement manifester ses besoins.

Cela dit, les premières demandes de cette prière, avant celles concernant la survie, le pardon et la sécurité, portent sur Dieu lui-même : nous sommes invités à demander à Dieu de « sanctifier son nom », c’est-à-dire de manifester sa présence souveraine et bienveillante, et de « faire venir son Règne » (v. 2), à savoir de se rendre proche et visible. C’est donc en premier lieu la présence consolatrice de Dieu, une nouvelle fois, que les disciples désirent avant tout. S’ils vivent leur foi en vérité, les chrétiens aspirent à l’assurance de la présence amie du Seigneur : c’est elle qui les fait vivre et les fait grandir.

Mais attention, cette relation d’amitié avec Dieu à laquelle le chrétien aspire n’a rien d’intimiste, ou de fusionnel. Si elle excluait les autres, elle s’enfermerait sur elle-même, elle se paralyserait et deviendrait stérile. Non, dans la prière, on parle à l’ami céleste d’autres amis également, qui sont dans le besoin. D’ailleurs, pour expliquer à ses disciples ce qu’est la prière, Jésus se sert précisément d’une histoire où un homme dérange un ami parce qu’il est interpellé par le malheur d’un autre. En présence de l’ami que nous invoquons, nous découvrons que nous avons tant d’autres amis. L’amitié avec Dieu ouvre à une amitié plus large. La prière n’est pas une fuite, une projection illusoire, mais bien une ouverture sur les autres, une intercession en faveur des amis dans le besoin.

Dans la première lecture, c’est exactement ce qu'Abraham met en œuvre en demandant à Dieu, dans une sorte de marchandage, de préserver la ville de Sodome de la destruction à laquelle elle est promise. La prière adressée à un ami ne me clôt pas sur moi-même, mais elle appelle ma responsabilité d’ami. Et sans doute inspirera-t-elle aussi mon engagement concret dans les situations de détresse que je rencontrerai autour de moi.

L’enseignement de Jésus se termine alors par une promesse : « Le Père du ciel donnera l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent ! » (v. 13). Il est une prière que Dieu exaucera sans faute, promet-il. Oui, l’exaucement de la prière, la chose bonne que Dieu accorde toujours à ceux qui lui ouvrent leur cœur, c’est son Saint-Esprit. À travers lui, Dieu nous assure à tout moment de sa présence fidèle et vivifiante. Et par son Esprit qui « vient au secours de notre faiblesse » (Romains 8, 26), par son amitié constante qu’il nous garantit, Dieu peut faire toute chose nouvelle (Ésaïe 43, 19) : pour nous et en nous qui sommes ses amis, mais aussi pour tous les amis de nos amis.

Amen.

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Prier, n’est-ce pas une attitude infantile et crédule? Des paroles projetées en l’air, vers un père imaginaire, pour se rassurer? Non, répond Jésus, c’est la demande d’aide qu’un homme démuni adresse à un ami. C’est la confiance de pouvoir déranger l’autre même au pire moment, la certitude que sa présence ne fera pas défaut. Jésus en donne un modèle très concret que tous peuvent reprendre : le Notre Père.
Aux croyants adultes une promesse est donnée : par son Esprit, à tout moment, le Dieu de tout amour se fait proche de chacun.

Détails

Avec la participation de
Julie Paik
Orgue
Gérald Chappuis
Musique