Culte Mosaïque interculturel et oecuménique au temple de Bellevaux à Lausanne

Culte Mosaïque interculturel et oecuménique au temple de Bellevaux à Lausanne (©Emmanuel Cretegny)

Écouter le culte :

« Qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Évangile la sauvera. »

Marc 8, 27-35 (version TOB)
Jésus s’en alla avec ses disciples vers les villages voisins de Césarée-de-Philippe. En chemin, il interrogeait ses disciples : « Qui suis-je, au dire des hommes ? »

Ils lui dirent : « Jean le Baptiste ; pour d’autres, Elie ; pour d’autres, l’un des prophètes. »

Et lui leur demandait : « Et vous, qui dites-vous que je suis ? »

Prenant la parole, Pierre lui répond : « Tu es le Christ. »

Et il leur commanda sévèrement de ne parler de lui à personne. Puis il commença à leur enseigner qu'il fallait que le Fils de l'homme souffre beaucoup, qu'il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu'il soit mis à mort et que, trois jours après, il ressuscite. Il tenait ouvertement ce langage.

Pierre, le tirant à part, se mit à le réprimander. Mais lui, se retournant et voyant ses disciples, réprimanda Pierre ; il lui dit : « Retire-toi ! Derrière moi, Satan, car tes vues ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. »

Puis il fit venir la foule avec ses disciples et il leur dit : « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même et prenne sa croix, et qu’il me suive. En effet, qui veut sauver sa vie la perdra ; mais qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Évangile, la sauvera. »

------------------------------------

Anne Rochat (AR)
Waouh, quel texte difficile nous venons d’entendre ! Difficile à comprendre d’abord et difficile à vivre peut-être aussi !

Virgile Rochat (VR)
Oui, tu as raison. C’est un texte un peu ardu, mais c’est tant mieux, car plus c’est difficile, plus il y a de choses à recevoir et à expérimenter !

AR
On se lance ?

VR
On se lance !

AR
Le texte nous dit que Jésus s’en alla avec ses disciples vers les villages voisins de Césarée-de-Philippe. Pourquoi ces précisions ?

VR
D’abord Jésus bouge, c’est un intranquille ! Il est tout le temps en route, en chemin. Et il ne va pas seul, il s’entoure de celles et ceux qui veulent le suivre. Il ne se rend pas seulement dans les villes importantes ou célèbres, il va aussi dans les villages sans importance.

AR
Et 2000 ans après, il vient donc chez nous, dans nos quartiers, nos rues, nos maisons… Mais, Césarée-de-Philippe, c’était où, c’était quoi ?

VR
C’était un bourg situé tout au nord de la Palestine, un village créé par le roi Hérode Philippe en l’honneur de César. Donc en pays occupé, où d’ailleurs vivaient beaucoup de non-juifs. Or Jésus va partout, même là où la situation politique est problématique, même là où il y a passablement d’étrangers, qui étaient considérés comme infréquentables par les juifs pieux d’alors.

AR
Aujourd’hui encore, il ne fait pas de différence, il continue à venir dans nos situations difficiles, nos blocages, notre quotidien !

VR
Sur un plan plus symbolique, ces villages se situent au pied du Mont Hermon, aux sources du Jourdain. Les sources, c’est le début, le commencement. Et le Jourdain, c’est l’eau. L’eau qui désaltère humains et animaux, qui irrigue les champs. L’eau c’est la vie. Vie que Jésus nous apporte en plénitude : « Je suis venu pour apporter la vie, la vie en abondance », comme le précise Saint Jean (Jean 10, 10).

AR
Décidément, ce verset dit plus de choses qu’il n’y paraît ! L’eau : l’eau de tous les jours pour évoquer ce que Jésus nous apporte et la mention de la source, comme une invitation à entamer un itinéraire spirituel, ça me parle. Mais continuons ! Le maître et ses disciples sont donc en chemin.

VR
Avec Jésus, on est en chemin, oui ! Il faut juste se laisser mettre en route… et, de fait, le suivre. Tout le passage de ce jour – le passage bien nommé – va nous inviter à suivre Jésus. Avec quelques surprises…

AR
En chemin donc, Jésus interroge ses disciples : « Au dire des hommes, qui dit-on que je suis ? »

Je me suis questionnée sur cette curiosité. Le maître avait-il besoin de tester le degré de compréhension et d’adhésion de ses amis ? Mais ne connaît-il pas déjà le cœur de chacun ? Peut-être que cette question, il la pose surtout pour que nous puissions y répondre. Je veux dire, parce que nous avons besoin de pouvoir y répondre, chacune, chacun. C’est peut-être la seule question vraiment importante !

VR
C’est en tout cas intéressant que Jésus lui-même interroge sur son identité, car on va en apprendre beaucoup. Dans le texte, on repère d’habitude deux réponses : celle des foules et celle de Pierre. Mais (on va le voir), il y en a trois en réalité ! La troisième étant celle de Jésus lui-même !

AR
Parle-nous d’abord de la réponse des foules.

VR
Selon les disciples, la plupart des gens pensent que Jésus est Jean le Baptiste, éventuellement Elie, ou encore un autre prophète. Pour bien comprendre ces réponses, il faut savoir que dans la représentation que les juifs se faisaient du messie à l’époque, celui-ci devait être précédé d’Elie, et que Jean Baptiste avait été lui-même pris pour Elie. Ce n’était donc pas faux, comme ce n’est pas faux de nos jours quand des personnes reconnaissent en Jésus un sage ou un prophète. Ce n’est juste pas la totalité. Jésus est beaucoup plus que cela.

AR
C’est donc Pierre qui donne la « bonne » réponse. Pierre dit : « Tu es le Christ ». Christos est un mot grec qui traduit l’hébreu mashia’h, mot qui a donné « messie » en français. Et messie signifie « oint », du verbe oindre, un verbe que l’on ne conjugue plus beaucoup de nos jours ! Dans le Premier Testament on intronisait les rois en les oignant, en faisant couler sur leur tête une onction, un peu d’huile, signe de leur élection. Pierre dit donc que Jésus est le choisi, l’élu de Dieu pour sauver le monde.

VR
La parole de Pierre est une parole de vérité. Il a compris qui est vraiment son maître. Mais je me demande bien pourquoi Jésus rabroue ses disciples après avoir obtenu la réponse qu’apparemment il attendait d’eux ? Pourquoi brise-t-il leur élan ? Pourquoi exige-t-il qu’ils se taisent et ne parlent de lui à personne ? Il aurait dû au contraire les inviter à parler, à témoigner, à temps et à contre-temps comme le dit Saint Paul ! (2 Timothée 4, 2)

AR
C’est bizarre en effet et beaucoup de commentateurs se sont penchés sur ce silence imposé aux disciples, en particulier dans l’évangile de Marc.

VR
Quand on les lit, on découvre plusieurs interprétations. Pour certains, Jésus savait que « son heure » – c’est-à-dire le moment choisi par son Père pour se dévoiler – n’était pas encore venue. D’autres pensent que les disciples n’étaient pas encore suffisamment mûrs et éveillés pour comprendre (d’ailleurs l’ont-ils été une fois ?). Il y a sans doute du vrai dans tout cela, mais…

AR
Tu as une autre idée ?

VR
Oui ! Et c’est une idée que partagent plusieurs commentateurs : si Jésus demande le secret à ses disciples sur sa messianité, c’est parce qu’il ne veut pas entrer dans les attentes religieuses de son temps (mais aussi de notre temps) ! Les attentes d’un messie tout puissant, qui viendrait sur terre pour tout arranger d’un coup de baguette magique, d’un messie qui redresserait en un instant ce qui ne va pas dans nos vies et dans le monde ! C’est bien le but, mais pour ce faire le Christ a besoin de nous et le chemin n’est pas un chemin facile.

AR
Tu veux dire que Jésus nous invite à changer de regard sur ce que cela signifie d’être le messie ?

VR
Exactement ! Si l’on suit de près le texte biblique, on voit qu’après avoir entendu la confession de foi de Pierre et avoir commandé à ses disciples de se taire, « il commença à les enseigner et leur dit qu’il fallait que le Fils de l’Homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les notables, qu’il soit mis à mort et ressuscite trois jours après. »

AR
Il fallait qu’il souffre. Ce « il fallait » me chiffonne… Il m’évoque un sombre destin venu du fond des âges, un décret divin, une nécessité. Pour moi, cela reste un mystère.

VR
La suite du verset nous apporte une réponse : s’il faut que le messie soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, les tenants de la tradition et de l’ordre social, c’est qu’ils avaient tout à craindre de ce Jésus remuant.

A force de prêcher au peuple, aux petites gens, à force de valoriser les simples, les sans noms, les exclus, Jésus suscitait l’enthousiasme des foules… et la rage des autorités établies. Pas étonnant qu’elles l’aient attendu au contour !

Et si on réfléchit bien, c’était constitutif de son message. Jésus disait : « Je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs. Ce ne sont pas ceux qui se portent bien qui ont besoin de médecin, mais les malades. » (Luc 5, 31-32)

AR
D’accord, sur un plan humain, je vois bien ce que tu veux dire : les autorités sont prêtes à tout pour stopper les révolutionnaires, qui menacent leur pouvoir. Mais il me semble que Jésus cherche à nous apprendre quelque chose de plus profond encore sur sa mission parmi les humains.

Et c’est à une véritable empoignade que nous assistons : choqué par les paroles sombres de son maître, Pierre tire Jésus de côté et le rabroue à son tour : « Mais non, tu ne seras pas inquiété, tu ne seras pas arrêté, tu ne seras pas tué… » Jésus réagit alors avec une force impressionnante : « Arrière de moi Satan, car tes paroles ne sont pas celles de Dieu ! ». Jésus remet en quelque sorte Pierre à sa place, c’est-à-dire derrière lui, à sa suite !

VR
Oui, c’est énorme ! Jésus se fâche – d’une sainte colère – et il utilise exactement les mêmes paroles que lors de la tentation au désert pour vaincre le diable. Car c’est l’Adversaire qui promet à l’humain la puissance, le pouvoir et le triomphe, là où le Serviteur de Dieu se prépare à affronter la condamnation, l’abandon et la mort sur la croix. Oui, le triomphe de la résurrection est certain, mais on ne peut renaître à la vie sans passer par la mort, d’abord !

AR
Tu as remarqué ? Jésus appelle non seulement ses disciples, Pierre y compris, mais la foule tout entière pour achever l’enseignement de ce jour-là : « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Évangile la sauvera. »

VR
Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais je commence à saisir la formidable énergie de vie et de libération qu’il y a dans le message de l’Évangile, mais je commence à comprendre aussi qu’il nécessite un engagement exigeant, difficile.

AR
Le message et l’agir de Jésus sont tellement différents de ce qui se passe dans le monde que cela ne peut pas aller comme sur des roulettes. Jésus va à contre-courant… Ça finira bien (le troisième jour !), mais le chemin pour y arriver est un chemin étroit.

VR
C’est ce qu’un théologien allemand, Dietrich Bonhoeffer – qui a vécu au XXème siècle, et en particulier pendant la seconde guerre mondiale – a appelé le prix de la grâce. Et il l’a payé de sa vie…

AR
C’est que la destinée de Jésus est la nôtre aussi, dans toutes ses dimensions. Et je crois que ce texte peut toucher toutes celles et ceux qui traversent des temps difficiles à cause de l’évangile. Comme disciples du messie, nous sommes appelés à nous décentrer, à nous mettre au service des autres en donnant de notre temps, de notre argent, de nos capacités, dans la confiance que ce don de nous-mêmes est la clé de la vie en plénitude, la clé de la joie véritable. Certes, nous avons à connaître la vulnérabilité, la perte, l’injustice, et à nous confronter d’une manière ou d’une autre au mal et à la mort ; mais nous, nous croyons à la résurrection !

VR
Car sur la croix, par amour et en toute liberté, Dieu en Jésus-Christ nous précède à travers la mort et offre sa vie pour notre vie. Toujours il nous relève, toujours il nous appelle à répondre à son amour, à nous engager dans sa voie, à venir boire à sa source, afin de devenir à notre tour source de vie pour ceux qui nous entourent.

AR
Alors aujourd’hui, écoutons résonner cette promesse de Jésus ! : « Qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Évangile la sauvera. »

Qu’elle nous guide, qu’elle nous libère de la peur et qu’elle nous remplisse de joie !

Amen.

Le dimanche 15 septembre 2024, fête du Jeûne fédéral, RTSreligion propose une matinée œcuménique autour de la rencontre entre cultures dans les célébrations chrétiennes. Une émission transmise sur RTS Espace 2, de 9h à 11h, avec une table ronde et une célébration œcuménique.

Alors que le christianisme semble en déclin en Occident, les Eglises des pays du Sud sont en forte croissance. Leur dynamisme et leur vitalité pourraient même redonner élan à la foi chrétienne dans nos contrées. C’est de cette conviction que sont nés les Cultes Mosaïque dans la paroisse réformée lausannoise de Bellevaux. La communauté locale y célèbre régulièrement avec les membres de l’Eglise presbytérienne réformée du Cameroun, de l’Eglise pentecôtiste érythréenne «Jesus is Coming Back» et les fidèles de la paroisse catholique voisine de Bois-Gentil.

Que peuvent offrir ces rencontres interculturelles? Comment permettent-elles à chacun de trouver sa place? Telles sont les questions qui seront abordées lors de la table-ronde qui ouvrira cette émission. Y participeront l’animatrice d’église Anne Rochat et le pasteur érythréen Samuel Tesfay, avec la contribution du pasteur togolais Espoir Adadzi.

La table ronde sera suivie à 9h30 d’une célébration interculturelle et œcuménique ouverte à tous. Elle sera présidée par le pasteur vaudois Virgile Rochat, avec les membres des communautés camerounaise et érythréenne.

Animation: Carole Pirker et Matthias Wirz, journalistes RTS Religion.

Détails

Avec la participation de
Orgue
Musique