"N'oubliez pas"

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Bienvenue à la chapelle des gens de la rue...
Bienvenue à vous qui êtes venus ici ce matin pour partager ce moment de prière et de louange œcuménique avec nous...
Bienvenue à ceux et celles qui partagent ce moment avec nous par le moyen de la radio...
Bienvenue aux techniciens de la RSR et à tous ceux qui ont rendu possible cette célébration radiodiffusée...
Bienvenue dans cette chapelle de la Maladière, qui était jadis la chapelle de ceux qui n'avaient pas le droit d'entrer dans la ville, ceux qu'on déclarait "hors les murs", les lépreux, les pestiférés, les gens peu recommandables et ceux qui dérangeaient l'ordre établi.
Bienvenue pour ce temps de célébration que nous avons préparé ensemble, dans un esprit œcuménique et en collaboration avec des gens concernés par les problèmes de ceux qui habitent nos rues, nos squats, nos coins de misère. Pour cheminer ensemble au travers de cette heure de prière, de louange et de témoignages, nous avons choisi un seul texte de la Bible, à la charnière des deux testaments, le cantique de Marie, aussi connu comme le Magnificat. Parce que cette parole inspirée fait une grande place aux humbles et aux petits, et aussi parce que cette prière est éminemment œcuménique.

Luc 1 : 46-49

"Oui, vraiment, le Seigneur est grand ! Je le chante ! Mon cœur est dans la joie à cause de Dieu qui me sauve. Il a fait attention à moi, sa servante sans importance. Oui, à partir de maintenant, les gens de tous les temps me diront bienheureuse. Le Dieu Tout-puissant a fait pour moi de grandes choses. Son nom est saint."

"Oui vraiment le Seigneur est grand. Son nom est saint". Des chrétiens de toutes les confessions et de tous les horizons ont repris ce cri du cœur, pour dire leur confiance en ce Dieu de tendresse qui est proche des petits et des humbles.

Oui Dieu est vraiment grand et nous voulons lui dire notre reconnaissance pour tout ce qu'il nous donne au jour le jour; pour tous les moments de rencontre et de partage, pour tous les pas faits sur le chemin de l'œcuménisme, pour toutes les portes qui se sont ouvertes, pour tous les signes de la compassion et de la solidarité, pour tous les appels entendus, pour toutes les résurrections.

Oui Dieu est vraiment grand et c'est aussi pourquoi nous pouvons lui dire nos détresses, lui confier nos espoirs les plus secrets, nos fautes et nos folies, nos angoisses et nos désespoirs, car il est plein de bonté et il ne juge pas...

Témoignage de Fabienne

Bonjour,

Je m'appelle Fabienne et j'appelle à l'aide. Cela fait bientôt six ans que je suis dans la dope... Six ans que je galère... et je vous assure que c'est dur ! Au début, la dope c'était bien... ça m'a donné à peu près tout ce que je voulais. Puis, très vite, elle m'a pris en otage, et maintenant, chaque fois que je la prends, ce n'est pas pour être bien, mais tout simplement pour ne pas être mal.

J'aimerais tellement trouver une porte de sortie, un petit appart, mon chien, une vie un peu plus peinarde... sans flic et sans manque, sans avoir besoin, tous les matins de ce bas-monde à me demander où je vais pouvoir trouver ma prochaine dose... J'en ai vraiment marre ! Mais qui va m'aider ?
Quand je fais la manche, les gens me disent que je n'ai qu'à travailler. Mais vous croyez vraiment que c'est facile d'en trouver du travail, pour quelqu'un qui n'a pas de papier, pas de diplôme, pas d'expérience, pas tout ce qu'il faut pour être bien "comme il faut"... Souvent je me dis que les gens s'en foutent, que je pourrais crever dans un coin, que ça leur serait égal, que je suis de trop... Pas de boulot, pas d'argent... la galère des galères ! Avec le social et des petits à-côtés, je m'en sors tant bien que mal, mais ça sert tout juste à nous garder dans la misère... J'aimerais tellement trouver une porte de sortie, un début d'espoir, un truc qui tient la route, quelqu'un qui croit en moi, qui m'aime, sans rien d'autre... La dope, c'est plein d'histoires, de problèmes, dont tu ne sais pas que faire avec. Ça t'amène les copains d'abord et après, la solitude, vraiment tout seul... J'aimerais tellement trouver une porte de sortie, j'ai peut-être une chance, mais j'aimerais pas la louper... J'aimerais tellement que les choses s'arrangent, quelqu'un qui croit en moi, qui m'aime, sans rien d'autre...

Louange

Marie, l'humble servante, petit bout de femme sans importance pour les grands de son époque, Marie admirable, remplie à ras bord de confiance, sûre de la fidélité de son Dieu, Marie est aujourd'hui notre guide. Elle nous fait découvrir que dans le cœur de Dieu, il y a une place pour nos lourdeurs et nos échecs; elle nous montre que notre vraie force est là où nous sommes fragiles et faibles; elle nous révèle le parti-pris de notre Seigneur pour les pauvres, les humbles et les petits, même si ça nous dérange quelquefois... Elle est l'exemple de la sereine certitude d'un Dieu qui fait chemin avec chacun de nous, là où je suis, comme je suis, avec un amour sans faille et sans bornes.

Message de Rév. Mère Sofia, moniale orthodoxe
Chers Frères et sœurs en Christ, je vous salue en Christ ressuscité

Magnificat, Marie la prophétesse, trait d'union entre le nouveau et le Nouveau Testament : il a déposé les puissants de leur trône et il a élevé les petits. Une jeune femme prostituée, qui avait été blessée, battue, nous l'avons rencontrée à deux heures du matin, souffrante. Cela nous a rappelé la parabole du Christ du bon samaritain. Nous l'avons soignée, nous l'avons confiée à son compagnon afin qu'on lui donne un petit toit, qu'elle mange. Nous avons payé ses petits sous. Ce soir-là, la porte infernale de la prostitution s'est fermée pour laisser cette lueur d'espoir et ce Dieu d'amour qui, lui, l'a pansée, l'a aimée avec un amour du lendemain. Un jeune homme rejeté de partout, est venu un jour au Parachute nous dire combien sa maladie a été lourde; aujourd'hui, nous sommes dans un lieu symbole de maladie, la lèpre. Aujourd'hui, la lèpre, c'est le sida. La lèpre, c'est tous les exclus, tous ceux que la société ne veut plus, Christ a aimé les petits, notre prophète Marie l'a dit. Quel est notre rôle celui de notre église ? Au lieu de faire beaucoup de blablas, ouvrons notre porte, laissons les gens rentrer. Si je dis laissons nos portes ouvertes, c'est parce que j'ai été indignée dernièrement: une église a mis dehors un jeune homme à trois heures du matin parce que cette église est en rénovation. Que veut dire église ? Est-ce que c'est quatre murs ou celle du Christ ? Il y a place pour tout le monde, laissons les gens, quand ils rentrent dans l'église, laissez-les, laissez-les entre ces murs, ces murs qui doivent être une pierre vivifiante de foi. Voilà ce que ce Théo me disait : Pourquoi m'a-t-on mis dehors ? "Il a élevé les petits, il a renvoyé les riches les mains vides." Au Parachute, une jeune femme est venue nous dire : toutes les portes se sont fermées. Je suis exclue, je ne suis point aimée. Nous lui avons simplement dit : nous sommes peut-être la porte, maïs la plus grande porte est celle, et c'est moi qui lui ai dit, est celle de ce Dieu d'amour. Viens, passe un moment ici, et tu verras que ce Dieu de miséricorde, cette richesse peut venir aussi de toi. "Il a renvoyé les riches les mains vides." Oh, cette richesse ! que veut dire cette richesse ? Il y a beaucoup de mots pour la richesse. Je suis convaincue, et c'est la soupe populaire de Saint-Laurent qui me le dit. J'ai vu aussi là, et nous sommes témoins, "il a renvoyé les riches les mains vides". Cette soupe populaire, elle nous a mis un doigt sur quelque chose. Nous avons dans ce Saint -Laurent beaucoup de conversions, nous avons été victimes, On est venu nous dire : Je vous donne du pain, alors, vous vous mettez où moi je veux bien. Ça aussi, qu'est-ce que ça veut dire ? Non, nous nous mettons où la personne est, et c'est là qu'on la rencontre. Ne nous laissons pas avoir, nous avons besoin de pain, c'est vrai, nous avons besoin de pain à donner, mais ne nous laissons pas faire, la place des petits est aux pieds d'une église qui s’appelle Saint Laurent et elle pourrait se trouver ailleurs, je pense à Rio. Des enfants tués juste devant une église. Je suis bouleversée, indignée, je me dis,... ce Dieu d'amour, là je suis un peu comme Moïse, là, viens, viens, aide-nous, aide-nous à ce que tout cela ne se passe plus, indignons-nous, révoltons-nous, lorsque l'on blesse un enfant, lorsque l'on tue un enfant au pied d'une église. Nous avons une grande responsabilité, nous les églises, arrêtons de faire la morale. Rentrons dans ce monde pacifié, laissons-nous guider toujours par cette prophétesse Marie, ... "il a élevé les petits," elle s'est indignée, Marie, elle veut simplement nous dire, dans ce passage, Il a déployé la force de son bras, il a dispersé ce qu'il y avait dans le cœur, des pensées orgueilleuses, il a déposé les puissants de leur trône, et il a élevé les petits, ... il faut que cela se passe, pas seulement dans la parole, mais dans l'acte. Je terminerai : ce souffle divin, cette soupe populaire, je l'appelle la soupe de la miséricorde ou l'esprit de ce dieu du mystère, la soupe nous met en communion avec nos petits, avec ceux qui nous précéderont dans le royaume des cieux. C'est eux, oui, c'est eux qui sont nos modèles, c'est eux depuis dix ans qui ne cessent de m'enseigner. Enlevons notre orgueil, laissons la place à l’humilité, laissons la place à cet amour où il n'y pas de place pour le jugement. Toi mon frère, qui es exclu, toi ma sœur qui es condamnée, toi ma sœur prostituée, toi mon frère toxicomane, toi mon frère qui as le sida, qui as tant d'autres maladies, tu es celui qui guides nos pas, nous, nous devons faire le trait d'union entre ce Dieu qui jamais te laissera. Il est là. Nous les hommes et femmes d'église, sommes des témoins, et laissons le dogmatisme, le moralisme, loin. Enlevons l'avis des pharisiens, enlevons tout ça, enlevons cette bienséance, nous sommes bien, nous prions. Souvenons-nous du républicain, cet humble, qui priait, qui disait : "je ne suis rien, donne-moi cet amour." Toi mon frère, toi ma sœur, tu nous précèderas dans le royaume des Cieux. Je terminerai sur Sainte Irénée de Lyon, du deuxième siècle, ce sont des hommes qui étaient très proches de la première ère chrétienne : la mort de Dieu c'est l'homme vivant, c'est la vie de l'homme, c'est la vision de Dieu. La grande tâche de cette fin de siècle, c'est de cultiver l'espoir aussi vital que le poumon vert de la forêt universelle, que la forêt de l'univers cosmique, la terre. Aimons-là, c'est là notre grande tâche. Aimons-la comme Dieu nous a aimés. Amen.

Témoignage de Manon

J'ai eu une vie de famille normale, mais j'ai toujours souffert de solitude. C'est à 17 ans que j'ai fumé mon premier joint avec une copine puis c'est à Berne que l'on m'a offert de l'héro à snifer pour la première fois. Peu de temps après c'est avec un ami que je considérais comme un frère et avec qui je voulais tout partager que j'ai fait mon premier shoot... Une année plus tard, j'ai eu une deuxième occasion, une troisième et très vite je me suis retrouvée accro. Mon état d'esprit s'est complètement dégradé, j'ai perdu confiance en moi, je déprimais, j'avais plus personne à qui parler ou je n'étais plus capable de parler aux autres, j'avais l'impression que plus personne ne m'aimait, j'étais vide... Je ne voyais plus les gens sourire, la ville me semblait froide, je n'en pouvais plus, j’ai tenté de me suicider plusieurs fois. J'étais désespérée, j'en avais marre, je voulais m'en sortir... Le seul lieu où je me sentais bien c'était à Béthraïm. C'est un lieu d'accueil, d'occupation, de dialogue et de prière où la porte est toujours ouverte. J'ai eu l'occasion de faire de la photo avec Serge, qui a pris du temps pour moi et petit à petit l'envie de vivre est revenue. Un jour, il m'a proposé une cure de désintox. Il s’agissait de partir dix jours à la campagne pour un sevrage physique, puis il me proposait d'aller dans sa famille le temps nécessaire à ma guérison. Ça c'est déjà superbe, je me sentais accueillie, je me suis sentie aimée, ça faisait vachement bizarre, je n'en avais pas l'habitude, c'était même un combat pour moi, je ne savais plus très bien où j'en étais, en fait pour moi l'amour c'était assez étranger. Que quelqu'un puisse m'apprécier comme j'étais, je ne le comprenais pas, tout le monde me rejetait et eux étaient les seuls à m'accepter et à m'aider.

On est donc partis sur cette voie de guérison. Beaucoup de gens ont prié pour moi, un monastère a prié pour moi, déjà là ça fait chaud au cœur. Ce qui est incroyable pour moi c'est que pendant le sevrage physique, je n'ai pas dormi pendant cinq jours et cinq nuits, mais je n'étais pas malade, je ne me sentais pas mal. Et tous ces gens qui m'entouraient, il fallait bien qu'ils me supportent, ils disaient toujours qu'ils allaient tirer leurs forces dans la prière. Alors vu que j'étais dans l'ambiance, je me suis mise à prier moi aussi. Au début, c’était dur et à la longue, il y a une chaleur qui s'est installée en moi, ça donne une de ces paix...

J'ai eu beaucoup de chance, ça fait maintenant 14 mois que j'ai arrêté. J'ai un appart, j'ai commencé une école de théâtre, je travaillais mais je viens de perdre mon emploi pour cause de restructuration et malgré tout, je me sens bien. Je crois que si je n'avais pas rencontré Dieu, si on ne m'avait pas parlé du Père qui est là-haut, et qui nous protège tous, et bien je n'aurais jamais pu acquérir cette paix et cette force. Je trouve le bonheur partout, dans les petits gestes de tous les jours, dans les sourires et dans les regards.

J'aimerais aussi dire que c'est parce que j'ai été soignée à la tisane et à l'amour que j'ai pu m'en sortir et que si on m'avait donné de la méthadone ou de l'héroïne, jamais je n'en serais sortie et jamais je n'aurais retrouvé une raison de vivre.

Témoignage

Jan de Haas
N'oubliez pas... Dieu est généreux et bienveillant, Il reçoit le dernier comme le premier. Il admet au repos l'ouvrier de la onzième heure, comme celui qui a travaillé dès la première heure; Il fait grâce au dernier et il chérit le premier; il donne à celui-ci et il accorde à celui-là; il reçoit l'œuvre et il accueille l'intention; il honore le travail et il loue le bon propos.
Mère Sofia
N'oubliez pas... Dans les rues de nos villes c'est toujours Dieu qui est là. Dans les rues bruyantes, les rues tranquilles, Dieu est là. Dans nos fêtes, dans nos fautes, dans nos folies les plus hautes, Dieu est là. Dans nos nuits de néon, dans nos jours de néant, dans nos matins faciles, dans nos coins de solitude, Dieu est là. Comme un ami, comme une paix, la clarté d'une amitié, la paix d'un royaume, Dieu est là.
Serge Rémy
N'oubliez pas... Dieu seul peut donner la paix, mais nous pouvons semer l'union. Dieu seul peut donner la force, mais nous pouvons soutenir un découragé. Dieu seul est le chemin, mais nous pouvons l'indiquer aux autres. Dieu seul se suffit à lui-même, mais il préfère compter sur nous. Que Dieu le Père et notre Seigneur Jésus-Christ vous donnent la paix, l'amour et la foi. Que le Dieu de paix lui-même vous fasse totalement vivre pour lui. Qu'il garde toute votre personne, votre esprit, votre âme et votre corps. Allez dans la paix.

Détails

Avec la participation de
Orgue
Musique