Allons-nous prendre la route ?

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Dimanche 4 janvier, le temps des fêtes est bel et bien terminé. Les cadeaux sont déballés, les bougies éteintes; dans nos maisons comme dans nos églises, le sapin a perdu sa place d'honneur et les guirlandes ont retrouvé le chemin du grenier. Les cartes de vœux ont été envoyées, tant de préparatifs pour quelques heures !
Nous l'avons entendu, même les mages, derniers acteurs du récit de Noël ont fini par trouver le chemin de la crèche. Ils ont vu l'enfant, ils l'ont adoré et ils s'en sont retournés chez eux, dans cet Orient lointain et mystérieux. La parenthèse se referme. La vie quotidienne reprend ses droits, ne nous laissant qu'un souvenir de ces jours un peu suspendus hors du temps. Même l'Église va bientôt retrouver ce que les liturgies nomment le temps ordinaire.
Les lendemains de fête sont souvent bien moroses. Ils nous laissent un peu "à plat". Pendant des jours, voire des semaines, la perspective des réjouissances à venir a mobilisé toute notre énergie, nous a fait rêver - et parfois nous énerver - et voilà que tout est fini. Nous nous retrouvons la tête vide, moyennement enthousiastes à l'idée de reprendre le train-train quotidien, de retrouver les préoccupations que les lumières des fêtes nous avaient fait mettre de côté.

À moins que nous ne laissions pas la parenthèse se refermer totalement et le quotidien nous happer; à moins que nous ne prêtions une oreille attentive à ce que l'Évangile nous montre et nous dit ce matin. Il y a là Jésus, bien sûr, et puis, Marie et Joseph, encore sous le coup des événements, étonnés, émerveillés, de ce que l'on dit de leur enfant; il y a Siméon et Anne, porteurs d'une parole prophétique, messagers d'une totale nouveauté.
Cet enfant, là si petit, va encore bousculer bien des choses. Il sera occasion de chute ou de relèvement. Il sera un signe contesté. Il dévoilera les débats de bien des cœurs. Paroles imprégnées de mystère, qui trouveront tout leur sens lorsque la crèche aura fait place à la croix.
Marie, Joseph, les bergers et les mages, tous ont été pris dans un tourbillon d'images et d'émotions. Siméon et Anne pressentent et annoncent que ce n'est pas fini, que ce n'est pas qu'une parenthèse dans le quotidien, mais que ce qui est arrivé là est l'amorce d'un bouleversement radical. L'histoire ne fait que commencer…

Il faut le répéter : Noël n'a rien d'un rêve et le retour au quotidien ne signifie pas obligatoirement plongée dans la grisaille et la morosité. Dans l'enfant né à Bethléem, Dieu ne fait pas une rapide apparition parmi nous. Mais il choisit de marcher jusqu'au bout sur les chemins rocailleux de notre terre; manifestant son projet pour nous, pour notre monde.
Peut-être pensez-vous que ce sont là de belles paroles, mais que si l'on veut être réaliste, rien n'a fondamentalement changé dans ces dix jours qui nous séparent de la fête.
La haine, la violence, les bruits de guerre n'ont pas cédé place à la paix; les catastrophes naturelles, les accidents continuent à semer l'horreur et la mort; nos soucis sont restés les mêmes : précarité de l'emploi, inquiétudes face à l'avenir, problèmes de santé, de famille et puis nos églises, nos paroisses qui cherchent difficilement leur chemin et leur place dans ce qu'on appelle la modernité. Et ce sentiment, parfois, souvent, de se retrouver devant un mur, de faire du surplace.
C'est vrai, objectivement, rien n'a changé. Et, en même temps, il y a ces paroles de Siméon et d'Anne; ces paroles qui invitent à changer de regard pour voir la réalité non plus comme une fatalité, mais bien comme le lieu où Dieu se donne à connaître, comme un lieu désormais habité d'une présence autre. Et là, tout change. Anne se mit à célébrer Dieu et à parler de l'enfant à tous ceux qui attendaient la libération de Jérusalem.
Ces paroles comme un souffle de liberté, comme un appel à aller de l'avant. Aujourd'hui, c'est à chacun, à chacune de nous qu'il revient de célébrer et d'annoncer la venue de Jésus, le Christ; sa présence vivante avec nous. Oui, une lumière se lève dans et pour notre monde et tout peut devenir plus clair.

Ne nous laissons pas abattre par la grisaille ambiante, ne regrettons pas le temps trop court des jours de fête. Le temps qui s'ouvre devant nous, maintenant, est celui de notre témoignage, de notre engagement. Et dans cette histoire-là, nous avons un rôle à jouer. Un rôle à la mesure de nos forces et de notre vulnérabilité, de nos défauts et de nos qualités; un rôle qui donne sens à la vie, à notre vie.
Bien sûr, nous ne sommes pas maîtres de l'histoire et nous ne sommes pas les rois du monde. Mais ne prenons pas trop rapidement prétexte de notre soi-disant insignifiance, de notre manque de prestige ou de notre faiblesse pour rester là, les bras ballants à attendre que quelque chose change malgré nous !
Ne l'oublions pas, celui dont nous sommes appelés à témoigner est un Seigneur inattendu; qui prend la part des humbles, qui redresse ce qui était courbé, qui abaisse ce qui était élevé. Un Seigneur contesté aussi, dont le chemin passe par la souffrance et l'abandon et dont le dernier mot se dit sur une croix et devant un tombeau vide. Un Seigneur, enfin, qui n'est pas notre propriété exclusive, mais qui s'offre à quiconque l'écoute et marche à sa suite.

Témoigner, inlassablement, de ce Seigneur n'a rien de confortable. Cela peut - ou devrait - nous amener à faire entendre une voix discordante dans le consensus mou général. L'Évangile, la bonne nouvelle, de ce Seigneur-là ne se laisse pas confondre avec une quelconque idéologie.
Il est la lumière qui se lève pour nous, sur notre vie; lumière qui nous met en route lorsque nous en avons assez; lumière qui nous rassure lorsque nous doutons. Début janvier, une nouvelle année s'offre à nous. Qu'allons-nous, qu'allez-vous en faire ?
La suite de notre histoire avec ce Dieu qui est venu nous rejoindre; la poursuite de notre chemin ou notre arrêt, cela ne regarde que nous, il en va de notre responsabilité. Nous sommes dès à présent dépositaires d'une parole, d'une espérance pour nous et pour le monde.
Allons-nous rentrer dans notre coquille comme si de rien n'était ? Allons-nous prendre la route, joindre nos voix à celles de Siméon et d'Anne et faire partager cette Bonne Nouvelle ?
Le premier, Dieu est venu parcourir nos chemins. Et nous, nous risquerons-nous au voyage sur ses chemins ? Le choix nous appartient, il est celui du sens de notre vie croyante.
Puissent ces jours de fête nous avoir mis en marche, ensemble, à la rencontre de Dieu devenu homme en Jésus, le Christ !

Amen.

Détails

Avec la participation de
Orgue
Fanny Anderegg
Musique
Céline Clenin, saxophone