Pour prendre la mesure du sens de ce texte, il faut prendre un peu de recul, car, bien entendu, il y a peu de chance que la vocation que Dieu nous adresse soit de concevoir miraculeusement un bébé. Mais comme Anne, l'Esprit nous appelle certainement à donner naissance à une vie nouvelle qui dépasse la matière et la mort.
Ressentons-nous, dans notre vie, une zone d'ombre, un manque, une aridité, une austérité, une pauvreté ou une forme de stérilité? Notre réponse à cette question est importante : si nous sommes conscients de limites ou de faiblesses récurrentes, si nous reconnaissons des zones désertiques dans nos vies, ce texte de Samuel qui a près de 3000 ans peut nous aider et nous encourager aujourd'hui.
L'incapacité de transmettre la vie dont il est question au travers de cette stérilité physiologique d'Anne est d'un autre ordre. Elle est en réalité spirituelle, c'est celle d'Israël au temps de Samuel, mais peut-être aussi la nôtre aujourd'hui.
En ce temps-là, Israël se cherche une place dans l'histoire et une postérité, une terre, un royaume. La femme stérile était considérée comme une branche morte, parce qu´elle empêchait son mari d´avoir une continuité dans le souvenir des générations successives et elle atrophiait la communauté. Dans la Bible, nous voyons que de nombreuses femmes étaient stériles. Nous pouvons prendre l'exemple de Sarah, Rachel, et Rébecca, les femmes des trois patriarches Abraham, Isaac et Jacob. C'étaient des femmes stériles, et c'est pourquoi la naissance de leur rejeton ne pouvait être attribuée qu'à Dieu.
Aujourd'hui, celles et ceux qui souffrent de stérilité sont nombreux et malgré la science beaucoup doivent renoncer à la paternité ou à la maternité biologique, mais notre propos ce matin porte sur notre aptitude à recevoir de Dieu la vie de l'Esprit et à la transmettre. Je vous invite à nous examiner nous-mêmes : quelles sont les aridités, les pauvretés qui empêchent que nos vies soient elles aussi fécondées par le Saint-Esprit ? Souvent, nous ressentons cette stérilité dans notre relation à Dieu. Nous avons l'impression que Dieu ne nous parle pas. Nous avons beau prier, jeûner, il y a très peu ou même pas de réponse de Dieu, du moins c'est ainsi que nous le percevons.
Alors nous pouvons passer par un temps de désert dans notre relation avec Dieu. Nous nous demandons : " Mais qu'est-ce qui ne va pas ? Pourquoi tant de nuages nous séparent ? " Nous perdons notre joie. Nous perdons notre force intérieure. Nous passons par un temps d'indigence spirituelle. Cela peut être long, surtout si nous ne comprenons pas ce qui se passe.
Cette pauvreté peut être vécue dans notre couple lorsque notre amour semble se diluer et que nous nous distançons l'un de l'autre. Nous disons des choses qui font mal à l'autre et nous savons que quelque chose est en train d'être détruit. Les promesses et les engagements du début ne sont plus respectés. Nous pouvons aussi vivre une stérilité sur le plan professionnel. Le chômage, la compétition, le mobbing, le licenciement paralysent ceux qui mettent leur identité dans leur statut social.
Nous pouvons encore ressentir cette stérilité au niveau de notre famille ou sur le plan de la santé et dans d'autres domaines de notre vie, vous pouvez compléter la liste. Le ciel est obstrué, nos problèmes nous paraissent plus grand que Dieu. Vous l'avez compris, la stérilité ne se limite pas aux organes génitaux masculins ou féminins, mais elle touche toute notre personne, corps âme et esprit. Et c'est au niveau de toute ma personne que Dieu a un plan pour ma vie et qu'il veut m'apprendre à trouver la fertilité au milieu de l'adversité.
Voyons maintenant dans ce magnifique texte de Samuel, comment Anne vit et gère sa stérilité. A 35 km de Jérusalem en l'an 1000 av. J-C , Elkana, un juif pratiquant, est marié à 2 femmes. L'une, Peninna a des enfants, l'autre Anne est stérile. Anne, est la préférée d'Elkana et il est bien intentionné à son égard, il s'est accommodé de la stérilité de sa femme et il essaie d'arrondir les angles. " Ce n'est pas grave... Ne te fais pas de souci... Cela ira très bien... Cela se résoudra tout seul... " Mais Anne n'écoute pas ce genre " de remarque " parce que cela ne change rien à la stérilité contre laquelle elle lutte au plus profond de son cœur. Elle sait tout au fond d'elle-même qu'elle ne restera pas stérile. Elle se sait appelée par Le Créateur à la vie abondante et à sa transmission !
Et nous, avons-nous conscience du plan de Dieu pour nos vies ? Pourquoi Anne est-elle stérile ? Le texte nous dit " Dieu l'a rendue stérile… " Comment, pourquoi, de quel droit ? Toutes sortes de questions et d'oppositions se manifestent en nous ! Dieu est amour, il n'est pas sadique ou pervers. Il veut notre bien alors pourquoi la stérilité ? Anne aurait pu, comme Peninna, avoir un enfant après l'autre et ne pas se poser de questions. Non, Anne est stérile et cela la conduit à réfléchir à la vie, au sens de la vie et au véritable auteur de la vie.
Le constat qui précède la demande : Dieu est le véritable auteur de la vie et il appelle tout homme à la vie, à la multiplication et à la croissance de cette vie, en un mot à porter du fruit, à être fertile. Alors Anne qui a réfléchi au sens de sa vie et à sa vocation n'est pas d'accord avec sa stérilité, qui est incompatible avec son appel. Et bien qu'elle soit aimée et préférée de son mari, ce n'est pas à lui ni au gynécologue du coin qu'elle va s'adresser mais à l'auteur de la vie en personne : Dieu.
La demande au temple : Elle se rend au temple et là, Eli le grand prêtre, est assis et l'observe. Anne n'est pas de bonne humeur, elle est pleine d'amertume parce que sa rivale l'humilie en raison de sa stérilité. C'est injuste ! Comme si ça ne suffisait pas comme ça. Elle souffre, elle pleure, mais elle le fait au bon endroit. Elle s'épanche devant le Dieu de l'amour et de la vie, elle sait qu'il l'écoute et elle est à la bonne adresse. Elle a la foi, l'assurance que celui auquel elle s'adresse, non seulement l'écoute, mais il est aussi capable de changer les circonstances de sa vie.
Et nous… croyons nous que Dieu est capable de changer nos vies ? Pour Anne et pour Israël Il est, et reste le Dieu de l'impossible, c'est-à-dire que rien n'est impossible pour Lui.
Les termes de la demande Si - alors : Anne a eu ce temps pour réfléchir et elle connaît celui à qui elle s'adresse, elle sait ce qu'il faut demander et comment le demander ! " Si tu fécondes ma vie, je te la donne. " " Si tu donnes sens à ma vie, je te la consacre, " Anne dit à Dieu : " Tu es capable de me rendre ma dignité et mon honneur, aussi j'aimerais que tu le fasses de sorte que je puisse me consacrer à la seule chose qui vaille, dans ce monde, Te servir et t'honorer toi, qui nous rend digne. Je le ferai au moyen de la descendance que tu me donneras !" Anne est précise dans sa demande : elle ne demande pas simplement un enfant, elle demande un garçon pour s'acquitter de sa promesse de le consacrer au service de Dieu et elle montre par là qu'elle est sûre d'être exaucée.
La Rêveuse - Anne, est-elle folle ? Dans sa grande douleur, elle a sans doute perdu la raison. Pour Eli, le grand prêtre qui l'observe, c'est clair : elle est ivre. D'ailleurs il voit ses lèvres bouger sans qu'aucun mot n'en sorte et il va le lui dire. Imaginez la pauvre Anne, au temple, qui en plus va " se faire jeter " par le prêtre. Mais elle a la foi, elle persévère, elle plaide sa cause, elle ne laisse pas tomber en se disant : l'Eglise, les prêtres, la Parole et Dieu dans le même sac, hors de ma vie, ça suffit c'en est assez ! Je me débrouillerai sans vous ! Non elle prend le temps de plaider sa cause, car l'enjeu c'est toute sa vie et il faut qu'Eli comprenne. Elle est brisée, elle est au fond du trou, il ne lui reste plus que Dieu et Dieu c'est tout. Elle est au point de rupture entre sa vie pour elle et sa vie pour Dieu. Elle est au seuil de la bénédiction, ce lieu où l'on entre dans le repos que Dieu seul peut donner.
Jusque-là Anne avait prié. Elle était dans ce travail d'enfantement. Elle avait jeûné.
Mais nous, bien souvent, nous abandonnons. C'est trop ! Cela dure trop longtemps ! Dieu ne répond pas à ma prière et les circonstances ne changent pas. Alors nous laissons tomber avant que Dieu n'intervienne. Mais pas Anne, elle a persévéré. Elle a continué à s'approcher de Dieu parce que dans son coeur elle savait que Dieu voulait la transformer. Nous pouvons être passif au niveau de notre stérilité et même complice ou nous pouvons suivre l'exemple d'Anne et persévérer, continuer à prier, à jeûner, à combattre notre stérilité jusqu'à ce que Dieu réponde par cette paix incomparable qu'il met dans notre cœur, quelle que soit l'issue.
Déjà là tout a changé pour Anne, le texte dit : " Eli l'a entendue et il l'a bénie et elle retrouve l'appétit… ", c'est-à-dire qu'en sortant du temple elle se sait déjà exaucée. Dans son esprit elle a déjà accouché de la vie et la suite lui donnera raison : elle retrouvera son mari, elle sera enceinte et elle aura un garçon qu'elle appellera Samuel. Celui-ci deviendra prophète en Israël et marquera par son action le passage du peuple juif à une nouvelle forme de gouvernement, la monarchie. Ce qui était impossible à des yeux humains était devenu une réalité vibrante en cet enfant qui devait être consacré au Seigneur. Un Dieu qui sait écouter et relever celui ou celle qui touche le fond et refuse la stérilité de la vie, pour autant qu'on fasse appelle à Lui.
La reconnaissance : " le Magnificat de l'Ancien Testament " : Anne a gagné et elle nous invite à gagner avec elle. Anne est non seulement fertile, mais fidèle et elle va tenir ses engagements. Elle tient sa promesse et cela lui procure une joie qu'elle exprime par un cantique dont Luc s'inspirera pour le Magnificat de Marie. Anne va exprimer sa reconnaissance dans les versets qui suivent, dans des termes qui nous rappellent ceux de Marie à l'annonce de la naissance de son fils. L'histoire de Marie et celle d'Anne ont beaucoup de similarités et elles pointent toutes deux vers l'auteur de la Vie, de nos vies. Anne et Marie sont des exemples, des matrices de la vie fertile en Dieu!
Je conclus, l'avent c'est ce temps où l'on attend que nos vies humaines soient délivrées de leurs stérilités et fécondées par l'Esprit divin qui nous appelle à la vie afin d'être enceintes de l'espérance de ce Dieu en nous et ce Dieu avec nous.
Ensemble, Anne et Marie nous montrent la voie, car si nous ne sommes pas tous appelés à être des mères biologiques, nous sommes tous appelés à naître de nouveau et à engendrer à notre tour des fils et des filles spirituels. Comment ? En devenant comme Anne ou Marie, une matrice de la vie de l'Esprit en nous laissant féconder et habiter par la parole de Dieu, qui seule produit la vraie vie et nous libère de ce qui est stérile. Nous désirons que le monde change, alors aspirons vraiment à ce que l'Evangile transforme d'abord notre propre cœur, qui nous empêche de porter du fruit. Alors nous saurons accueillir chaque jour dans sa nouveauté, dans ses imprévus, avec assez de courage et de confiance, parce que nous savons que "rien n'est impossible à Dieu."
Pour finir, je nous laisse ce mot d'un père, un père de l'Eglise, St Augustin : " Il faut que brûle en toi ce que tu veux allumer chez les autres."
Amen !
Rien n'est impossible à Dieu !
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