Christ vous a laissé un exemple

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On a appelé notre siècle le siècle de l’image. Et c’est un fait qu’un nombre considérable d’impressions visuelles nous assaille chaque jour. Ici, ce sont en gros plan les visages séducteurs qui accompagnent la publicité commerciale et qui nous conditionnent. Là, ce sont les sourires des vedettes de l’écran qui déterminent notre idée du succès. Dans certains pays, on expose le portrait du chef de l’État dans les lieux publics pour qu’il s’imprime dans le cerveau et la conscience des masses et les domine.
Et nous n’avons qu’à songer à la place que prennent tous les médias modernes (y compris les jeux électroniques de nos enfants dans notre existence quotidienne. Ils règnent en puissance de premier ordre sur notre conscient, comme sur notre inconscient. Incontestablement, ce flot d’images modèle notre vie. Il en est qui ont une influence heureuse sur l’âme, qui apaisent ou enrichissent, au même titre que de la belle musique élève et détend l’esprit. Mais l’ensemble des impressions visuelles qui se déverse sur nous est loin de produire cet effet positif.
Bien des émotions suscitées aujourd'hui par des images sont la cause de troubles plus ou moins durables. On doit à ces images des influences qui corrompent et confondent l'homme. Parfois, leurs conséquences se manifestent immédiatement : par exemple quand des jeunes, fascinés par un film de violence, commettent des actes qui les mènent devant la justice. Mais plus souvent, l'effet néfaste reste en nous comme un abcès caché, jusqu'au moment où – sans qu'on puisse dire pourquoi – ce qui était latent éclate pour être une cause de malheur.

Si nous gardons présente à l'esprit cette puissance de l'image, il nous sera facile de saisir ce qui fait l'essentiel du texte que nous méditons. L'apôtre Pierre écrit : « Le Christ lui-même a souffert pour vous et vous a laissé un exemple afin que vous suiviez ses traces. » Le mot que nos versions traduisent par exemple ou modèle évoque en grec l'image que l'on traçait devant l'enfant pour lui servir de guide. Et l'élève s'entraînait sur l'ébauche dessinée par son Maître.
De la même manière, Pierre dépeint aux yeux de ses lecteurs l'image de Jésus. Non comme un idéal qu'on n'arriverait jamais à atteindre, mais comme un modèle ou un guide qui peut être suivi par celui qui s'y engage.
Nous mesurons ici le don que Dieu nous fait. Dieu ne nous offre pas seulement une Loi, des commandements, mais son image incarnée dans le Seigneur, d'après laquelle nous pouvons façonner notre propre personne. Les évangiles ne se contentent pas de nous transmettre l'enseignement de Jésus. Ils brossent devant nos yeux la figure de Jésus, et nous faisons bien de prêter attention avec amour et respect à chacun de ses traits, parce que tous les détails contribuent à rendre plus sûre l'image que nous pouvons avoir de lui.

Si nous reprenons notre texte, nous y lisons d'abord : « Il n'a pas commis de péché. On n'a jamais entendu de mensonges sortir de sa bouche. » L'absence de péché chez Jésus n'est pas seulement une affirmation doctrinale dans le Nouveau Testament, elle est confirmée par de nombreux témoins de sa vie. Même ses adversaires n'ont pu faire autrement que de la reconnaître.
Judas Iscariote venait à peine de trahir son Maître qu'il s'en repentit et qu'il vint dire aux prêtres, en leur rapportant leur argent : « J'ai péché en livrant le sang d'un innocent. » Matt 27, 4. Dans son désespoir, le disciple a certainement cherché des raisons de se justifier après son acte abject. Il n'en a pas trouvé. Pendant les trois années qu'il a vécues proche du Christ, celui-ci n'a offert aucune prise à une accusation fondée.
Il y a aussi Ponce Pilate. Nous savons par l'histoire que ce gouvernement romain était un homme sans cœur et difficile à émouvoir. Mais sa rencontre avec Jésus a fait sur lui une impression si forte qu'avant la crucifixion, il a proposé à la foule de libérer ce prisonnier, en disant : « Je ne trouve aucun mal en cet homme. » Jean 18, 38.
Pensons encore au centenier qui commandait la troupe des soldats responsables de l'exécution. Ce chef militaire, voyant la manière dont Jésus affrontait son supplice. L'heure de la mort est celle où les masques tombent et où l'homme apparaît tel qu'il est. Or, c'est quand Jésus passe par cette heure que le centenier s'écrie : « Assurément, cet homme était juste. » Luc 23, 47
Si nous revenons en arrière dans l'épître de Pierre, nous tombons sur cette phrase : « Vous avez été délivrés par le sacrifice précieux du Christ, qui a été comme un agneau sans défaut et sans tache. » 1, 19. Voilà comment la personne de Jésus est apparue à la communauté de ses disciples. Ils ne trouvaient de comparaison qu'avec l'agneau pascal pour en exprimer la perfection. À cela s'ajoute enfin le témoignage souverain que Jésus s'est rendu lui-même, quand il dit : «Qui de vous me convaincra de péché ?» (Jean 8, 46).

Lorsque nous mesurons l'intégrité de nos cœurs à la pureté du Christ, telle que son image la reflète, nous devons bien avouer que nous sommes loin de lui ressembler. Que d'obscurités n'y a-t-il pas en nous ? Impatience et doute à l'égard de Dieu, rancunes et mépris envers le prochain, convoitise, injustice et violence. Il faut que nous reconnaissions ces ténèbres et que nous nous laissions pénétrer par la lumière de la Parole de Dieu, si nous désirons entrer dans les traces de Jésus et vivre comme Lui dans l'esprit de la clarté et de la vérité.
Certes, dans ce monde où tout est ambigu, il ne nous est pas facile de rester en dehors des eaux troubles. Qu'il s'agisse des relations personnelles ou du domaine de l'économie et de la politique, les conflits de la vie sont parfois si serrés que nous ne voyons d'issue ni à droite ni à gauche, en restant intègre. Et pourtant, nous ne pouvons pas simplement nous résigner. Nous devons nous demander, dans chaque situation, comment l'exemple parfait de Jésus peut être suivi. Celui qui essaie sincèrement de faire ainsi parviendra à dresser ça et là des signes du Christ, malgré tout.

L'image de Jésus est mise en relief par un second trait : « Quand on l'a insulté, il n'a pas répondu par l'insulte ; quand il a souffert, il n'a pas formulé de menaces, mais il s'en est remis à Dieu qui juge avec justice. » Dans l'évangile de Luc (9, 51), on nous raconte comment Jésus, allant de Galilée à Jérusalem, dut traverser le territoire des Samaritains. Il envoya des messagers pour qu'ils lui trouvent une auberge dans un bourg. Mais les habitants de l'endroit, hostiles au petit groupe de voyageurs juifs, refusèrent de les accueillir.
Les disciples, Jacques et Jean, réagirent avec colère à ce manque d'hospitalité, comme nous savons nous aussi nous irriter quand quelqu'un se montre sans égard envers nous. Ils auraient aimé, tel le prophète Élie, faire descendre le feu du ciel sur ces gens, pour se venger de l'affront qui leur avait été fait. Ils s'attendaient à ce que leur Maître partage leur réaction et soit d'accord avec un tel acte de justice. Jésus, cependant, condamne leur jugement passionné. Il les réprimande et leur dit : « Vous ne savez de quel esprit vous êtes animés, car le Fils de l'homme est venu non pour perdre les hommes, mais pour les sauver. »
Ce récit de l'évangile de Luc n'est-il pas une illustration du texte que nous méditons et dans lequel Christ nous est donné pour modèle : comme celui qui ne menace, ni n'insulte, mais applique en toutes choses une justice supérieure à la nôtre ?
En fait, nous avons tous besoin d'apprendre de lui qu'il y a plus grand que de se faire justice soi-même, dans la colère ! Il entre dans l'attitude de Jésus la capacité de rompre l'engrenage du mal et de rétablir la paix qui est autre chose qu'un équilibre des forces. Lorsque, dans un conflit nous sommes la partie faible, nous avons tendance à nous satisfaire à l'idée qu'il y a au-dessus de nous quelqu'un qui fera justice à notre place. Ainsi, restons-nous prisonniers de la colère et de la haine.
Ce n'est pas l'exemple donné par Jésus. La justice à laquelle il se remet ne connaît pas la loi de la riposte, mais elle donne une liberté intérieure face aux vexations et aux menaces. Faut-il conclure dès lors que nous devons renoncer – comme chrétien – à nous défendre nous-mêmes, ou à faire appel à la justice terrestre quand quelqu'un porte atteinte à nos droits ? Ce serait fausser l'exhortation de Pierre que de l'interpréter comme s'il s'agissait de tout accepter dans la passivité. Nous pouvons être amenés à chercher une défense dans la loi, mais si nous suivons le Christ, nous ne ferons jamais cela facilement. Ce sera toujours en étant prêt à tendre la main de la réconciliation.

Ce qui nous est dit, enfin de plus impressionnant sur le Seigneur, sur sa valeur d'exemple, c'est sa compassion pour la souffrance d'autrui : « Le Christ lui-même a porté dans son corps nos péchés. » La recherche humaine générale va dans un sens tout à fait opposé : nous désirons plutôt nous décharger de tout poids qui ne nous concerne pas personnellement. Nous pensons : pourquoi prendrions-nous une charge étrangère, alors que nous avons déjà suffisamment de peines avec les petits et les gros soucis de notre propre vie ?
Jésus est venu dans ce monde. Il a senti le poids qui pesait sur son peuple et sur l'humanité entière. Il l'a pris en partage. Il a soulagé la détresse d'innombrables malades de l'esprit et du corps. Il est entré chez un homme comme Zachée et il a levé le mépris qui l'accablait. Il a pris la défense de la femme adultère que la loi juive condamnait. Il a accueilli Nicodème et il est allé au-devant de Thomas, pour apaiser les doutes qui le tourmentaient. En apportant un espoir au brigand crucifié à ses côtés, Jésus a vraiment vécu jusqu'au bout, jusqu'à l'extrême, sa mission de fraternité.
Nous ne pouvons considérer cette vie constamment donnée pour les autres sans ressentir l'urgence de la perpétuer à travers notre propre existence, nous qui faisons profession d'être chrétiens ! Il est dit qu’«il a porté nos péchés... afin que nous vivions d'une vie juste. » En fait, si nous avons accepté que Jésus libère nos vies de leurs poids, il nous reste à devenir, de tout notre vouloir, des hommes justes. Au lieu d'être des parasites de sa grâce, nous devons être prêts, à notre tour, à faire régner le bien en nous et autour de nous.

Nous avons dit, au début, qu'aujourd'hui des images de toutes sortes s'imposent à notre esprit, orientent notre optique à leur gré et nous façonnent profondément. Le bien et le mal s'y côtoient souvent jusqu'à nous confondre. Il est difficile d'échapper à leur portée, mais nous pouvons élaborer avec autant plus d'intensité l'image du Christ dans nos consciences. Son intégrité, sa patience et sa bienveillance divines deviendront une part solide de notre être, qui fera échec aux influences qui nous divisent.
Le temps de l'errance et du tâtonnement sera terminé. Nous aurons trouvé un tracé sûr pour vivre notre destinée. Peu importe, dès lors, les sollicitations auxquelles nous sommes soumis, peu importe notre aptitude à atteindre la perfection ! Avoir choisi Jésus pour modèle ou pour guide, c'est finalement ce qui décide seul de la bonne orientation de notre vie.
Les dernières paroles de l'apôtre Pierre expriment cela au figuré dans un langage qui a été cher à des générations de chrétiens : « Vous étiez comme des brebis errantes, mais maintenant vous avez été ramenés vers celui qui est le berger et le gardien de vos âmes. »

Amen !

Détails

Avec la participation de
Orgue
Roland Monnier
Musique
Choeur Oecuménique du Grand Saconnex, dir. Antoinette Carillat