La lettre aux Thessaloniciens, le plus ancien document chrétien de notre Bible, est bouleversante. L’apôtre Paul l’a écrite une année après avoir dû quitter précipitamment la communauté naissante de Thessalonique, livrée à ses persécuteurs.
Paul est très inquiet, il prie souvent pour ces jeunes croyants. Heureusement Silas et Timothée lui apportent des nouvelles rassurantes : malgré les injures, les emprisonnements, les humiliations, les frères et les sœurs de Thessalonique ont tenu bon. Ils se sont magnifiquement soutenus les uns les autres. Paul, transporté de joie, leur écrit toute son affection, eux qui ont été si accueillants, à tel point qu’il était prêt à donner sa vie pour eux. « Dans mes prières, je me souviens constamment de votre foi active, de votre amour qui s’engage concrètement au service des faibles et de votre persévérante espérance. Nous avions pour vous une telle affection que nous étions prêts à vous donner, non seulement l’Évangile, mais notre propre vie. »
Quelle est donc cette espérance qui a permis à cette jeune communauté de tenir, que ce soit en prison, sous les coups de fouets ou les regards méprisants ? Paul est très clair : « L’Évangile, la Bonne nouvelle que nous vous annoncions n’a pas été, pour vous, un simple discours humain, mais une parole de Dieu, puissante par l’action de l’Esprit saint. »
Nous touchons ici du doigt le cœur de notre interrogation ce matin : ce qui fait la force et l’originalité de la communauté chrétienne, ce n’est pas l’originalité de ses activités, mais leur origine.
En l’occurrence, une parole qui bouleverse, qui change radicalement le regard sur soi-même et sur les autres. Plus encore, c’est la conviction que Dieu s’adresse directement à l’être humain, tant ce qui est dit sonne vrai et s’avère proche des préoccupations quotidiennes des humains. Son porte-parole, Jésus de Nazareth, un fils de charpentier, un homme simple, dormant à la belle étoile, sachant rire et appréciant la bonne table, parlant avec une telle autorité, un tel amour, une telle justice, que Dieu en devenait irrésistible. Présenté comme cela, il répondait exactement à ce que recherchait chacun : un Dieu dont la présence était comme palpable, qui ne les lâcherait jamais parce que leur nom était écrit dans les paumes de ses mains.
Ca vous change la vie, cette découverte. Vos peurs disparaissent, pour revenir, certes, mais bardées d’espérance ! Je suis persuadé, chers amis, que quand nous venons à l’Église, nous cherchons bien plus que des activités sympathiques, un enseignement pour nos enfants, un rite pour vivre la naissance, le mariage ou le deuil. Consciemment ou non, c’est le besoin d’entendre une parole venant d’un être en qui nous pouvons avoir totalement confiance, qui ne nous trahira jamais et avec qui nous pourrons vivre en totale transparence, qui nous met en mouvement.
La vie est si compliquée ! Il faut ménager celui-ci extrêmement susceptible quand on évoque ses limites ; il ne faut pas parler de politique avec celui-là ; on désespère de trouver chez quelqu’un une oreille véritablement attentive. Y a-t-il finalement quelqu’un avec qui je puis être totalement moi-même ? Dans l’Église ? Pas nécessairement, les chrétiens ont parfois tant de peine à écouter. Nous sommes tellement soucieux d’apporter une réponse, alors que souvent l’on ne nous demande qu’une simple oreille attentive. Nous avons beaucoup à apprendre. Je crois pourtant fermement à l’Église.
Elle est capable de tant de bonnes choses et surtout elle abrite en son sein la source de cette espérance qui a transcendé les Thessaloniciens. La spécificité de l’Église, il faut m’excuser cette incroyable banalité : c’est Dieu, Jésus-Christ et l’Esprit saint.
Il fut un temps où j’étais gêné de dire que j’étais pasteur. J’avais peur de décevoir ceux avec qui j’avais un bon contact. Ridicule ! Tout le monde est intéressé par la question de Dieu. Ce qui dérange les gens, c’est qu’on leur parle de Dieu quand ils n’ont rien demandé. Le problème n’est pas la question de Dieu, mais notre façon d’en parler. Notre responsabilité n’est pas de parler de Dieu, mais de donner envie aux gens de nous interroger sur Dieu. La nuance est de taille !
Voyez Jésus : « Zachée, descends de ton arbre, ce soir je dois manger chez toi. » Un repas, une rencontre totalement inattendue, un moment vrai, sans jugement entre l’homme le plus détesté du village et cet étonnant prophète de Dieu. Voilà ce qui a changé la vie de ce percepteur d’impôts. Un repas où Dieu a certainement trouvé, lui aussi, le moyen de s’inviter.
Voilà comment les communautés chrétiennes ont vu le jour. Tout le reste n’en est que la conséquence ; ne l’oublions jamais, surtout en ce mois de septembre, alors que nous fourbissons avec enthousiasme toute la panoplie de nos activités. N’oublions pas non plus, quoi que nous fassions, de prévoir une chaise libre pour que Dieu puisse s’y asseoir.
Amen !