« Si Dieu le veut »

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Écouter le culte :

« Le but de la vie est d’agir selon la volonté de Dieu – peu importe ce qui se passe. Nous sommes tous liés : nous faisons partie d’un filet de réciprocité ; nous sommes habillés avec le vêtement d’un avenir commun. » Cette citation nous parvient de la voix prophétique du pasteur baptiste afro-américain Martin Luther King, un témoin au premier rang du message du Christ pendant le dernier siècle, militant non violent pour les droits civiques des Noirs aux Etats-Unis, pour la paix et contre la pauvreté. Personnage provocateur et brillant, reconnu en recevant le prix Nobel de la paix à l’âge de 25 ans, il a dû payer de sa vie son engagement, puisqu’il fut assassiné seulement quatre ans plus tard.
Martin Luther King nous renvoie à notre responsabilité respective. Il nous rappelle l’interdépendance entre les hommes, les femmes, les enfants, les riches et les pauvres, les blancs et les noirs, les migrants et les autochtones: « Nous sommes tous habillés avec le vêtement d’un avenir commun. » Personne n’échappe au sort commun. Nous sommes tous liés – et les conséquences de nos actions retombent sur l’humanité entière, sur toute la terre. Notre destination est : agir et vivre « comme Dieu le veut ». Mais qu’est-ce que cela veut dire ?
Avant tout, nous avons tous des projets, des visions pour cette année : Des examens à réussir, des crises financières à maîtriser, une famille à nourrir, des enfants ou petits-enfants à accompagner, des dettes à payer, trouver un nouvel employeur, un nouveau poste. Nous sommes tiraillés de tous côtés et nos projets et visions s’inscrivent dans une réciprocité.
Déjà les chrétiens du premier siècle, juste quelques décennies après la mort et la résurrection du Christ ont fait comme nous : les mois de l’année qui vient de naître sont déjà remplis de devoirs et de projets, comme nos calendriers. Comme nous, ils se croient obligés de maîtriser le temps. Mais avant de fixer des projets précis qui devraient réussir pendant cette année, ils proposent à leurs frères et sœurs de remettre le tout à Dieu. Il y a une condition incontournable : une volonté divine – une dimension qui nous dépasse. Vivre comme Dieu le veut, ce n’est pas évident. Comment découvrir des indications pour connaître Sa Volonté ?

Je vous propose trois pistes pour réfléchir à cette question en ce début d’année. La première piste donne une différenciation entre la volonté de Dieu et la volonté humaine. La volonté de l’homme s’impose ; mais la volonté divine se propose. Impossible pour moi de croire que tout ce qui se passe soit une expression de la volonté divine : il y a trop d’injustice, trop de souffrance autour de cette planète.
Dieu ne s’impose pas. Il nous permet une volonté libre et tout de suite, c’est le pouvoir humain qui s’installe et prend en mains les rênes de l’histoire. L’immense volonté humaine de dominer fait que les riches s’approprient la terre, exploitent le sol, consument des trésors de tout genre en peu de temps.
A la domination répond la violence. Les amis du Nigéria qui sont avec nous ici ce matin, et qui nous ont transmis leurs vœux du Nouvel An, ont perdu des proches dans leur pays le jour de Noël dans un attentat devant une église à la sortie du culte. 40 personnes y ont à l’instant même trouvé la mort. Prions ce matin pour leurs familles ; et prions pour que nos sœurs et frères en Afrique poursuivent leurs efforts à cultiver un dialogue entre les chrétiens et les musulmans. La vie est fragile et précieuse: prenons-en soin ensemble. Il y a toutefois ce filet de réciprocité qui nous lie avec tous. « Nous sommes habillés avec le vêtement d’un avenir commun. »
Comment répondre à la violence ? Recherchons ici en Suisse d’avantage de communication et de compréhension entre les croyants des différentes religions. Il y a de la sagesse et de la nourriture spirituelle à trouver dans toutes les Ecritures Saintes : Elles nous rappellent les origines et les abîmes de la psychologie et de la sagesse humaine. Et elles nous parlent d’une réalité qui nous dépasse, mais dont nous avons un urgent besoin : de Dieu, mystère de la vie, qui dépasse toute mort et qui nous lie à toute création.
Défendons le trésor de nos traditions religieuses au lieu de les laisser dégénérer et usurper par ceux qui en font des idéologies. Pour y arriver, nous avons besoin des théologiens, des hommes et des femmes d’église – comme aussi dans les synagogues et les mosquées – qui nous aident à continuer inlassablement nos recherches et à décortiquer les anciennes traditions, à vaincre l’extrême violence qu’elles expriment notamment, pour toujours trouver le sens qui mène à la vie pour tous – et non pas à l’exclusivité ou à la destruction.
Engageons-nous également ici en Suisse au milieu de l’immense richesse, de la prospérité et de la beauté de notre pays, pour que le pouvoir économique ne soit pas concentré entre les mains de quelques personnes seulement, mais qu’il permette le bien-être pour tous, donc aussi aux petits, à ceux qui débarquent ici démunis et traumatisés et qui cherchent refuge et asile.
Notre volonté humaine est capable de clarifier des structures, de mettre en marche des projets. Elle peut s’exprimer dans le consensus d’une société. Elle nous permet de prendre quelque chose en main, mais elle reste limitée. Elle est toujours soumise au risque de se renfermer sur elle-même – malgré le fait d’être fondée sur des valeurs chrétiennes. Elle risque de se prendre pour Dieu – mais elle reste toujours la volonté humaine limitée.
La volonté divine par contre implique toujours à la fois une perspective individuelle, les petits détails d’une vie, et une perspective globale, qui implique tout. Contempler la volonté divine nous permet de changer le regard, d’osciller entre notre volonté limitée et parfois diffuse et la volonté divine qui est mystère, mais qui nous permet d’avancer. « Si le Seigneur le veut, nous vivrons … » C’est la condition primordiale pour la réussite de tous nos projets.
Cette volonté divine, est-ce qu’elle est liée à un plan fixe sur ma vie ? Est-ce que tout est déjà prévu ? Souvent j’écoute cette idée. On trouve même des éléments bibliques qui donnent résonance à une telle idée. Mais je ne crois pas que tout soit fixé. Au fond, la Bible nous donne la vision d’une grande stabilité, mais à la fois d’une grande ouverture de Dieu. Il n’y a rien de « fataliste », rien d’un scénario fixé.

C’est pour cela que je vous propose une deuxième piste : La volonté de Dieu est à la fois mystère insondable et invitation à la vie. Martin Luther, l’autre, le réformateur allemand du 16ième siècle, contemporain de Calvin, propose la distinction entre deux aspects en Dieu : Il parle du « Deus absconditus », du « Dieu caché », pour nommer tout ce qui est mystère, obscur, non compréhensible, trop complexe pour notre compréhension. Et ce côté obscur de Dieu est contrasté par le « Deus revelatus », le « Dieu qui se révèle », qui fait briller son visage sur ses enfants pour nous bénir en ce début de nouvelle année.
Le Dieu révélé, c’est le Christ crucifié et ressuscité, le Christ qui se tient proche à nos côtés pour nous guider et nous accompagner. Au lieu de nous octroyer une volonté extérieure, Dieu est plutôt extrêmement présent dans tout ce qui ce passe. Dieu est un vis-à-vis. Rien n’échappe à sa sensibilité. Il est attentivement à l’écoute, comprend tout, partage les idées et les émotions.
Ici nous entrons dans le sens profond de la croix. Dieu montre sa condition humaine. Il n’est pas le directeur d’une mise en scène plus ou moins réussie, mais il s’identifie à ses créatures et à leur fragilité. Il accepte même la mort pour révéler sa vie et sa lumière.
Dieu est le Créateur, qui aime sa création et l’inscrit dans sa dignité. Et toute la haine et la méfiance entre les humains ne peuvent jamais réclamer l’empreinte de la volonté de Dieu pour eux : les check points et les murs, l’exploitation et la famine extrême, la destruction de la nature et l’occupation des âmes par des fantasmes horrifiants et destructifs ; tout cela n’est pas une expression de la volonté divine. Le Christ vient pour annoncer un changement et cette transformation commence avec son arrivée. Dans l’évangile que nous venons d’écouter, Jésus proclame la libération, la guérison, la délivrance. L’ancienne annonce du prophète se réalise dans l’existence de Jésus, dans sa vie, sa mort, sa vie après la mort.
Devant l’image du Christ crucifié il n’y a plus aucune notion d’une toute-puissance de Dieu. Il accepte d’être fragile, il s’expose à la violence des autres. La volonté divine c’est la compassion, l’empathie, la coexistence, la collaboration de ses enfants de langues et de cultures différentes. Dieu aime la diversité. Mais surtout, Dieu veut à tout prix comprendre cette créature humaine, qui ne se comprend pas elle-même. Il se tient proche pour nous permettre de vivre, d’avancer dans sa lumière. Comment accueillir cette proximité divine ?

Il y a une pratique spirituelle qui nous permet d’accueillir la volonté de Dieu dans notre vie. Et voici la troisième et dernière piste qui parle d’une telle voie concrète : la prière. Jésus enseigne à prier Dieu : « Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel !». Cette prière est tout d’abord un rappel : Oui, il y a cette volonté de Dieu qui implique tout. En priant, je remets moi-même et aussi les autres à cette volonté, Dieu sachant mieux que nous-mêmes ce qu’il nous faut.
Mais la prière ne s’arrête pas là. Elle rappelle également que la volonté divine ne se réalise pas automatiquement. Dieu cherche des collaborateurs. Il cherche des hommes et des femmes, des riches et des pauvres, des joyeux et des tristes, qui acceptent d’être pour quelques instants de leur vie ses instruments sur terre. Et il y a beaucoup qui mériteraient un Prix Nobel de la Paix pour leurs engagements discrets. Pour être instrument il faut accepter de se laisser prendre dans la main de celui qui sait l’accorder et l’utiliser.
C’est pour cela que St-François d’Assise nous propose de prier :
«Seigneur, fais de moi un instrument de ta paix.
Là où est la haine, que je mette l'amour.
Là où est l'offense, que je mette le pardon.
Là où est la discorde, que je mette l'union.
Là où est l'erreur, que je mette la vérité
Là où est le doute, que je mette la foi.
Là où est le désespoir, que je mette l'espérance.
Là où sont les ténèbres, que je mette la lumière.
Là où est la tristesse, que je mette la joie.»
La volonté de Dieu, qui est bienveillant envers tous ses enfants, peut changer le cours des choses. Cherchons à comprendre sa volonté. Prenons le temps, en ce début d’année et chaque matin à nouveau, de nous laisser «informer» par lui, de changer nos cœurs pour être réceptifs à son pardon, sa vérité – avant de prendre en main les choses. Prenons le temps de chercher Sa Volonté, de l’accueillir et d’être à l’écoute ; soyons davantage disposés à accueillir et à écouter nos sœurs et frères.
La capacité divine de transformer la vie dépasse même notre imagination. Osons donc nous laisser toucher par cet amour, qui nous cherche tous.
Amen !

Détails

Avec la participation de
Jacques André, pasteur de l'Église évangélique de Cologny
Christian van de Heuvel / Jylianne Stucky /Jutta Loizeau /Francis Meuly /Tricia McClendon
Orgue
Irina Alieva
Musique
Pierre-André Loizeau, flûte traversière et saxophone
Nathalia Ramangalahy, flûte à bec