La vigne, une métaphore de la relation intime du croyant avec le Christ.

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Écouter le culte :

Il est là, c’est rassurant, ça fait du bien. Et s’il venait à disparaître ! A l’heure où Jésus passait de ce monde à son Père, il réaffirmait son attachement aux disciples, en leur disant : « Moi, je suis la vraie vigne.» Le Cep s’en va. Mais il est possible de demeurer en lui. Le Cep s’en va, ce n’est pas le moment d’interrompre le lien. Au regard de la foi, il est possible de demeurer en Jésus, il est possible de croire en lui.
Dans le texte du « Bon Berger » que nous avons entendu dimanche passé, les disciples marchaient dans les pas de Jésus à sa suite, il est question de l’amour de Jésus pour les siens. Aujourd’hui, la métaphore de la vigne présente un lien plus profond, un lien d’une communion mutuelle : Jésus est le cep qui porte les sarments. Le cep, c’est le pied de vigne. Les sarments sont les branches, les tiges qui portent les grappes de raisins. Les sarments symbolisent les disciples. Jésus est dans le disciple comme le disciple est en lui.
« Je suis la vraie vigne », nous dit Jésus. Quoi de plus riche que la métaphore de la vigne pour exprimer une relation de communion. La vigne est l’image centrale du texte. Car sans vigne, pas de cep, pas de vendange, pas de vin. Venue d’un pays où l’on cultive de la canne à sucre, là-bas, ils ont plutôt une culture du rhum que du vin, il m’a fallu faire des recherches sur la structure d’une vigne. La vigne pousse sur un sol pauvre. La profondeur des racines est très importante. Elle permet à la vigne de survivre à des périodes de sécheresse. Les racines sont très fines. Elles cherchent de l’eau et des oligo-éléments jusqu’à plusieurs mètres de profondeurs.
Si nous approfondissons cette image de profondeur des racines de la vigne, le Christ est la racine profonde sur laquelle nos branches se greffent et prennent vie. Ce qui veut dire, dans les situations où nous avons le sentiment de toucher de fond, le Christ est là. De la profondeur de l’obscurité, de la douleur, de la peine, le Christ est là. Cette présence, loin d’être une assurance tout risque, manifeste la solidarité du Christ avec les vivants. Parce que Lui aussi a été dans le séjour des morts. Des auteurs bibliques nous parlent de sa descente aux enfers. Mais Il a forcé le séjour des morts. Il est ressuscité. C’est ce que nous confessons dans la confession du symbole des Apôtres, que certains d’entre nous connaissent encore par cœur. La source de notre vitalité s’enracine en lui.
Ce qui veut dire, nous ne sommes pas seuls. Il est présent dans tout ce que nous vivons, dans la profondeur de la joie comme dans la profondeur de la tristesse. Jésus nous parle de communion dans un contexte de séparation. Nous aussi, nous connaissons des passages, des traversées du désert. Nous vivons des coupures sévères dans la vie : le divorce, le chômage, la maladie, la perte d’un être cher, la perte d’estime de soi. Il y a des drames insupportables. Le sol de la vigne est pauvre comme la pauvreté de beaucoup de vies : pauvreté économique, pauvreté morale, pauvreté du corps et de l’âme. Il nous arrive de dire : « Est-ce que la vie à un sens ? » « Je suis vieux, je vais bientôt mourir, à quoi ça sert de lutter ? ». En plus, s’ajoute ce sentiment d’être seuls au monde, abandonnés. La traversée des épreuves, la séparation nous font découvrir la nécessité de s’unir, de communier les uns avec les autres, de se soutenir. La séparation nous fait découvrir le besoin de renouer avec nous-mêmes.

Le mot « demeurer » nous situe dans le registre de la foi : « Quiconque confesse que Jésus est le fils de Dieu, Dieu demeure en lui et lui en Dieu. » 1 Jean 4, 15. Croire que Jésus est la vigne veut dire qu’il nous rejoint dans ce qui fait notre pauvreté. Croire que Jésus est la vigne signifie qu’avec les personnes qui vivent l’expérience humaine difficile, nous ressentons une solidarité, nous tirons de la Vigne notre espérance, notre réconfort pour tenir bon. Nous recevons une force pour avancer, nous tirons de lui de l’eau vive qui nous irrigue dans les périodes de sécheresse.
Cette eau vive, c’est sa Parole. Nos branches sont enracinées dans le sol profond de la Parole et de l’amour du Christ. La question qui nous est posée en tant que sarments, en tant que croyants, c’est une question essentielle sur l’entretien de notre vie de foi, notre écoute de la Parole de vie, notre fidélité à cette Parole d’amour. Car si la foi et la fidélité disparaissent, l’intériorité avec le Christ disparaît aussi.
Il est de notre responsabilité et aussi de notre liberté de laisser ou ne pas laisser dessécher ce qui vit dans la profondeur la plus intime de nous-mêmes, à demeurer conscients de ce qui vit en nous, au plus profond de notre intimité, cette intériorité spirituelle qu’est l’espace où le Christ vit en chaque croyant. Aussi, chacun est renvoyé à son propre souci de communion, à son désir de laisser Dieu faire sa demeure en lui, à son besoin de vivre de sa Parole d’amour, à son souhait de rencontrer ceux qui comme lui vivent de cette Parole, à sa liberté de demeurer dans la vigne ou pas.

Nous communions avec Christ en demeurant à l’écoute de sa Parole libératrice, en étant fidèle à cette parole et dans la prière. Cette communion nous fait « demeurer » aussi les uns avec les autres. Les sarments sont unis à la vigne, des sarments différents mais greffés sur la même vigne. Communier c’est rencontrer, être ensemble, faire corps, être avec les autres, confesser et prier pour et aussi avec les autres, partager, se porter les uns les autres. Face à cette tendance à croire que l’on peut être sarment tout seul, il est bon de se redire que nous avons besoin de communier les uns avec les autres.
La métaphore de la vigne nous situe face à une problématique toujours d’actualité : être et faire. Jésus nous demande de demeurer en lui. En Eglise, en tant que croyants, nous sommes souvent interpellés à faire : faire ceci ou cela pour que les bancs se remplissent, pour attirer les jeunes au culte, pour se faire voir ou entendre… Il me semble que dans ce passage, il n’est pas d’abord question d’entreprendre, d’agir. Jésus nous appelle d’abord à être.
Il nous demande de nous préoccuper en priorité de notre relation, de notre communion avec lui. Le plus important, c’est demeurer en Christ, c’est d’Etre en Christ. Pour l’auteur du 4ème Evangile, il ne sert à rien de pousser les sarments à produire du fruit s’ils ne sont pas irrigués par la source de vie. Sans un lien profond avec la personne du Christ, l’enthousiasme le plus sincère, la motivation la plus brûlante peut se révéler stérile. Nous connaissons tous la réalité et la difficulté du terrain : la déception, la lassitude que l’on peut vivre et nous porte au découragement. Sans la communion avec le Christ, nous sommes des disciples privés de sève.
Ce qui compte c’est ce que nous sommes en Christ devant Dieu. Ce n’est pas pour minimiser nos actions, notre enthousiasme, mais pour nous faire prendre conscience de cette communion profonde avec le lui, pour savoir tout lui confier, pour accepter de ne pas compter sur nos seules forces, pour accepter de dépendre de lui. Car dit-il « sans moi, vous ne pouvez rien faire ». Ce sont les êtres unis au Christ qui porteront du fruit. Du fruit d’Evangile, du fruit de justice, de compassion, du fruit d’amour, d’amour fraternel : « Si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous et son amour, en nous, est accompli » 1 Jean 4, 12.
« Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père», nous dit Jésus Jean 14, 2. Nous pouvons vivre en communion avec Jésus là où nous sommes, partout, dans le concret de notre vie. La demeure est cette relation intime que nous entretenons avec le Christ. Ainsi, il y a autant de demeures que de personnes. Il y a plusieurs façons d’entretenir sa foi. Dans ce corps unique que nous formons avec la Christ, nous représentons une multitude de cépages, nous sommes uniques, libres, différents, dans nos manières d’être en Christ. Chaque personne est unique, chacun a sa relation privilégiée avec le Christ. Chaque souffrance, chaque blessure, chaque vécu est unique, chaque foi est unique.
Dieu, le Père vigneron a envoyé par amour Jésus la vraie vigne. Il a été planté par son Père parmi nous. Il a donné sa vie par amour pour faire de nous membres d’un seul corps. Le Père vigneron a tout fait pour que la vie du vrai cep soit transmise fidèlement à tous les sarments. C’est Lui qui nous a purifiés par la Parole de Jésus. Et maintenant, nous les sarments, nous les croyants ici rassemblés, ainsi que les croyants à travers le monde, enracinés dans cette Parole, nous prolongeons son œuvre. En communion les uns avec les autres, vivifiés par l’amour qui relie Jésus à son Père, nous porterons du fruit d’Evangile pour la joie et la gloire du Vigneron.

Amen !

Pour beaucoup, la foi se résume à un ensemble de devoir et d’actions à accomplir. L’Evangile de ce dimanche rappelle l’essentiel : la communion avec le Christ, être en Christ. Il demeure en nous comme nous en lui. En lui nous puisons notre force de vie. La sève de sa vie nous renouvelle. En demeurant en lui et en restant fidèles à sa Parole nous portons du fruit. Cela laisse à penser ! La métaphore de la vigne donne à penser ! Elle remet en question l’illusion de tout agir éthique qui aurait son fondement en lui-même. Le fondement, c'est la communion en Christ. Le Christ nous invite à être et non à faire. Il nous dit simplement : demeurez en moi ».

Détails

Avec la participation de
Jean-Claude Barbezat
Orgue
Jean-Pascal Mougin
Musique