On ne peut pas évoquer le Valais sans parler de l'eau, des bisses et des barrages...

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Écouter le culte :

Le Valais est en fête toute l’année ! Un important programme de manifestations est organisé à l’occasion des 200 ans d’entrée de ce beau canton dans la Confédération helvétique.

Il y a quelques mois de cela, avec le conseil de paroisse du Coude du Rhône Martigny-Saxon, nous étions à Sion et, avec l’aide d’une guide, nous avons visité la superbe vieille ville de la capitale. En entrant dans la tour des Sorcières, bien connue par les Sédunois – à deux pas de la cathédrale, nous avons été interpellés. Il y a fort longtemps, cet édifice servait à rendre justice. Et savez-vous quels étaient les deux conflits les plus fréquents à arbitrer ? Premièrement, les interprétations divergentes sur la limite des terrains et deuxièmement, l’utilisation de l’eau pour le bétail, l’arrosage des champs et les besoins domestiques. Les règles établies étaient parfois difficiles à respecter.
En tournant nos robinets d’eau aujourd’hui, avec ce geste si simple, nous oublions bien souvent combien, dans l’histoire et dans le monde aujourd’hui encore, les enjeux sont primordiaux.

Autour de l’eau, on ne peut pas évoquer le Valais sans parler des bisses. Ils ont été remis au goût du jour ces dernières décennies, en particulier grâce au tourisme. Bien avant les ballades bucoliques et sympathiques le long des parcours forcés de l’eau, l’histoire de ces bisses est très ancienne. Il a été évoqué le savoir des Romains transmis aux populations locales. Sans pouvoir le prouver, on parle même de Sarrasins qui auraient transmis ces techniques. Quoi qu’il en soit, les premières traces écrites attestant les bisses datent du XIe siècle.
L’eau en Valais est abondante et les Alpes regorgent de réserve. Il était cependant primordial de pouvoir amener cette eau où les gens en ont besoin : les alpages, les champs, les cultures, le bétail, les besoins privés.

Plus récemment, le Valais a été marqué par l’épopée des barrages. La technique permettant de produire de l’électricité et d’en faire une force économique a été exploitée. On le sait moins souvent, ces importants travaux ont mobilisé des régions entières, sur de longues périodes. La main d’œuvre a également été cherchée plus loin que nos frontières. Plus étonnant et pas si surprenant finalement, les rôles hommes/femmes ont été profondément et rapidement remaniés. A Hérémence, par exemple, lorsque le barrage de la Grande Dixence a été construit en plusieurs étapes, les hommes de la région ont été massivement mobilisés. La vie quotidienne s’en est trouvée chamboulée ; les femmes reprenant des activités dévolues habituellement aux hommes.
En peu de temps, les cartes ont été profondément redistribuées.

Chaque progrès, chaque découverte a le revers de sa médaille. Depuis quelques années, nous découvrons que l’aval de ces gigantesques barrages engendre des rivières à moitié mortes. Le débit minimum d’eau n’est plus garanti et la biodiversité s’en trouve altérée. La prise de conscience fait son chemin et les actions concrètes pour améliorer cela ne sont pas encore suffisantes.

Trois réalités et trois époques pour évoquer l’histoire de l’eau en Valais. Il y aurait bien d’autres choses encore à dire.

Notre récit biblique de ce jour parle entre autres d’eau. Matériellement, physiquement et métaphoriquement. Plus que cela encore, c’est l’histoire d’une rencontre importante qui se joue. Un peu comme dans la vie. On échange, on se croise, on ne se comprend pas toujours, on creuse ensemble et l’autre devient parfois pour soi, pour les autres : évolution, rencontre profonde.
Cet autre n’est pas n’importe qui : Jésus, le Christ lui-même.

Il est bon de rappeler que pour un juif pieux du premier siècle, traverser la Samarie n’était juste pas pensable. Cette région marquée par la mixité ethnique devenait alors territoire impur. Impossible de la traverser, quitte à faire un détour. Cette terre avait cependant un passé prestigieux. Elle était associée à la figure du patriarche Jacob.

L’humanité de Jésus est touchante. Il est décrit comme un pèlerin fatigué. Il fait chaud et le soleil est au zénith. Jésus s’arrête au puits de Jacob. L’eau, dans un deuxième temps, devient prétexte à échanger, à creuser, à approfondir, à se rencontrer.
N’oublions pas que Jésus traverse cette Samarie jugée impure et qu’en plus, lui l’homme, il s’adresse à une femme samaritaine.
Improbable rencontre d’où va surgir l’inattendu de Dieu.

Le dialogue qui s’ensuit est étonnant, marqué par l’ironie et par le fait de ne pas toujours se comprendre. Par petites touches, Jésus parle « d’eau vive », la vie en plénitude offerte par Dieu. La Samaritaine ne perçoit pas où Jésus veut en venir.
Il ne lâche pas prise, Jésus ne se décourage pas. Il change de stratégie dans son dialogue avec son interlocutrice. Il emprunte un cheminement qui l’emmène sur le terrain de l’existence concrète de cette femme.
Jésus ouvre simplement et sans moraliser le terrain du questionnement essentiel pour la Samaritaine : la compréhension et la conduite de sa vie.
Enfin, ils ne se croisent plus.

Le questionnement va aller si loin que c’est une vraie révolution qui est abordée par Jésus. Dieu n’est désormais plus lié à un lieu, ni à un temple, il doit être adoré « en esprit et en vérité » (v. 23-24).

Quand on approfondit ensemble, on finit par se dire, par se découvrir, par se dévoiler. Il faut du temps. La Samaritaine parle d’elle en profondeur, Jésus dévoile qui il est.

L’arrivée des disciples aborde un autre aspect.
On ne change pas comme cela et si rapidement les conventions sociales. Ils sont choqués. Jésus est avec une femme et en Samarie en plus. Jésus vient également signifier que sa mission est de représenter Dieu, également en dehors de la « Terre sainte ».

Aujourd’hui, arrivons-nous réellement à réaliser ce que cela signifie ? Jésus dorénavant n’est plus seulement identifié au Messie d’un groupe de personnes ; sa mission est désormais universelle.
Le verset 42 le précise : il est le « sauveur du monde ».
Bonne nouvelle, l’amour de Dieu en Jésus-Christ est pour toutes et tous au travers du monde.

Dans l’histoire de ce canton, notre récit biblique se met en écho. Le Valais est un canton bilingue, germanophone et francophone.
Si Jésus et la Samaritaine au début de la rencontre ne se comprennent pas bien, vous pouvez imaginer qu’il n’est pas toujours simple d’être ensemble. En Valais, chaque région linguistique a ses particularités et chaque langue est le véhicule d’une culture, d’une tradition.
L’envie de toujours mieux se connaître, d’être ensemble germanophones et francophones dans le canton du Valais fait tomber bien des murs, bien des barrières, bien des incompréhensions.
Ce n’est jamais gagné, l’ouvrage est toujours à remettre sur le métier.
Les clivages naissent parfois également entre les réalités de la montagne et de la plaine.
Se rencontrer, s’écouter, se comprendre et trouver des solutions les meilleures pour l’ensemble, y compris pour les minorités doit être un engagement constant. C’est le miracle de notre fédéralisme.

Jésus rencontre la Samaritaine et c’est un échange, un lien fort qui se noue. Jésus est un homme juif de son temps et en plus il est en Samarie. Rien n’est facile, même pas dès le départ de cette rencontre improbable pour son époque.
Je le disais tout à l’heure, avec la construction des barrages, bien des femmes de ce canton ont vu les cartes du partage des tâches hommes/femmes redistribuées très rapidement. C’est un changement profond qui s’est joué.
Jésus souhaite son interlocutrice debout, se posant des questions, cheminant vers toujours plus de clarté, de fluidité et de vérité.
Il en a été de même pour la place de la femme dans la société valaisanne. Bien du chemin a déjà été parcouru et comme partout en Suisse, il reste encore du chemin à emprunter.

Alors, en nous baladant le long d’un bisse, le long d’un torrent impétueux, en admirant le lac d’un barrage de montagne en Valais ; peut-être aurons-nous envie de nous arrêter, de faire halte et de nous asseoir sur un rocher, sur un tronc d’arbre, dans l’herbe.
Le temps sera peut-être venu de ne plus viser la performance, le moment choisi sera celui de se laisser rencontrer, d’accueillir l’inattendu de Dieu dans nos vies.
Il y a quelques années de cela, un jeune théologien orthodoxe d’origine indienne était en visite en Suisse. De beaux échanges ont eu lieu. Un jour, des étudiants l’ont emmené découvrir les Alpes en saison hivernale. Ils ont emprunté une installation mécanique et sont arrivés au sommet d’une belle montagne. C’était un jour radieux, un de ces jours comme on aime à dire : « carte postale ».
Savez-vous quelle fut la réflexion de ce théologien orthodoxe d’origine indienne ? « Votre pays est magnifique et vos montagnes sont superbes. Pour quelles raisons les skieurs, lorsqu’ils arrivent au sommet des pistes, pour quelles raisons ne prennent-ils pas le temps d’observer autour d’eux, d’admirer le paysage, de rendre grâce à Dieu ? »

En ce jour de la course mythique de Sierre-Zinal, je ne me permettrais pas de dire du mal d’une telle manifestation. L’effort, le dépassement de soi sont de très belles valeurs sportives. Il peut cependant être tout à fait profitable d’expérimenter un peu plus de lenteur et de laisser place en nos vies à la contemplation.

Dans notre paroisse, un camp de catéchisme de deuxième année permet de vivre cette expérience. Cette activité se déroule dans la région de Taizé dans le sud de la Bourgogne. L’expérience du silence dans la prière devient pour les adolescents quelque chose d’unique. Il faut dire que notre société en particulier a une réelle peur du silence.
Jusque dans nos magasins et nos surfaces commerciales, la musique est omniprésente.

Les Alpes, comme tant d’autres endroits en Suisse ou dans le monde, sont des lieux privilégiés pour vivre l’expérience de l’intériorité.
Le cheminement intérieur est à sa façon voyage. Il est possible de découvrir des contrées insoupçonnées sans bouger. Il est possible d’aller plus loin, tout en restant chez soi.
Prendre soin de son intériorité n’est pas une démarche égoïste ; c’est un cheminement intérieur qui nous invite à nous découvrir, à entrer toujours plus en relation avec Dieu, à ouvrir nos mains pour aller vers les autres.
C’est une invitation à quitter la peur pour aller vers plus de confiance.

Alors, avec Jésus, auprès d’un puits, en une chaude journée, le temps de la rencontre avec la Samaritaine devient chemin intérieur.
Jésus nous invite à progresser à notre tour avec lui. C’est une belle aventure de foi qui nous est proposée
Et là, personne ne sait à l’avance où il veut nous emmener !

Amen.

Cultes radiodiffusés depuis l’église protestante de Martigny à l’occasion du 200e anniversaire de l’entrée du Valais dans la Confédération.L’eau est incontournable pour permettre la vie. En Valais, les bisses, les torrents, les rivières, les lacs de montagnes sont enchanteurs. Par l’enneigement artificiel en hiver, l’eau devient même un enjeu touristique important
Au bord de l’eau, certaines rencontres deviennent déterminantes. Assis sur un rocher, au pied d’un arbre ou auprès d’un puits ; c’est comme si l’eau permettait le questionnement, l’approfondissement.
Avec le temps, l’eau réussit à polir le rocher le plus dur. Dans le texte biblique, Jésus, en rencontrant la Samaritaine au bord d’un puits, ouvre et élargit l’horizon. Comment pour nous aujourd'hui, les questions peuvent-elles devenir chemins, les rencontres « sources » de vie?

Détails

Avec la participation de
Luc Mathieu
Orgue
Musique
Patricia Muller à la guitare et Léonard Muller à la clarinette.