N'ayez pas peur! Le Souffle de Pentecôte

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Écouter le culte :

Je soupçonne que la peur de Nicodème évolue au fil de sa discussion avec Jésus. Sa première peur, c’est pour sa réputation. Nicodème, pharisien, homme de la Loi, fait partie d’un monde où les choses sont assez claires et assez simples : dans sa tête, comme pharisien, il y a des principes. Si tu appliques de manière correcte les commandements, si tu pratiques de manière juste, alors tu es juste : si tu fais juste, tu es juste !

Et Nicodème a probablement vu et constaté que Jésus fait œuvre de souplesse avec les commandements. Jésus s’autorise des activités, voire du travail, le jour du Sabbat ; et puis Jésus assume une certaine proximité, des paroles et des gestes avec des femmes et des hommes qui eux, ne sont pas très justes d’après la Loi.

Alors, pour Nicodème, dans sa tête, être vu au contact de Jésus, ça lui fait un peu peur. Il se préoccupe de son statut et il craint qu’on le trouve déloyal, voire traître, avec sa tradition religieuse.

Il y a de la peur, mais il y a aussi du désir. Nicodème a vu, il le dit, il a constaté auprès de Jésus des choses extraordinaires qui lui font envie : des hommes, des femmes qui se relèvent, de l’espérance dans les deuils, dans les maladies, les échecs.

Alors Nicodème va de nuit. Mais au fil de la discussion, Nicodème va percevoir une autre peur ; une peur beaucoup plus compliquée. Cette peur, peut-être qu’elle nous rattrape parfois nous aussi…

La peur de Nicodème, elle surgit au moment où il réalise que son monde à lui est tellement différent du monde de Jésus, qu’il a peur de faire ce pas. En effet, ce qu’il découvre du monde et de la sphère du Christ, c’est tellement différent de ses repères à lui, qu’il a la trouille. Faire un pas de plus, ça fait peur !

Ces deux mondes sont formulés dans cet extrait d’Évangile avec les deux termes de CHAIR et d’ESPRIT. Jésus dit : « Ce qui est né de la chair est chair. Ce qui naît de l’Esprit de Dieu est Esprit. » Le monde de Nicodème, c’est le monde de l’humain : le monde des principes, le monde des règlements, des solidités institutionnelles qui rassurent. Et le monde du Christ, c’est l’Esprit : un souffle qui s’infiltre là où on ne pense pas, là où on n’aimerait peut-être pas qu’il s’engouffre, mais qui va semer la vie.

Deux mondes. La CHAIR, pour l’Évangile de Jean, c’est l’identité humaine, quasi biologique, l’identité terrestre de la condition de l’homme. Souvenez-vous au début de l’Évangile de Jean, dans ce qu’on appelle le Prologue, il est dit : « Le Verbe, ou la Parole, s’est fait CHAIR. » Autrement dit, il y a eu un mouvement signalé dans les premiers versets de l’Évangile par Saint Jean qui affirme que Dieu est venu dans la chair. Il a pris chair, c’est-à-dire qu’il s’y est engagé, impliqué ; Dieu épouse la condition humaine, c’est le mouvement fondamental de l’Évangile. Un Dieu qui vient s’impliquer et s’investir dans notre réalité humaine et biologique : Dieu a choisi son camp, Dieu est du côté des humains – de ta vie !

Et là dans ce dialogue, Jésus propose à Nicodème le chemin inverse : Dieu est venu en Jésus Christ prendre chair, mais toi, tu peux faire le chemin inverse. Sors, Nicodème ! Sors de ton monde un peu étriqué avec ses principes limités noir ou blanc. Sors ! Ou plutôt laisse-toi conduire, laisse-toi porter, encourager par un Souffle qui vient d’ailleurs et qui va t’élever. Nicodème, tu peux vivre de manière plus généreuse et plus lumineuse. Tu peux voir plus haut, plus grand, plus profond. Ose, n’aie pas peur Nicodème !

Comment ? En t’exposant au Souffle de Dieu. En t’exposant à la Parole du Christ qui s’infiltre en toi. Ne reste pas imperméable et spectateur, Nicodème : tu l’as compris, si tu es venu trouver le Christ c’est parce tu as bien saisi que ce qui rend la vie humaine plus belle, plus généreuse et plus joyeuse, ce ne sont pas les principes et les règlements ! On a besoin de ces balises, mais ce qui comble la vie humaine, c’est le pardon, la repentance, la deuxième chance, la bienveillance, les encouragements, tout ce que tu as vu en Jésus-Christ. Alors, vas-y, ose, n’aie pas peur, et expose-toi encore davantage à sa Vie, à son Souffle, à sa Parole.

Nicodème, tu peux passer du statut de spectateur au statut de récepteur du Souffle et d’acteur de la Parole du Christ. Voilà l’enjeu de cette conversation : il t’est proposé de ne pas seulement trouver que c’est beau ce que le Christ dit ; pas seulement trouver que c’est fort, ce que le Christ fait. Mais de l’accueillir en toi en plénitude. C’est ça naître de nouveau, c’est ça la naissance de l’Esprit : si tu fais ce pas, tu pourras toi, Nicodème, poser dans ton entourage de ces gestes concrets de tendresse, de pardon et d’avenir ; alors tu pourras dans ta sphère religieuse, dans ta communauté, faire preuve de souplesse et d’audace bienvenue. Pour faire circuler la Vie, et pas seulement le rappel des règlements.

Nicodème a eu peur de ce monde dans lequel le Christ lui proposait d’entrer. Et j’ai parfois ces mêmes peurs – nous avons peut-être parfois ces mêmes peurs : des résistances, parce qu’il y a un inconfort de quitter nos repères et nos principes : ça c’est juste, ça c’est pas juste. Et si on sort des clous, attention ! Et nous avons peur de quitter ça. Mais le Souffle de Pentecôte, et c’est notre chance, nous invite à nous laisser pousser, inspirer, pour essayer un pas dans la direction du monde du Christ, pour que nous aussi nous devenions des récepteurs du Souffle et des acteurs de la Parole du Christ.

On peut toujours dire que c’est beau, la musique d’Église ; on peut toujours dire que c’est bien toutes ces œuvres d’entraide qui se déploient dans notre société ; on peut dire que c’est très beau, ces initiatives des Églises pour rejoindre de nouvelles couches de la population, autrement. Mais toi et moi, le Souffle peut nous traverser pour être acteurs de tout cela : dans ton entourage, concrètement, poser des gestes de cette bienveillance et de cette deuxième chance ; dans ce monde qui souffre, dans ce monde compliqué, concrètement accueillir et déployer un engagement à ta portée ; et puis, par ce Souffle, développer davantage de souplesse et d’audace en Église. Notre Église crève de tous ses règlements, de ses principes, de ses processus. On a besoin d’espace, d’initiatives.

Alors c’est le bonheur de cette Pentecôte. Parce que Dieu a choisi son camp : ta vie et notre monde ! Alors ose faire ce mouvement pour te laisser bousculer, élever, encourager. Tu n’es pas seul pour faire ce mouvement : un Amour plus grand te porte et t’accompagne. Pour que cette Pentecôte ne soit pas qu’un spectacle ou une fête à commenter mais une naissance – une renaissance spirituelle. Pour toi et pour tous ceux que côtoies.

Amen.

De quoi le maître de la Loi Nicodème a-t-il le plus peur quand il rencontre Jésus de nuit? Que sa réputation pâtisse de côtoyer ce personnage contesté? De devoir s’exposer à des processus spirituels inédits pour un théologien comme lui?

Comment nous rendre disponibles au Souffle de Pentecôte alors que sommeillent en nous des peurs similaires à celles de Nicodème ?

Ce culte est le premier de trois sur le thème: «N’ayez pas peur!»

Détails

Avec la participation de
Francine Guyaz, diacre, pour la liturgie et Jean-Michel Emch pour les lectures
Orgue
Christianne Cornu Cavin
Musique
Marianne Amrein à la flûte et un quatuor choral avec Margrit Pitton, Bettina Monnier, Frédéric Monnier et Michel Jaunin