Atouts Cœurs

©Alexandra Urfer Jungen

Écouter le culte :

Sylvain Corbaz

Hier matin, j’étais au marché villageois à Barboleuse en famille. Attablés, un magicien nous a approché. Il a fait signer une carte et a fait un tour de passe-passe avec, puis nous a proposé d’autres tours sympathiques. En regardant son jeu de cartes, je me disais que, parmi les symboles matériels de notre pays, après les spécialités culinaires et les couteaux suisses, le jeu de Jass devait figurer pas loin derrière.

D’ailleurs, ça fait maintenant de longues années que dans mon sac, où que j’aille, dans mon petit nécessaire, j’ai un jeu de cartes. Avoir un jeu de cartes à portée de main était, et est toujours pour moi primordial. C’est un jeu que beaucoup de gens connaissent en Suisse. C’est aussi un moyen d’avoir des cartes sur soi pour jouer ou improviser d’autres jeux. Combien de fois n’ai-je pas improvisé un « loup-garou » pour mes catéchumènes avec ce jeu de cartes ? Ce jeu est à la fois un lien avec mes contemporains et une manière de passer le temps d’une façon satisfaisante. Et oui, quand on sort les cartes pour « taper le carton », le temps se suspend. Dans les compétitions même, pas le droit de parler. Alors on entre dans une bulle.

C’est une même bulle en suspension que crée Jésus quand il entre dans la synagogue de Capharnaüm. D’ailleurs, si on devait jouer ce récit de guérison dans une pièce de théâtre, je m’imagine la scène très bien : ce serait un cowboy qui entre dans un saloon. La musique s’arrête, les regards des badauds se concentrent sur l’intrus. Soudain, le cowboy fait quelque chose d’inattendu et d’interdit. « Qu’on lui mette le goudron et les plumes ! » Ça suscite les exclamations et l’indignation de l’assemblée et il sort en se faisant insulter.

Le texte de l’Évangile selon Marc que nous avons entendu tout à l’heure n’est pas si différent : Jésus entre dans la synagogue de Capharnaüm pendant le Sabbat, tout le monde présent regarde Jésus pour voir s’il fait un pas de travers. Jésus soigne l’infirme et plusieurs personnes commencent à comploter contre Jésus.      

Ce qui se passe dans ce texte est intéressant : c’est la cinquième fois de suite que Jésus se retrouve dans une controverse. Et ce n’est que le chapitre 3 ! L’Évangile selon Marc ne manque pas de rythme.

Cinquième et dernière controverse, donc ; c’est la seconde sur le Sabbat, le jour de repos observé par les juifs pendant lequel il convient de s’abstenir de créer, de faire des actions définitives, d’accomplissement.

Cela comprend en effet les guérisons données par Jésus qui sont tout sauf réversibles. Dans ce contexte, Jésus n’y va pas de main morte. Il s’adresse aux personnes présentes en leur disant : « Qu'est-il permis le jour du sabbat ? De faire le bien ou de faire le mal ? De sauver la vie d'un être humain ou de le tuer ? »

Cette question est au centre du récit. Elle en est en quelque sorte le sommet, le point culminant. Cette question, embarrassante, oppose « faire le bien ou faire le mal » ainsi que « sauver une vie ou tuer ». Jésus, radical, suggère que soit on favorise la vie et on sauve, soit on favorise le mal et on tue.

Jésus, lui, sauve. Et il pose les bases ainsi du commandement qu’il laissera plus tard au chapitre 12 à un autre maître de la Loi : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. »       

Face à des humains en quête de Dieu, en quête de sens, le Christ déclare que l’amour du prochain est capital et qu’il a la priorité sur tous les autres commandements. C’est cela-même qui porte la vie ! Et c’est l’atout du Christ : l’amour. L’amour qui s’affranchit des dogmes. L’amour qui recentre. L’amour qui dérange. L’amour qui est porteur de vie.

En disant cela, je me rends bien compte que du haut de mes trois dizaines d’années de vie, j’ai encore beaucoup à vivre et à expérimenter. Et, en même temps, j’ai croisé en ces temps difficiles de plus en plus de personnes en crise, en quête profonde de sens, que cela soit au niveau professionnel, identitaire, familial ou spirituel. Une quête de sens que j’accompagne avec les outils qui sont les miens. Une quête de sens que je rejoins, parfois. Une quête où je rencontre des personnes au cœur endurci par la vie et par les gens. Des cœurs blessés et mal cicatrisés.

 

Suzy Favre

Je suis animatrice socioculturelle. J’ai l’immense privilège de travailler auprès de jeunes âgés de 15 à 25 ans. Ça bouge pas mal ! On fait des projets, on rêve, on débat… mais j’ai malheureusement également été confrontée à une terrible statistique qui concerne les adolescents : je parle du suicide. Saviez-vous que c’est la première cause de mortalité chez les 15-29 ans en Suisse ? Quand j’ai appris cela, j’ai ressenti une immense tristesse. N’est-ce pas intolérable ? Inacceptable ? La quête de sens… quand elle n’aboutit pas, ce sont aussi les raisons de vivre qui disparaissent.

Il y a plusieurs livres dans la Bible qui parlent de sagesse et de quête de sens, mais celui qui m’a le plus marqué c’est l’Ecclésiaste. Il suit les Proverbes dans l’Ancien Testament. L’auteur commence en ces termes : « De la fumée », dit le Sage, « tout n'est que fumée, tout part en fumée. Les humains travaillent durement ici-bas mais quel profit en tirent-ils ? Une génération passe, une nouvelle génération lui succède, mais le monde demeure indéfiniment. »

Ne vous êtes-vous jamais demandé, comme l’auteur du livre de l’Ecclésiaste : « Mais, à quoi ça sert tout ça ?? Naître, vivre et puis mourir. Comme tant d’autres humains avant moi ? » Moi, si. J’ai traversé cette période de questionnements, de quête de sens : Pourquoi je vis ? D’où je viens ? Et après la mort ? On se les pose tous, ces questions-là, non ? Et lorsqu’on ne trouve pas de réponses, cela peut-être très dur à vivre.

L’Ecclésiaste nous le dit en introduction : « De la fumée », dit le Sage, « tout n'est que fumée, tout part en fumée ». Pas joyeux, hein ? Mais ne nous arrêtons pas là…

Quand j’avais 25 ans, moi aussi j’étais carrément en quête de sens, et pourtant je n’étais pas malheureuse. Mais j’avais des questions sans réponse. Beaucoup de « pourquoi ».

Ces pourquoi qui nous envahissent…
Pourquoi ça tombe sur moi ?
Pourquoi je suis malade et lui pas ?
Pourquoi je suis pauvre et lui riche ?

Que nous raconte l’auteur du livre de l’Ecclésiaste ? Il a tout essayé « sous le soleil », les plaisirs, la sagesse et même la folie. Et qu’en a-t-il conclu ? Lisons ses dernières pensées :

 

Sylvain Corbaz

Lecture de l’Ecclésiaste, chapitre 12, versets 9 à 14.

9 L'Ecclésiaste n’a pas seulement été un sage, il a aussi enseigné la connaissance au peuple et il a examiné, recherché, mis en ordre un grand nombre de proverbes.
10 L'Ecclésiaste s'est efforcé de trouver des paroles agréables, des écrits pleins de droiture et des paroles vraies.
11 Les paroles des sages sont comme des aiguillons et, rassemblées en un recueil, elles sont comme des clous plantés ; elles sont données par un seul berger.
12 Attention, mon fils, à ce qui pourrait y être ajouté ! On n’en finirait pas, si l'on voulait faire un grand nombre de livres, et beaucoup d'étude fatigue le corps.
13 Écoutons la conclusion de tout ce discours : « Crains Dieu et respecte ses commandements, car c’est ce que doit faire tout homme.
14 En effet, Dieu amènera toute œuvre en jugement, et ce jugement portera sur tout ce qui est caché, que ce soit bon ou mauvais. »

 

Suzy Favre

«Crains Dieu et respecte ses commandements, car c’est ce que doit faire tout homme» déclare l’Ecclésiaste.

Le jour où j’ai choisi de croire en Dieu, il y a de cela 10 ans, j’ai compris que ma vie avait déjà un sens puisque qu’elle était voulue et donnée par le Créateur. Mes « pourquoi » se sont transformés en « comment ». La quête de sens s’est muée en buts : mieux connaître Dieu, lui plaire, faire fructifier les dons qu’il m’a donné, suivre ses commandements.

Je ne parle pas de religion ou de dogmes, je parle de manière de vivre. Je ne suis pas devenue religieuse, je suis devenue chrétienne. Plus je chemine avec Dieu, plus je mesure l’importance de vivre ma foi à travers les relations. La relation à Dieu, par la prière et l’étude de sa Parole et la relation à mon prochain par le temps consacré à ma famille, à mes amis, mes voisins.

Je comprends que c’est ce qu’Il attend de moi, de toi, de nous tous. Nous l’avons lu dans Marc : Jésus guérit un homme le jour du sabbat. Jésus choisit l’amour de son prochain en priorité. Il est en colère et triste face à l’insensibilité des pharisiens. Jésus nous montre la voie.

Je suis maman de trois enfants de 2, 4 et 5 ans. Trois cadeaux du Ciel. Il m’arrive de trouver que ma vie est pénible, que je manque de temps, de liberté, de sommeil. Et alors, il est bon de me rappeler cette certitude que tout ce que je fais et vis, entre dans le plan de Dieu pour moi. J’accepte alors de ne pas tout comprendre, pour simplement faire confiance. Mon cheminement avec Dieu est caillouteux, je trébuche souvent, mais je connais mes combats. Mon mari en témoignera, je suis une maman qui perd patience parfois, mais qui aime sans relâche. Une femme qui marche avec Dieu comme guide.

« Crains Dieu et respecte ses commandements. » Certaines traductions disent : « Sois rempli de respect pour Dieu et obéis à tous ces commandements. » Qu’est-ce que cela signifie pour nous aujourd’hui dans notre quotidien ? Pour vous ici à Taveyanne ? Pour vous chers auditeurs ?

« Crains Dieu et respecte ses commandements. » Craindre, mais pas dans le sens de la peur. Entendez ici, faire confiance, se confier, rechercher la présence de Dieu. Comment ? Déposez dans la prière vos préoccupations, et pourquoi ne pas vous plonger dans la lecture de l’Ecclésiaste ?

Figurez-vous que j’ai commencé par ce livre la première fois que j’ai rouvert une Bible, 10 ans après ma confirmation, et ce livre rempli de sagesse m’a mis en route pour aller à la rencontre de ce Dieu qui nous veut du bien.

Toi qui es en quête de sens, saches que tu n’es pas seul. Dieu le Père pose son regard rempli de tendresse sur toi. Toi qui crois, ta famille d’église, ta communauté en Christ, peut aussi t’accompagner sur le chemin de la foi. Et toi qui ne sais pas vraiment, qui es peut-être en recherche, toi qui hésites… ose ouvrir cette Bible qui te paraît illisible, ose passer le seuil de cette Église qui semble étrangère à tes habitudes. Mais surtout ne marche pas seul, avance avec les autres et Jésus pour guide.

Dieu conduit nos vies, même quand on s’égare sur le chemin, qu’on trébuche ou qu’on perde l’objectif de notre voyage. Il peut nous éclairer quand on a l’impression d’avancer à tâtons dans l’obscurité de nos errances. C’est en lui seul que le bonheur et la plénitude peuvent être trouvés.

Sans lui, la vie n’a pas de sens.

Sylvain, chers amis de Taveyanne, chers auditeurs, la vie ne serait-elle pas comme une partie de Jass entre amis ? Tu joues en équipe, tu as toutes les cartes entre les mains, mais Dieu a choisi l’atout. L’Atout Cœur.

Amen !

Cœurs endurcis, oreilles bouchées et yeux fermés. Ça, c’est moi! C’est toi, aussi. Et c’est elle et aussi lui. Pas tout le temps, bien sûr... Quelles paroles pour nous aider sur le chemin?
Suivons le prophète Ésaïe et l’Ecclésiaste avec la lanterne du Christ pour explorer les règles de ce jeu grandeur nature appelé la «vie ensemble».

Détails

Avec la participation de
Suzy Favre, pour la liturgie
Orgue
Musique
La Fanfare de Gryon, sous la direction de Jean-Didier Bellon.
Marc-Antoine Grec au cor des Alpes.