Écouter le culte :
Première partie (John Ebbutt)
Je regardais l’autre jour des dessins de petits enfants qui représentaient des bonhommes. Vous savez, on l’a tous fait : quelques traits de crayon pour donner une forme à des personnages. Certains avaient beaucoup beaucoup de doigts aux mains, mais la plupart avaient de grands sourires et des yeux tout ouverts !
Et vous, si deviez dessiner aujourd’hui un être humain, vous le feriez comment ?
Est-ce que ça ne vous serait pas utile d’avoir plusieurs mains pour prendre à bras le corps tout ce que la vie exige et nous offre ? Les obligations de chaque jour, les projets, les souhaits. Pour les jeunes, entre les devoirs et les loisirs ; pour des parents, tout ce qu’il y a à gérer ; pour chacun souvent un planning, avec tout ce que l’on s’est fixé, tout ce qui nous est imposé. Sauf pour les retraités. Et encore... j’en connais de bien occupés ! On n’a pas assez de bras ni de mains !
Mais on peut aussi nous reprocher de n’avoir pas assez d’oreilles pour bien écouter, nous qui sommes parfois distrait, ailleurs, vous me suivez ?
Oui, et tant qu’à faire, il faudrait aussi des yeux derrière la tête pour toujours être attentif à tout ce qui nous entoure, pour ne rien oublier.
Mais nous n’avons que deux mains, deux oreilles, deux yeux, deux pieds... et c’est déjà beaucoup, et c’est déjà suffisant, car voilà les images que Paul utilise dans sa lettre pour parler du corps qui fonctionne quand il est bien articulé. Le corps pour dire tout ce qui nous relie les uns avec les autres, comme autant de parties aux fonctions différentes, mais toutes utiles.
Le corps comme une merveille qui nous ouvre à tant de possibilités extraordinaires, tant de sensations intenses, mais qui parfois aussi est limité. Le corps qui nous fait vibrer comme une danse. Le corps qui nous lâche, qui est lourd à porter, qui peut être usé, fatigué. Un corps qui ne peut pas tout faire tout en même temps, qui n’est pas comme sur un dessin imaginaire
C’est peut-être pour cela que certains, plus que d’autres, ont le don de voir – voir plus loin. Ils ont la capacité d’imaginer, de se projeter, de penser, de regarder à demain avec confiance, sans ciller. Et Dieu sait si on a besoin de personnes enthousiastes et positives, qui ne baissent pas les yeux devant les défis du quotidien, les obstacles et l’adversité. Elles gardent les yeux grands ouverts avec le regard clair dans un monde parfois un peu aveuglé
Mais il y en a aussi qui ont le don d’écouter, d’ouvrir grandes leurs oreilles pour recevoir et comprendre, pour percevoir et aider. Tendre l’oreille, c’est une si belle qualité. Et Dieu sait si on a besoin de personnes qui ont cette résonnance à ce que chacun peut partager, en ne faisant pas la sourde oreille : ni aux joies, ni aux tristesses, ni aux plaintes, aux critiques, aux injustices, dans un monde parfois un peu bouché.
Mais que seraient les yeux et les oreilles, sans les pieds ? Il y en a qui ont le don de se mettre en route, tout en gardant les pieds sur terre, en étant bien enracinés. Et Dieu sait si on a besoin de personnes qui laissent une empreinte pour motiver, stimuler, en trouvant le rythme, pas après pas pour avancer. Oui, c’est précieux quand on trouve une direction, grâce à celles et ceux qui n’ont pas peur de faire le premier pas, et qui donnent envie de se lever du bon pied dans un monde parfois qui tourne en rond.
Mais que ferait-on sans les mains pour les serrer, les ouvrir, pour agir, être actif et concret ? Il y a en a qui ont le don de créer. Et Dieu sait si l’on a besoin de personnes qui ont une habileté pour concrétiser ce que l’œil a vu, ce que les oreilles ont écouté, ce que les pieds ont posé. Des mains pour partir, bon pied bon œil, dans une complémentarité de tout le corps qui se met à bouger.
Je ne sais pas dans quoi vous vous reconnaissez, ce qui vous caractérise en particulier. Yeux, oreilles, pieds ou mains ? Ni ce que vous trouvez chez les autres comme qualités. Regard, écoute, marche, créativité ?
On aurait pu bien sûr choisir bien d’autres parties du corps, mais Paul nous dit avec humour que c’est une image de l’Église, avec ses membres qui ont des dons, des talents différents, et que tout cela nous rend plus vivants.
Un corps qui nous définit, dans nos liens, mais que l’on peut transposer aujourd’hui pour dire l’Église – l’Église comme un corps aux nombreuses parties pour nous reconnaître comme croyants. Et il y a tant de façons différentes de croire !
En ce jour de la Réformation, nous avons plus que jamais besoin de visionnaires, de personnes qui regardent plus loin que le bout de leur nez, qui osent, qui ont de l’audace pour risquer.
Nous avons besoin de celles et ceux qui écoutent la Parole avec attention, qui s’en inspirent, comme une Source de vie, en laissant l’Esprit les animer
Nous avons besoin de marcheurs pour quitter la poussière des chemins du passé, et retrouver une sens à nos vies avec Celui qui est le bon Berger
Nous avons besoin de mains habiles pour changer, transformer, prier, servir, partager.
Mais je vous l’avoue, je ne suis pas tout cela. Je n’ai pas tous ces dons. Ce serait trop beau ! Mais je peux m’appuyer sur ceux des autres, sur les vôtres, tout en espérant vous apporter ma part, modeste, sans trop vous casser les pieds.
Je n’ai que deux mains, mais je sais que je ne suis pas seul. Vous êtes là, et vous aussi chers auditeurs et auditrices, là où vous Dieu vous a placé. Ensemble nous pouvons être « d’à corps » avec notre diversité. Ensemble nous sommes corps du Christ pour mieux nous relier.
J’ai aussi de la chance d’avoir un collègue qui parfois fait des pieds et des mains pour que ça bouge dans notre paroisse et notre région, mais qui aujourd’hui propose une Vision pour continuer à ouvrir les yeux, avec le cœur sur la main. Alors... écoutons !
Amen
Deuxième partie (Jean-Marc Leresche)
Dimanche de la Vision. Et si on en profitait pour être visionnaires ? Pour voir loin, pour entrevoir ce que pourrait être l’Église de demain ? Esquisser son avenir aujourd’hui déjà.
Nous sommes nombreux à le constater : nos communautés vivent un tournant. Il est difficile, et de plus en plus, de motiver, de trouver, des gens de bonne volonté pour les placer dans nos cases, là où nous avons besoin d’eux pour continuer nos activités qui, au fil des années, réunissent de moins en moins de participants. Ce n’est pas une critique, c’est un fait, un constat.
Et si nous réagissions aujourd’hui déjà ?
Si nous changions les règles du jeu ?
Si nos paroisses devenaient des espaces où l’individu y trouve sa place ? Une place rien qu’à lui, pas juste une chaise, mais un élan où avec d’autres, jeunes et moins jeunes, il pourrait – non, pourra – partager doutes et questions, mais surtout rayonner en mettant à profit ses expériences, ses compétences, ses talents, ses charismes pour animer le jeu collectif. Car, comme dans une équipe, c’est bien l’engagement de chacun qui donne force à l’ensemble. Un ensemble qui nous échappe en partie.
Car nous en sommes convaincus : l’Église est plus que ce que nous en percevons, c’est-à-dire l’addition mathématique de ses membres engagés. L’Église, c’est aussi ceux qui la soutiennent, notamment financièrement, mais sans en être ni s’en réclamer. C’est ceux qui n’y viennent plus ou si peu ; qui s’en sont éloignés, vivant ailleurs et autrement leur spiritualité. C’est encore ceux qui la regardent d’un œil critique. Et tous les autres qui ne se reconnaissent pas dans ces catégories.
Nous risquant à rencontrer ces prochains-là, notre prochain, en fait, sortant de notre zone de confort, nous donnerons alors un souffle renouvelé à ce qu’est l’Église.
Nous avons tout à apprendre de ce mouvement « vers ». Car nous sommes persuadés que Dieu a voulu l’unité dans la diversité mais pas l’uniformité dans le « tous pareils, tous interchangeables » !
Nous croyons à cette Église ouverte sur et dans la société où il est possible d’être vraiment qui on est, où il est possible de se réaliser, sans peur de rater, de perdre ni de recommencer. Nous plaçons notre confiance dans le Christ vivant qui, comme un entraineur, insufflera l’esprit d’équipe, car tout ne dépend pas que de nous seuls. Et heureusement.
Cela pourrait ressembler à un doux rêve. Cela pourrait passer pour de la naïveté. Peut-être…
Mais, nous plaçons nos engagements à tous, d’ici et de là, dans ces paroles qui soutiennent et portent les efforts des communautés croyantes de tous les temps :
« Maintenant, ces trois choses demeurent : la foi, l’espérance et l’amour. Et la plus grande des trois, c’est l’amour. » (1 Corinthiens 13, 13)
C’est pour cela que nous sommes animés par Dieu et engagés pour les humains.
Amen.