Écouter le culte :
Introduction (Pierre Boismorand)
Quand on se promène sur les collines autour de Bethléem, on découvre de nombreuses cavités naturelles, creusées dans le calcaire.
C’est peut-être dans l’une de ces grottes que Joseph et Marie se sont finalement abrités, pour quelques nuits, entourés d’animaux.
C’est là, après avoir été rejetés, qu’eux, les indésirables, ont déposé leur petit, dans une mangeoire !
C’est dans cette étable balayée par les courants d’air que les bergers puis les mages sont venus adorer l’enfant.
C’est dans ce lieu rudimentaire que l’amour s’est installé.
Ainsi, cette crèche est devenue une sorte de première Église ! Mais alors, si cette pauvre crèche de Noël est devenue la première Église, n’est-ce pas la vocation de l’Église d’aujourd’hui de se transformer en une crèche qui recueille la vie ?
Ici, ce matin, nous avons disposé les bancs en forme de crèche, de mangeoire. Au centre, se dessine un espace vide, une place pour l’accueil de tous.
Nos paroisses : capables de s’ouvrir, de recevoir, de tendre la main, d’aimer chacun.
Nos Églises : crèches, mangeoires, étables – lieux peu recommandables pour les bien-pensants, mais destinés à celles et ceux qui sont dans le besoin.
Besoin d’être écoutés, besoin d’être soignés, nourris, logés. Besoin d’être acceptés tels qu’ils sont, sans jugement, de manière inconditionnelle. Et désir de retrouver des liens, de l’affection, une famille ; désir de se sentir reconnu et aimé !
Au travers de trois témoignages qui vont nous être offerts, découvrons comment l’Église sait répondre aux besoins et devient une crèche accueillante.
Première rencontre-témoignage (Agnès Thuégaz avec Roselyne Righetti et Jean-Marc Himpel)
Agnès : Salut Roselyne, salut Jean-Marc ! Merci d’être là. Vous nous apportez le témoignage de la présence de l’Église auprès des plus défavorisés, celles et ceux qui vivent dans la rue.
Roselyne : Nous, on n’est que des bergers, on est venu avec notre chien ! C’est bien, pour une fois qu’on nous demande pas de laisser le chien dehors !
Agnès : Vous n’êtes pas toujours bien accueillis ?
Roselyne : Oh ! On est mal vu un peu partout. C’est vrai qu’on a des vies pas très reluisantes, alors on nous traite de voyous. On nous fait pas tellement confiance. C’est drôle qu’ici on soit à la première place !
Au fait, on aimerait bien saluer Michel, si jamais il regarde la télé. Lui c’est un pote berger, il est en prison pour le moment, mais il nous fait signe souvent et il nous dit qu’il prie pour nous : Jean-Marc, le chien et moi. Ça fait du bien, tu sais, un pote qui a moins de chance que nous et qui prie pour nous !
Agnès : Lui, il est enfermé et vous, vous parcourez les rues. Vous êtes comme les bergers, les marginaux du temps de Jésus.
Roselyne : Oui, on est tout le temps dehors et on préfère qu'on nous laisse vivre comme on veut. Il y en a beaucoup qui veulent nous changer, nous mettre les pieds au chaud et après nous dire tout ce qu’on ne peut plus faire. Ils nous mettent le grappin dessus, même s’ils ont l’air riches et gentils. Mais ici c'est bien, il y a de la paille, c’est sympa ! D’abord on a eu peur, Dieu qui arrive et qui nous demande de venir le voir, ça a l’air sérieux, mais pourquoi pas ? Pourquoi pas nous ?
Agnès : Ça a l’air sérieux, et c’est complétement fou, non ?
Roselyne : On s’est dépêché de venir, pour une fois qu’on est invité ! On nous a dit qu’il est comme nous, pas riche et, oui, en bas de l’échelle comme nous ; le rencard dans ce refuge, autour d’une mangeoire, ça craint !
Mais il nous attend ! Ça fait du bien quelqu’un qui nous attend, quelqu’un qui nous serre dans les bras comme si on lui avait manqué !
Agnès : Pour vous, c’est quoi alors Noël ?
Roselyne : Là, c’est Noël et c’est bien organisé !
Mais c’est Noël chaque fois qu’un de nos potes bergers est avec nous autour d'une mangeoire. C’est la fête, tu sais, quand Memet nous crie de loin : « Voici mes vrais amis ! C’est Noël ! » Et quand il nous demande, un soir de mangeoire à l’église : « C’est quoi l’Avent ? », il a vite pigé et ça lui a plu que son Dieu, notre Dieu, vienne se mêler à son aventure à lui, le pauvre, le mal compris. Il en a ri !
Quand il s’est penché pour allumer la première bougie, son visage était si heureux qu’on a cru le voir contempler Dieu, comme un vrai berger, un berger de Noël !
Agnès : Noël : un accueil et un abri pour les plus pauvres, comme pour toi, pour moi, pour nous tous.
Deuxième rencontre-témoignage (Pierre Boismorand avec Monti et Eliana Ismail)
Pierre : Chère Monti, chère Eliana, je suis heureux de vous retrouver. Aujourd’hui, vous habitez Martigny, mais vous venez de loin. Comme l’enfant Jésus et sa famille, vous avez dû fuir, vous cacher, et trouver un refuge.
Monti : Oui, c’est vrai. Avec Joseph, mon mari, et avec Eliana qui avait 6 ans, on a été obligés de quitter notre pays. C’était en 2011. À cause de la guerre, nous avons abandonné notre village de Tel Jazira, près de Hassaké, au Nord-Est de la Syrie. Il a fallu tout laisser : travail, maison, famille, et notre vie d’avant.
Pierre : Qu’est-ce qui s’est passé exactement ?
Monti : En Syrie, tout le monde a souffert. Mais nous les chrétiens encore plus. On était en danger de mort. Par exemple, des membres de la famille de mon mari ont été otages de Daesh pendant plus d’une année, et on n’avait aucune nouvelle. Plusieurs de nos amis, de nos voisins ont été exécutés.
Pierre : Vous êtes d’abord passés par le Liban.
Eliana : Oui, au Liban, nous sommes restés 4 ans, dans des conditions très difficiles. Par exemple, moi, je ne pouvais pas du tout aller à l’école. Mais en 2015, nous avons eu la chance d’arriver en Suisse.
Pierre : Même si en Suisse, tout n’est pas si facile ! Mais vous étiez étrangers et vous avez été accueillis. Ici, on vous a tendu la main…
Eliana : Oui, les paroisses m’ont beaucoup aidée pour l’école, pour faire mes devoirs.
Elles ont aussi soutenu mes parents pour leurs papiers officiels, dans la vie de tous les jours, et pour leur permis de conduire.
C’est vraiment important d’avoir des amis qui nous entourent et qui sont là pour nous.
Et il y a aussi monsieur Gianadda qui nous a logés gratuitement.
Pierre : Vous êtes chrétiens orthodoxes et vous parlez l’araméen, une langue très proche de celle de Jésus.
Monti : Oui, je souhaite à tout le monde un joyeux Noël en araméen ! [...]
Pierre : Noël, c’est ça : c’est une place pour l’amour, et aussi pour une fraternité lumineuse.
Troisième rencontre-témoignage (Agnès Thuégaz avec Laurence Jacquod et Thierry Beylet)
Agnès : Laurence, merci de nous partager ton témoignage. Noël, n’est-ce pas Dieu qui est présent mystérieusement au cœur de chacune de nos existences ?
Laurence : J’ai été baptisée et après avoir traversé une enfance chaotique, j’ai confirmé et me suis mariée à l’église. Je me suis retrouvée veuve à 32 ans, avec la responsabilité de 3 jeunes enfants.
J’ai vécu de longues années remplies de joie mais aussi de questionnements existentiels et de doutes. Mes enfants élevés, je me suis retrouvée seule, avec une certaine instabilité mais habitée par le sentiment d’une présence à mes côtés.
Agnès : Et toi, Thierry, tu as aussi grandi dans l’Église ?
Thierry : Je suis né dans une famille croyante mais non pratiquante. J'ai reçu, enfant, tous les sacrements puis, à partir de mon adolescence je me suis progressivement éloigné de la religion.
Agnès : Comment est-ce que tu as repris contact ?
Thierry : Quelques années plus tard, le déclic est venu d’une rencontre. Je me souviens avoir ressenti un grand vide en moi et j’ai commencé à beaucoup lire, la Bible et d’autres ouvrages religieux. J’avais soif de connaissance et de découvrir qui était Dieu et peut-être à travers ça, qui j’étais réellement.
Agnès : Laurence, y a-t-il aussi un événement qui a rendu possible la rencontre personnelle avec Dieu ?
Laurence : J’ai connu des blessures physiques, certainement dues à une activité sportive trop intense. J’ai dû vivre un arrêt forcé. C’est à ce moment-là que Sa présence a commencé à se dessiner plus clairement et j’ai eu la sensation que le moment était enfin venu de prendre le temps d’écouter ce qu’il avait à me dire.
Dieu a attendu le moment propice pour que je le reconnaisse et à partir là, ma vie a changé de couleur et le feu intérieur s’est calmé. Il m’a donné la main et conduite vers des témoins de la foi. J’ai pris conscience que dorénavant, ma vie serait marquée par la présence révélée de Jésus à travers tout ce que j’entreprendrai, une présence que j’ai toujours ressentie, mais qui n’était pas mise en lumière parce que je n’étais pas prête.
L’Église, pour moi, aujourd’hui, c’est le lieu où je viens recharger mes batteries, me nourrir de la Parole et partager ma foi à travers et avec la communauté.
Agnès : Thierry, quels sont les effets visibles de la présence de Dieu dans ta vie?
Thierry : A partir de là, je me suis toujours senti accompagné et guidé.
J’ai rencontré des personnes, notamment à Taizé, qui ont pu me donner une orientation nouvelle.
Cette découverte de Dieu et de soi a été merveilleuse et elle le reste encore aujourd’hui. J’ai vraiment l’impression que ce chemin est sans fin. Il m’emmène vers toujours plus de joie et de paix. Il m’enseigne également la voie de l’humilité et du pardon !
Je ressens sans cesse la présence lumineuse de Dieu, sa bienveillance et son amour inconditionnel. Je suis rempli de gratitude et de reconnaissance pour le chemin parcouru et pour Celui qui se fait proche de nous à travers le Christ.
Message de conclusion (Agnès Thuégaz)
Oui, en venant habiter parmi nous à Noël, en prenant la condition humaine sous les traits d’un fragile nouveau-né, Dieu nous rejoint dans notre réalité.
Que l’on soit dans la rue, en prison, sur les routes de l’exil, confronté au deuil, à la maladie, à la routine, à la perte de sens, Il se fait proche de nous ici et maintenant.
Les profondeurs de notre être sont comme la mangeoire où Il peut naître chaque jour à nouveau, pour déposer sa Vie au creuset de notre humanité.
L’Église est un refuge tant quand elle se dépouille et accueille, s’ouvre au récit de l’histoire d’amour entre Dieu et nous.
C’est une merveilleuse espérance que nous partageons ce matin !
Amen