Écouter le culte :
À bout de souffle. Comme Ézéchiel au cœur de son exil à Babylone, déprimé par la catastrophe qui vient d’avoir lieu.
À bout de souffle. Comme tous ceux qui sont restés à Jérusalem, au milieu des ruines et des deuils.
À bout de souffle, comme nous, parfois, chahutés par ce qui nous est imposé comme maladies, deuils, séparations, inquiétudes et autres aléas douloureux de la vie.
À bout de souffle : c’est ainsi qu’on imagine le prophète emmené dans cette vision d’une vallée où se sont amassés des ossements. Triste vision. Son peuple ne lui apparaît que comme une foule de squelettes.
Vision terrible, un peu comme celles dont nous sommes gavés par les images de nos médias. Des populations déplacées, des enfants, des femmes qui n’ont plus que la peau sur les os… Et puis, bien sûr aussi des images peut-être moins spectaculaires, mais celles de toutes nos inquiétudes, angoisses, celles de nos échecs et de nos erreurs.
C’est là que surgit l’inattendu. Ézéchiel, à bout de souffle, va être saisi d’une énergie d’espérance qui va le pousser à formuler cette promesse extraordinaire : « J’ouvrirai vos tombes et je vous en ferai remonter ! »
Une vision, une intuition, une conviction, une expérience, sans doute, qui a saisi Ézéchiel dans son exil à Babylone.
Ma prière et ma confiance, c’est qu’à notre tour, nous soyons saisis de cette même intuition, conviction, expérience pour murmurer avec Ézéchiel : « J’ouvrirai vos tombes et je vous en ferai remonter. »
Je nous invite à reprendre le processus de ce texte qui fait passer le prophète, et tout son peuple avec lui, de l’épuisement à l’espérance.
Processus fécond qui émerge du dialogue dans cette vallée sinistre :
- Ne pas détourner le regard. Poser avec lucidité les yeux sur nos réalités : «Je vis!». Ézéchiel commence par la confrontation à ce qui est. Cette étape est difficile. On aimerait s’en passer. Mais c’est le début de tout processus d’espérance : voir les choses en face. Sans déni.
- Faire confiance. Faire confiance à une Parole qui nous dépasse, dont on n’est sûr de rien en fait. Une Parole qui vient d’ailleurs. Pas celle du devin, ni celle du médecin, ni celle du sociologue ou du politicien, mais celle qui vient d’encore plus loin, encore plus profond : celle de Dieu.
Ézéchiel, rempli de toutes ses déceptions d’avoir vu sa ville envahie puis détruite. Ézéchiel, rempli de toutes ses amertumes d’avoir sûrement dû trouver son Dieu bien loin et bien absent, décide de faire confiance. Et alors, la Parole reconstruit, rassemble et reconstitue. Faire confiance à la Parole, c’est un choix et une posture.
- Invoquer le Souffle. La confiance que la Parole de Dieu rassemble et reconstitue n’est pas l’aboutissement. Il faut encore que l’Esprit de Dieu, son énergie, sa présence invisible vienne s’en mêler. Et pour cela, Ézéchiel doit invoquer ce souffle, le demander, le mendier.
Ces trois moments constituent pour nous aussi un processus d’espérance possible. Un processus qui responsabilise. De la première à la troisième étape. On ne parle pas de magie ou de rituel secret, mais d’un homme croyant qui prend ses responsabilités.
- Ose poser un regard authentique et honnête sur les drames qui t’entourent. Sans déni. Sans justification déplacée, sans esquiver. Regarde les choses en face. Les choses du monde. Celles de notre société. Vois la souffrance et la misère. Mais n’en reste pas là !
- Fais confiance à la Parole de Dieu. Je suis impressionné par le nombre d’offres qui sont proposées à l’humain du 21ème siècle, où sa confiance est mobilisée. Bien sûr, nous avons besoin de ressources de tout ordre pour avancer, nous reconstruire : des lectures, des appuis, ceux de la science ou de la culture, des liens et des loisirs. Autant de ressources bienvenues.
Mais la confiance en Dieu qui continue à proposer un projet de vie à l’humanité – cette confiance, je constate que parfois, on regrette de ne pas l’avoir. « Je ne l’ai pas reçue, j’ai été déçu… »
À la lecture d’Ézéchiel, je me dis que la confiance en Dieu est un choix. Une initiative. Une posture. Quand l’as-tu risqué pour la dernière fois. Risqué, et donc formulé dans le secret de ton cœur, et nourri par une vie spirituelle. La confiance, c’est un choix.
- Et l’invocation de l’Esprit aussi, dans ce récit, relève de la responsabilité du croyant. Demander à l’Esprit de venir traverser cette foule inanimée pour Ézéchiel, c’est prononcer des paroles, des prières qui ont traversé les âges.
Comme tu peux invoquer cette même énergie divine sur celles et ceux qui t’entourent, sur ce qui est cassé en toi, sur ces populations qui t’émeuvent devant le téléjournal. Invoquer le Souffle avec les prières de toujours. Celle que le Christ a enseignée tout à l’heure, celle que ta grand-mère te chantait quand tu étais petit. Celle qu’il t’est arrivé de lire dans une revue chrétienne. Il n’y a rien de magique là-dedans, simplement le mystère que quand tu prononces une prière, alors, Dieu, discrètement vient se connecter et faire circuler la force de sa tendresse.
La force de la tendresse de Dieu. C’est ça au fond qui a trouvé Ézéchiel à bout de souffle. Cette même force de tendresse, nous pouvons la scruter, l’attendre, la prier, l’accueillir dans toutes les situations où nous sommes à bout de souffle.
« J’ouvrirai vos tombes et je vous en ferai remonter. » C’est ce que le Christ a accompli tout au long de sa vie avec ses disciples et toutes celles et tous ceux qu’il a rencontrés : les faire accéder à cette confiance.
C’est dans ce sens qu’il partage au seuil de son ministère cette parole avec les siens : « Vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde ». Oui, vous avez reçu cette responsabilité d’être porteuses et porteurs de lumière, relais de saveur pour ce monde compliqué.
Ézéchiel était un guetteur-prophète : c’est-à-dire en permanence à scruter des signes d’espérance de Dieu. Les disciples ont reçu du maître cette même vocation d’être attentifs au monde qui les entoure, pour que la lumière ait le dernier mot. Vous en êtes les successeurs.
Prends tes responsabilités, regarde la souffrance qui t’entoure, fais confiance à Dieu et invoque son Esprit !
Amen.