"Parthes, Mèdes, Elamites, ceux qui habitent...." cette longue liste de noms peut nous paraître bien ennuyeuse; ne vaudrait-il pas mieux la sauter? Il serait tentant de le faire. Si nous le faisons, nous nous simplifions évidemment la tâche, mais nous appauvrissons aussi gravement ce récit. Nous l'aurions même amputé d'un élément essentiel. Un élément qui montre que, dès ses débuts, la communauté chrétienne, l'Eglise, a été une réalité interculturelle, internationale, interlinguistique. Dès Pentecôte, l'oeuvre de Dieu n'est pas (ou plus) limitée à un seul peuple. Il y a toute une ouverture, tout un élargissement. II faudra du reste du temps aux premiers chrétiens - tant c'est nouveau - pour s'en rendre compte. Le livre des Actes montre cet élargissement (Actes 1.8).
Dans ce même ordre d'idées, ce qui est remarquable aussi, c'est que l'action du Saint-Esprit - venu ce jour-là - est liée à la transmission d'un message et d'un message qui passe en diverses langues. Ce qui me ferait volontiers dire que le Saint-Esprit est un traducteur. Il n'invente rien; il ne fait rien de nouveau, puisque tout a été accompli par Jésus-Christ; mais le Saint-Esprit se charge de le transmettre, de le monnayer, de le "traduire" dans les faits. Il a la responsabilité de traduire l'Evangile dans les circonstances de notre vie quotidienne. Il a d'autre part la responsabilité de le traduire aussi dans d'autres langues et dans d'autres cultures. Ainsi, l'action du Saint-Esprit est liée au message biblique, non pas d'une manière rigide et formelle, mais d'une manière vivante. Chacun comprend le message dans sa propre langue. Voici un progrès immense, une nouveauté sans précédent!
Le message biblique n'est pas lié à une langue sacrée, il n'est pas enfermé dans une culture... Il peut et doit être traduit. La Bible elle-même est rédigée en deux langues. Et très vite, dès les premiers siècles de l'ère chrétienne, on s'est mis à la traduire dans diverses langues. Plus tard, l'un des premiers soucis de la Réforme a été de traduire la Bible dans la langue du peuple, que ce soit en allemand, en français, en romanche même... Actuellement, la Bible est le livre le plus traduit au monde; aux dernières nouvelles, quelque 2092 langues possèdent au moins une partie de la Bible. Ces croyants de tous les âges, qui ont traduit la Bible, ne sont pas des téméraires; ils ne sont pas allés au-delà de la volonté de Dieu. Ils ont agi dans la ligne de Pentecôte.
On ne saurait avoir le Saint-Esprit sans la Bible; on ne saurait pas davantage avoir la Bible sans le Saint-Esprit. On l'a souvent oublié parmi les croyants; c'est ainsi qu'on a eu et qu'on a des spiritualistes, des frères du libre esprit, qui se sont cru tout permis en se réclamant d'un esprit impersonnel, détaché de la révélation biblique; et à l'inverse, on a eu aussi bien des croyants qui ont traité ou traitent encore la Bible un peu comme on ferait l'autopsie d'un cadavre. Il n'est pas facile de garder un bon équilibre entre la Bible et le Saint-Esprit.
En particulier, cela veut dire que toute nouvelle idée, tout nouveau mouvement doivent être mesurés à cette norme de la Bible. Dieu ne peut se contredire. A ne pas perdre de vue aujourd'hui, tant les chrétiens, par une largeur d'esprit excessive, se montrent perméables à toutes sortes d'idées! On met l'accent sur l'expérience, on la considère volontiers comme normative..."ça marche, ça ne doit donc pas être faux..." Et la Bible n'a qu'à suivre le mouvement, même s'il faut l'interpréter tendancieusement pour justifier des tentatives hasardeuses, de nouvelles morales, des expériences spirituelles inédites, des emprunts à diverses spiritualités, sans oublier thérapies alternatives et médecines "douces".
Non, l'Esprit n'est pas la porte ouverte au subjectivisme. Plusieurs de nos contemporains, hélas, sont tout aussi imprudents, dans leur soif de liberté - ou de ce qu'ils appellent ainsi - qu'une célèbre chèvre qui persistait à croire que l'herbe était meilleure... ailleurs! C'est d'autant plus facile pour nous d'aller ailleurs que Dieu ne nous attache pas à un piquet comme ce bon Monsieur Seguin! C'est seulement par son amour que Dieu, le Dieu de Jésus-Christ, nous attire à Lui.
Le Dieu de l'Evangile n'est pas un Dieu qui prend, un Dieu qui force et contraint, un Dieu qui nous priverait de choses bonnes et légitimes; le Dieu de Jésus-Christ est un Dieu qui donne et qui offre. Nous voici en plein à Pentecôte, qui est justement don de Dieu. Dieu prend ce risque de donner son Esprit, de le faire habiter en tous ceux qui s'ouvrent à son appel. C'est une présence, c'est un message d'amour et de vie. C'est tellement important en effet de bien savoir ce que Dieu a fait et ce qu'il veut pour nous: on se fait souvent tellement d'idées à ce sujet. D'où l'importance d'une écoute attentive de la Parole de Dieu, d'une écoute renouvelée et vivifiée par le Saint-Esprit. Nous avons besoin d'être sûrs de l'amour de Dieu pour nous, afin d'en vivre plus pleinement, afin de trouver un sens à notre vie.
Et c'est le Saint-Esprit qui va être le dénominateur commun, la réalité qui unit les hommes et les femmes, à Dieu d'abord, entre eux ensuite. Il va les unir au-delà des barrières de langues, il va les unir malgré les différences de cultures. Il ne va pas nécessairement supprimer ces différences, mais il va plutôt aider les humains à les surmonter. Il ne va pas non plus nécessairement les effacer, mais plutôt nous les faire accepter comme un enrichissement. Si nous vivons de l'amour de Dieu, nous pouvons aussi nous accepter les uns les autres avec nos différences.
"Parthes, Mèdes, Elamites, ceux qui habitent..." Qu'est-ce que ces touristes, ces milliers de touristes, auront retenu de leur voyage à Jérusalem? Ils ont entendu parler des merveilles de Dieu. Ce qu'ils ont découvert et reçu le jour de Pentecôte, ils ont pu l'emporter chez eux; ce n'est pas resté un beau souvenir, sans impact sur leur existence quotidienne. Lorsqu'on est trop occupé à voir ses problèmes, des difficultés, les obstacles et les frustrations de toutes sortes, on en oublie ce que Dieu fait et on ne sait plus trop pourquoi on vit.
Heureusement, ces touristes ont vu autre chose. Dans leur propre langue, ils ont entendu parler des merveilles de Dieu. De son amour. De son oeuvre de salut. De sa générosité. De la vie nouvelle en Jésus-Christ, mort et ressuscité. "Parthes, Mèdes, Elamites, ceux qui habitent..." J'allais ajouter "ceux qui habitent la Suisse romande ou la Suisse orientale". Grâce au même Saint-Esprit, la Bible peut nous parler aujourd'hui encore, à nous aussi; et elle peut nous donner de découvrir les merveilles de Dieu. Qu'elle nous aide à vivre de l'amour que Dieu nous a manifesté en Jésus-Christ !
Amen.