Écouter le culte :
Chère assemblée, chères auditrices et chers auditeurs,
Récit étonnant… un de plus que nous pouvons lire dans la Bible. « La Pentecôte, c’est quoi ça ? » questionnerait l’ado, les yeux rivés sur son Smartphone. Connais pas !
Récit fantastique, à l’égal d’un dernier volet de la saga Harry Potter, revue et corrigée par son auteur anglaise multimilliardaire.
Oui, le fantastique rapporte gros aujourd’hui, dans une société plutôt monotone et routinière.
Ce récit de Pentecôte semble s’être perdu dans les allées du temps, et même si on l’a entendu depuis sa plus tendre enfance, il nous paraît bien énigmatique ou encore venu d’un autre âge.
Alors, chers amis, chères auditrices et chers auditeurs, je me permets de faire une entorse au protocole religieux et de vous poser une question quelque peu singulière: le Saint-Esprit aurait-il disparu de nos églises réformées ? Aurait-Il pris la poudre d’escampette, lassé par notre monde moderne où il n’aurait plus sa place ?
Autre hypothèse, quelque peu saugrenue mais certes plausible : aurait-il été retenu captif par nos frères et sœurs pentecôtistes et charismatiques qui le détiendraient en lieu sûr ? Ou pire encore, aurait-il été enlevé par une puissance inconnue qui veut l’utiliser pour devenir les maîtres du monde ? Toutes les hypothèses sont permises.
Bien des questions qui surgissent ainsi dans mon Esprit ce matin, car j’ai parfois de la peine à m’y retrouver dans le dédale de nos cérémonies religieuses statiques et figées.
Rappelez-vous, pour les plus âgés d’entre nous, les énigmes policières que nous écoutions, assis presque religieusement devant le poste de radio familial. Sans télévision ou tablette à notre portée, nous étions à l’affût pour suivre les démêlés du commissaire Durtal et de son fidèle adjoint le détective Picoche. Je vois encore mon père, confortablement assis dans son fauteuil, corrigeant les épreuves de ses élèves et ne perdant rien des intrigues policières, gardant tout à coup le doigt levé, l’œil aux aguets en attente du dénouement de l’intrigue.
Esprit es-tu là ? Un bruit, un vent violent, des langues de feu et tous étaient remplis du Saint-Esprit. On les entendait même parler en d’autres langues, puisque la langue usuelle ne suffisait plus pour canaliser les effets de cette tempête spirituelle.
Mais de qui parle-t-on vraiment ? Quel portrait peut-on établir de celui qui est activement recherché ?
Le ruah de Yahvé est bien plus qu’un souffle. Il est une respiration, essentielle à la vie et que l’on découvre dans l’AT aux chapitres 2 à 4 de la Genèse. La puissance de vie et créatrice de Dieu en contraste avec la basar humaine, tout ce qui est mortel, inachevé, incomplet.
Ce souffle de Dieu qui est passé dans les narines de cette première créature humaine et qui lui a donné la vie.
Dans l’AT, le mot Esprit apparaît 378 fois et 379 dans le NT. Pour les prophètes, la venue des temps messianiques sera donc marquée non seulement par une effusion générale de l’Esprit, mais plus encore, par un profond renouvellement du cœur de l’homme qui débouche sur une pratique vraie, sincère, authentique de la justice. L’église chrétienne, à travers les siècles et jusqu’à aujourd’hui a été très peu sensible à ce lien si profond que l’AT établit entre la venue du Messie et la descente en plénitude de l’Esprit.
Le souffle de Dieu, principe de vie et de connaissance de sa parole anime l’univers tout entier, nous rappelle le professeur en théologie Jean-Paul Gabus, dont je me suis beaucoup inspirée pour cette prédication.
La tradition orientale et orthodoxe a su maintenir jusqu’à nos jours dans son enseignement auprès de ses fidèles, ce rôle premier de l’Esprit dans le développement de la vie chrétienne, de la vie ecclésiale et même de la vie dans l’humanité en général et le cosmos tout entier.
Le starets Silouane, moine du Mont Athos a dit ceci : « Le Saint Esprit est Amour. Cet Amour est répandu dans les âmes de tous les saints qui demeurent au Ciel et le même Esprit vit sur terre, dans les âmes de ceux qui aiment Dieu. Dans le Saint-Esprit, les Cieux voient la terre, entendent nos prières et les portent à Dieu.
Saint Augustin, à son tour, soulignera que l’Esprit est une réalité vécue dans l’Esprit car il est d’abord l’âme de l’Église, c’est aussi la liberté qui nous permet de connaître la vérité. C’est encore et toujours l’anticipation des temps derniers.
Tout au long de l’histoire de l’église, l’Esprit s’est manifesté de façons saisissantes et notamment au travers de mystiques, des femmes telles qu’Hildegarde de Bingen, Hadewijck d’Anvers ou encore Catherine de Sienne, pour n’en citer que quelques-unes. Des communautés monastiques naissent qui remettent en vigueur les charismes de prédication et de prophétie et qui connaissent de véritables effusions de l’Esprit. Des communautés qui resteront vivantes jusqu’à la fin du Moyen-Âge et qui prépareront la venue de figures charismatiques comme un Pedro Valdo, Jean Wycliffe et Jean Huss.
La Réforme apparaît, le mouvement issu de Luther, Zwingli, Bucer et Calvin et qui considère les confessions de foi et la doctrine théologique de l’Église ancienne comme une expression fidèle de l’Écriture. Elle a cherché à renouer avec la tradition des Pères anciens, et sur ce plan, le rôle de l’Esprit est primordial pour la Réforme.
Non seulement l’Esprit seul donne la vraie foi, une foi vivante attachée à la seule personne de Jésus-Christ et à son œuvre rédemptrice.
Le réformateur Zwingli, bien connu dans ce coin de la Suisse, est sans doute le réformateur qui a le plus insisté sur la primauté de l’Esprit. Dieu, dit-il, touche nos cœurs d’abord par l’action intérieure du Saint-Esprit, et Luther de rajouter que personne ne peut comprendre Dieu et sa parole si cela ne lui est donné sans intermédiaire, par le Saint-Esprit. (Grand Catéchisme) Calvin, pour sa part, affirmera dans son Institution Chrétienne que l’Esprit est d’abord le principe de la connaissance de Dieu et de sa parole.
L’Écriture toute entière est l’œuvre de l’Esprit. Il est donc logique que sans l’aide du Saint-Esprit nous ne puissions avoir accès à une juste lecture et compréhension de son contenu.
L’Esprit Saint est puissance même de l’Évangile, et quelque part cette affirmation nous fait peur. On n’a pas trop envie d’être bousculés, démontés dans nos convictions acquises au fil des années.
Alors, au bout du compte, où se cache donc ce Saint-Esprit dont on a tant parlé au cours des siècles et dont bon nombre de nos prédécesseurs ont expérimenté la puissance ?
L’aurait-on enfermé dans des concepts théologiques bien ficelés, à l’abri de la poussière et de l’usure du temps, ou encore dans les rayons de nos bibliothèques de facultés de théologie ? A-t-on vraiment envie de le retrouver dans toute sa force et sa puissance dans notre société moderne, caractérisée par la maitrise d’un Esprit rationnel et critique ?
Pourtant, on le cherche désespérément et les sciences occultes de tout poil n’ont jamais eu autant de succès et d’attrait qu’aujourd’hui.
Le grand théologien du XXe siècle, Emil Brunner, dira que nous devons prier ardemment pour une nouvelle effusion de l’Esprit en notre temps et prendre conscience que la vie de l’Esprit est liée de manière permanente à ces manifestations.
Car le drame du christianisme actuel, ce n’est pas qu’on manque d’argent, c’est plutôt qu’une organisation et une autorité de type clérical et hiérarchique, la morale et l’institution se sont progressivement substituées à une vie de foi remplie de la présence vivifiante de l’Esprit.
La vie et la mission de l’Église sont placées sous la mouvance de l’Esprit qui est revêtement de puissance, dispensation des dons ou des charismes toujours abondants. Ceux-ci dépendent du libre vouloir de Dieu.
L’apôtre Paul place les charismes de sagesse, de connaissance et de foi avant les dons de guérison, d’opérer des miracles, de discernement, du parler en langues et d‘interprétation.
La tentation de l’Eglise est de toujours vouloir soit monopoliser l’Esprit à son unique profit, soit à en disposer à sa guise comme il lui plaît. C’est alors lorsqu’elle étouffe le libre agir de l’Esprit et de ses charismes.
A travers toute l’histoire de l’Église, témoins et théologiens d’une expérience profonde de l’Esprit ont été légion. Comment se fait-il que nos églises réformées vivent si peu de cette richesse et largesse du souffle divin ?
Nietzsche n’avait-il pas raison de dire que nous étions nous-mêmes les responsables de la mort de Dieu dans notre temps ?
Pourtant, chaque fois que l’Église se met à soupirer, à crier pour la venue de l’Esprit, celui-ci peut à nouveau se manifester et agir en son sein.
Chère Assemblée, chères auditrices et chers auditeurs,
Le Saint-Esprit est activement recherché. L’aurait-on kidnappé moyennant une rançon ou aurait-il préféré les lieux où il est dignement honoré et adoré ?
La question reste ouverte en ce dimanche de Pentecôte et l’enquête ne se termine pas là. D’autres interrogations, d’autres réflexions doivent être menées pour qu’ensemble nous puissions aller plus loin dans notre vie de foi, pour qu’ensemble nous retrouvions ce feu et cette ardeur qui donne envie.
Dernière illustration au travers de la mise à l’épreuve d’Indiana Jones pour sauver son père dans la grotte où se trouve le saint Graal.
Ne manquez pas notre rendez-vous, dimanche prochain et peut-être connaîtra-t-on le dénouement de cette curieuse affaire qui nous tient en haleine depuis trop longtemps et qui certainement nous donnera encore bien du fil à retordre.
Bonne Pentecôte à toutes et à tous!
Amen.